Actualités 31.07.2024

Trafic de chevaux de course qui finissent à l’abattoir : où est passée cette viande frauduleuse ?

© Image extraite du documentaire Making a Killing diffusé en juin 2024 par la télévision irlandaise RTÉ

Des chevaux de course impropres à la consommation envoyés à l’abattoir pour finir dans des barquettes au supermarché, en boucheries ou on ne sait où en Europe ? C’est le scandale de fraude massive révélée à la télévision publique irlandaise RTÉ dans un documentaire inédit qui révèle l’ampleur d’un trafic européen de ces chevaux entrant illégalement dans la chaîne alimentaire. Décryptage. 

Dix ans après les lasagnes à la viande de cheval, le choc d’un nouveau scandale

Plus de dix ans après le scandale dit des ‘lasagnes à la viande de cheval’, l’enquête fouillée du journaliste d’investigation Conor Ryan montre que de nombreux chevaux de course voient leurs puces électroniques ou passeports ou trafiqués pour être envoyés à l’abattoir. Il s’agit d’une fraude massive qui consiste à brouiller la traçabilité de la viande et faire entrer dans notre chaîne alimentaire de la viande impropre à la consommation.  

L’enquête de RTÉ Investigates, à laquelle foodwatch a contribué, a filmé en caméra cachée le seul abattoir agréé irlandais abattant des milliers de pur-sang qui viennent ensuite alimenter l’Europe, au mépris des règles de traçabilité qui doivent normalement garantir la sécurité sanitaire de notre alimentation.  

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Bien que cette fraude dure au moins depuis janvier 2023, vous n’en avez sans doute jamais entendu parler. Les quantités de cette ‘viande’ impropre à la consommation sont pourtant hallucinantes. Compte tenu de la gravité des faits, chez foodwatch, nous trouvons inacceptable que les consommateur·rices ne soient pas informé·es.  

400 tonnes de viande de cheval venues d’Irlande et une traçabilité douteuse

Un abattoir irlandais s’adonne à un trafic de chevaux de course européens. Ces chevaux traités aux médicaments anti-inflammatoires y sont maltraités puis taillés en morceaux pour être ensuite envoyés vers d’autres pays. Les images sont extrêmement choquantes. 

Et les chiffres derrière ce commerce illégal le sont tout autant : les sources officielles indiquent ainsi que la France a importé 400 tonnes de viande de cheval d’Irlande l’année dernière, vraisemblablement en provenance de ce scandaleux abattoir au cœur du documentaire. C’est l’équivalent de 1,6 million de steaks de 250 grammes... dont la traçabilité est aujourd’hui sérieusement questionnée.  

Même si la consommation de viande de cheval en France a chuté de façon spectaculaire depuis l’affaire dite des ‘lasagnes à la viande de cheval’, aujourd’hui 5% des consommateur·rices en mangent encore (contre 17% en 2013).  

La faiblesse du système actuel – peu de contrôles - permet à des réseaux criminels d’opérer en France, en Belgique, en Espagne, aux Pays-Bas et de falsifier les passeports des bêtes, leur insérer de nouvelles puces électroniques pour brouiller leur identité et les faire ainsi entrer dans la chaîne alimentaire comme si de rien n’était. Ce qui soulève évidemment des questions sur le potentiel risque sanitaire.  

Fraude à la viande de cheval : l’urgence d’une réglementation plus ambitieuse

L’ampleur du problème est loin d’être anecdotique. Au cours des cinq dernières années, le système européen d'alerte pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (RASFF), qui permet aux États membres de partager des informations sur les risques sanitaires, a reçu près de 200 alertes concernant des soucis liés à l'étiquetage ou aux passeports des chevaux entrant sur le marché européen. Dans chaque cas, plusieurs pays étaient concernés, dont le nôtre.  

« Cette fraude est possible parce qu’elle rapporte beaucoup d'argent avec peu de risques d'être pris. A travers l’Europe, les autorités de contrôle sont en sous-effectifs et la fraude alimentaire ne figure pas au rang des priorités politiques. Cette enquête montre que les criminels n’hésitent pas à exploiter les faiblesses du système dénoncé depuis des années par foodwatch : peu de contrôles, des bases de données nationales qui ne communiquent pas nécessairement et une opacité qui les protège. Car cette viande impropre entre bel et bien dans notre chaîne alimentaire. Pourtant, aucune information n’est donnée aux consommateurs ».
Ingrid Kragl Directrice de l'information foodwatch France

Après le scandale du cheval à la place du bœuf qui a éclaté en 2013, les autorités européennes ont pris des mesures pour améliorer la traçabilité avec un nouveau règlement sur les équidés en 2015 puis en 2021, mais on constate aujourd’hui que ce n’est pas suffisant. Pour que ces fraudes cessent, la réglementation doit aller plus loin.  

La Commission européenne prend l’affaire au sérieux, silence des ministères français pour le moment

Nous avons aujourd’hui notamment besoin d'une base de données européenne interopérable. Elle permettrait d'accéder à des informations normalisées dans tous les pays de l'UE en libre accès. Cela représente, certes, beaucoup de travail pour la Commission européenne car il s’agit d’un projet informatique à gérer avec 27 Etats membres.  

Comme il s’agit de chevaux circulant en Europe, foodwatch a immédiatement demandé aux autorités européennes de retracer où les tonnes de viande de cheval impropre à la consommation ont été vendues, par qui, sous quelle marque, à quel endroit. D’après nos informations, la Commission européenne, qui prend l’affaire très au sérieux, a réuni d’urgence les 27 Etats membres. Europol coordonne la collecte des informations.  

Nous avons aussi demandé aux ministères français en charge de ce dossier – agriculture et économie - de nous communiquer en toute transparence où se trouve cette viande de cheval impropre à la consommation. Entre dissolution de l’Assemblée nationale, Jeux olympiques et gouvernement réduit à gérer les affaires courantes, la réponse se fait attendre.  

Mais comptez sur nous pour ne rien lâcher. Car nous avons le droit de savoir : avons-nous du cheval impropre à la consommation dans nos frigos ? Où a-t-elle été vendue, par qui et quand ?    

Pour foodwatch, il n’y a pas à tergiverser : face aux trafics qui persistent en Europe, la transparence totale à travers toute l’Europe est la seule réponse possible. Nous voulons également que nos décideurs et décideuses politiques prennent les choses au sérieux au vu des risques et menaces que fait peser la fraude alimentaire. Les consommateur·rices européen·nes ont le droit d'être protégé·es contre ces pratiques frauduleuses. 

Avec foodwatch, refusez que ces informations choquantes passent inaperçues : réclamez la transparence !  

Fraude alimentaire : que se cache-t-il derrière ce scandaleux tabou ?

Comment définir la fraude alimentaire ? Quelles sont ces escroqueries ? Qui sont les fraudeurs ? Comment lutter contre ? Gardez l’estomac bien accroché, foodwatch a mené l’enquête. 

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