Actualités 29.05.2024

Origin’Info : que pense foodwatch du nouvel étiquetage sur l’origine des ingrédients ?

Le 25 mai 2024, le gouvernement a annoncé la création d’un nouvel étiquetage, “Origin’Info”, censé donner aux consommateurs et consommatrices une information plus transparente sur l’origine des ingrédients de leurs produits alimentaires. Pour foodwatch, qui a participé aux discussions, le gouvernement doit aller plus loin. Décryptage. 

Le logo sur l’origine Origin’Info : de quoi s’agit-il ?

En février 2024, le gouvernement avait annoncé plancher sur un logo permettant d’afficher l’origine géographique des ingrédients sur les emballages des produits alimentaires transformés. La ministre déléguée aux Entreprises et à la consommation Olivia Grégoire avait communiqué sur sa volonté de créer un étiquetage national indiquant la provenance des aliments, « l’origine-score ». Le gouvernement avait alors réuni les distributeurs, les industriels et les associations de consommateurs, dont foodwatch, autour de la table pour discuter d’un projet d’étiquetage.

« Avec cette initiative, le gouvernement répond à une demande de plus en plus forte des consommateurs et consommatrices, renforcée par la colère légitimement manifestée par les agricultures et agricultrices dans les rues au début de l’année, de savoir d’où viennent les ingrédients des aliments mis dans leurs assiettes. »
Audrey Morice Chargée de campagnes foodwatch France

La transparence sur l’étiquetage est réclamée pour plusieurs raisons : les préoccupations des citoyens et citoyennes en lien avec la qualité sanitaire des ingrédients, la volonté de soutenir des productions plus « locales » et les impacts environnementaux et socio-économiques de l’agriculture et de l’alimentation. 

Le 25 mai 2024, le gouvernement annonçait finalement la création du projet « Origin’Info », une démarche volontaire pour les entreprises sous la forme d’un logo indiquant le ou les pays d’origine des produits agricoles dans les produits alimentaires transformés. D’après le calendrier indiqué par le gouvernement, le déploiement de l’affichage Origin’Info sera progressif à partir de cet été : on pourrait voir ce nouveau logo apparaît dès les mois prochains dans les rayons des supermarchés. 

Origin’Info : un point de départ pour la transparence, une nécessité d’aller plus loin

Bien vite, les beaux discours des industriels et des distributeurs, affirmant que personne ne peut aller contre la transparence, ont laissé place à d’autres, détricotant l’initiative louable du gouvernement. 

Pour foodwatch, 3 écueils réduisent largement l’ambition d’Origin’Info.   

1. Origin’Info n’est pas obligatoire pour les industriels 

Les industriels auront le choix d’apposer Origin’Info sur leurs produits alimentaires : ce n’est pas un logo obligatoire, ce qui signifie qu’il n’apparaîtra pas sur l’ensemble des emballages en rayon. Or, on le sait bien chez foodwatch, quand la transparence n’est pas à leur avantage, l’industrie agroalimentaire ne se bat pas pour l’afficher : pour qu’un logo soit réellement efficace, il doit être obligatoire et affiché sur tous les produits concernés. 

Aujourd’hui, des marques indiquent déjà l’origine des ingrédients sur les produits qu’elles vendent, tandis que de nombreuses autres ne le font pas : dans une enquête, UFC-Que Choisir a relevé, sur près de 250 aliments transformés passés à la loupe, que 47% ne mentionnent aucune origine. En bref, la transparence ou à l’inverse l’opacité sur les étiquetages ne sont pas dues à des raisons techniques liées au conditionnement des produits, mais bien à des choix. 

Une démarche basée sur le seul volontariat ne fera donc pas progresser la transparence car les marques s’approvisionnant pour leurs produits aux quatre coins de l’Europe ou du monde ne seront pas incitées à faire preuve de plus de transparence, ni à modifier leurs pratiques.   

2. Origin’Info ne sera pas toujours facilement accessible

Le gouvernement permet aux industriels de donner l’information sur l’origine des ingrédients aux consommateurs et consommatrices directement sur l’emballage du produit, mais aussi sur les sites des enseignes ou via un QR Code. 

Pourtant, rien ne vaut une information immédiatement visible et accessible dans les supermarchés pour qu’elle soit réellement utile. On le sait : les consommateurs et consommatrices ne disposent que de quelques secondes par produit au moment de l’achat pour prendre une décision : un logo dématérialisé n’est pas compatible avec ce temps limité. 

Selon l’INSEE, une part significative de la population ne possède pas de smartphone permettant de scanner un QR Code : dématérialiser Origin’Info, c’est entraver l’accès à l’information sur l’origine pour de nombreux consommateurs et consommatrices. Sans compter que le réseau de beaucoup de points de vente ne permet pas un accès optimum à internet pour consulter l’information. Pour foodwatch, les industriels ne doivent pas pouvoir donner cette information uniquement via un QR code. 

3. Origin’Info n’est pas suffisamment précis sur l’information donnée 

Origin’Info prévoit aujourd’hui d’indiquer l’origine de trois ingrédients primaires seulement : c’est insuffisant au regard de la provenance multiple des ingrédients que peut avoir un produit. Pour que la transparence soit totale, il faut élargir l’obligation à l’origine des autres ingrédients caractérisant d’un aliment, quelles que soient leurs importances dans la recette du produit et en particulier s’ils font l’objet d’une mise en avant par le fabricant sur l’emballage du produit.
Pour foodwatch, l’affichage des ingrédients doit être fait par ordre d’importance pondérale décroissante ; la proportion précise des ingrédients et leur origine doivent systématiquement être précisée en pourcentage. Cette condition est nécessaire afin d’éviter d’induire en erreur les consommateurs et consommatrices par un affichage d’une « origine France » qui représenterait en réalité une part très faible du produit.

Origin’Info, un projet bientôt européen ?

Origin’Info devrait être ensuite porté par le gouvernement au niveau européen car l’encadrement des logos et des mentions dépend du règlement dit INCO, sur l’information des consommateurs et consommatrices : cet engagement est essentiel. Une quinzaine d’Etats, dont la France, l’Autriche, les Pays-Bas ou l’Allemagne, réclament déjà sa révision – qui permettrait au passage de mettre sur le devant de la scène politique des sujets essentiel comme le Nutri-Score – et par sa modification, de rendre l’étiquetage de l’origine obligatoire au niveau européen.  

« L’initiative proposée par le gouvernement ne peut être qu’un point de départ. Il est nécessaire de porter au niveau européen une obligation d’étiquetage de l’origine des produits transformés, la plus précise possible et sur un support non dématérialisé. Rappelons, que l’information est un droit majeur pour les consommateurs et consommatrices : ce droit ne doit pas être laissé au bon vouloir des industriels ».
Camille dorioz Directeur de campagnes foodwatch France

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