Avec la cheapflation, foodwatch sur la piste d’une nouvelle arnaque au prix ?
Alors que l’inflation alimentaire continue d’impacter le pouvoir d’achat des ménages, foodwatch a été alertée à de nombreuses reprises l’année passée d’une pratique importée des Etats-Unis : la cheapflation. Loin de la vigilance des consommateurs et consommatrices, il est aujourd’hui presque impossible de l’identifier et de la quantifier. Baisse de la qualité des produits, et trop souvent, augmentation de leur prix : foodwatch a décidé d’ouvrir l’enquête.
Profits excessifs des industriels de l’agroalimentaire : foodwatch continue d’enquêter
foodwatch vous le révélait en fin d’année dernière : les mastodontes de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution profitent et aggravent la crise. Dans un contexte d’inflation alimentaire de plus de 20% sur 2 ans, des millions de personnes sont confrontées à la précarité alimentaire : pour elles, les produits, surtout les plus sains, deviennent de plus en plus inaccessibles.
Mardi 6 février 2024, France Télévisions lance un nouveau reportage : France Grand Format. Pour ce premier numéro « Alimentation : à qui profite la hausse des prix ? », foodwatch a travaillé en étroite collaboration avec les journalistes de la chaîne pendant plusieurs mois. Notre objectif ? Donner une vision d’ensemble des problématiques du système agroalimentaire et pointer du doigt ce qui doit changer pour garantir le droit à une alimentation saine, choisie et abordable pour toutes et tous. Au programme : spéculation alimentaire, inflation, shrinkflation et une nouvelle arnaque au prix : la cheapflation.
C’est quoi au juste la « cheapflation » ?
Nouveau mot-valise né de la contraction des mots « cheap » (en anglais, bas de gamme ou bon marché) et inflation, la cheapflation qualifie la dégradation de la qualité d’un produit – nutritionnelle à savoir la valeur énergétique, la teneur en lipide, en protide, en vitamines ou organoleptique liée à l’aspect, au goût, à la saveur – et l’augmentation de son prix au litre ou au kilo.
Pour faire simple, cette pratique consisterait à réduire, à supprimer ou à substituer un ingrédient par un autre ingrédient moins cher et/ou de moins bonne qualité, souvent sans plus d’information que le changement quasi imperceptible de la liste des ingrédients au dos du produit.
À l’échelle d’un produit, les économies réalisées par les géants de l’industrie agroalimentaire peuvent sembler dérisoires, mais pour une entreprise qui en produit des milliers, cela peut représenter une sacrée différence.Chargée de campagnes foodwatch France
Cheapflation : six produits épinglés par foodwatch
Les justifications des marques reçues par foodwatch sont disponibles en fin d'article.
Pour continuer à investiguer, nous avons besoin d’autres exemples et pour cela, nous avons besoin de votre aide ! Si vous avez repéré un cas de cheapflation ou si vous pensez avoir une piste, écrivez-nous et aidez-nous à faire avancer l’enquête.
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Des pratiques symptomatiques d’un système alimentaire à la dérive
Sur les exemples épinglés par foodwatch, la cheapflation, comme la shrinkflation sont des pratiques opérées en catimini ces dernières années, qui réduisent le pouvoir d’achat des Français·es. Nous avons interpellé les fabricants, qui justifient généralement ces changements par une hausse du prix des matières premières en période d’inflation. Pour foodwatch, cela n’excuse en rien l’opacité sur les changements de recette ou de format, ni la hausse des prix qui y est corrélée.
Ce n’est pas en masquant l’inflation avec ces subterfuges que l’on va enrayer la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs et consommatrices. Si les industriels sont libres d’apporter les modifications souhaitées à leurs produits, ils doivent le faire avec beaucoup plus de transparence.
Surtout, nous avons identifié des exemples remontant jusqu’en 2016, bien avant le début de la hausse des prix alimentaires. Le phénomène n’est donc pas récent, mais l’inflation pourrait avoir encouragé les industriels à recourir à ces pratiques.
Inflation, coûts cachés, précarité, santé : un système alimentaire à la dérive
En 2 ans, l’inflation a fait grimper les prix des courses au rayon alimentation de plus de 20%. foodwatch décrypte pour vous les rouages d’un système qui marche sur la tête et les actions à mener pour enfin défendre le droit de toutes et tous à une alimentation saine, durable, choisie et abordable.
Lancer l’alerte : les coulisses de l’enquête foodwatch sur la cheapflation
Comme la shrinkflation , la cheapflation est une pratique imperceptible et très difficile à démasquer. À ce jour, il n’existe aucune base de données recensant l’évolution des recettes et des prix des produits dans le temps : comme souvent lorsque notre équipe mène l’enquête, nous avons fait avec les moyens du bord.
À l’aide de la plateforme en ligne Open Food Facts, nous avons tenté de remonter le temps pour identifier les évolutions des recettes de produits de grande consommation dans le temps. C’est en retraçant l’historique de la composition des produits sur cette base de données ouverte (opensource) que nous avons mené notre enquête.
Notre équipe a ensuite à nouveau plongé son nez dans les catalogues promotionnels des supermarchés pour y trouver les prix des anciens produits. Nous avons comparé l’ancien prix du produit à celui trouvé aujourd’hui dans la même enseigne, en prenant en compte l’inflation.
Si foodwatch a toujours le souci de mener ses enquêtes à hauteur des consommateurs et consommatrices, de rayon de supermarché en catalogue papier, il faut admettre que la cheapflation est bien difficile à prouver : elle donne à notre équipe du fil à retordre. De nombreuses révélations de foodwatch ont été permises grâce à vos signalements : donnez-nous un coup de main !
Echanges avec les industriels
Pour mener son enquête sur la cheapflation, foodwatch, avec l'aide de France télévisions avec qui elle a collaboré dans le cadre du documentaire "Alimentation : à qui profite l'inflation ?", a contacté les marques épinglées pour confirmer les changements de recette identifiés.
- Consulter la réponse de Maille (Unilever)
- Consulter la réponse de Bordeau Chesnel
- Consulter la réponse de Milka (Mondelez)
- Consulter la réponse de After Eight (Nestlé)
- foodwatch a pu consulter la réponse apportée par Findus et par Fleury Michon aux équipes de France télévisions
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