Messieurs les Ministres,
Les fraudes alimentaires se multiplient en France et en Europe. Avec foodwatch, nous vous appelons à agir pour en assurer une meilleure prévention, avec davantage de moyens pour les contrôles, des sanctions plus dissuasives pour les fraudeurs et, surtout, plus de transparence pour nous citoyen.nes.
Or aujourd’hui, il est quasiment impossible pour nous de savoir si les produits que nous avons achetés ou consommés sont concernés par ce phénomène. Nous avons au mieux uniquement accès à des informations très générales sur les conclusions de certaines enquêtes menées par la répression des fraudes (DGCCRF) ou la Direction générale de l’alimentation (DGAL). Mais le nom des marques concernées par des fraudes, le nom des produits, des fabricants, les quantités et les lieux de vente par exemple sont, eux, la plupart du temps tenus secrets.
Ce manque de transparence sur les fraudes alimentaires est inacceptable, car cette opacité alimente un climat d’impunité qui encourage les fraudeurs autant qu’il alimente la défiance des consommateurs. Ne pas communiquer clairement sur la réalité de ces fraudes revient à jeter le doute sur l’ensemble des rayons et des produits.
Pourtant rien ne vous empêche aujourd’hui d’être transparents. Au contraire, tout vous y encourage.
• Le cadre légal européen sur l’alimentation : le Règlement européen (CE) n°178/2002 du 28 janvier 2002 rappelle dans son article 8 : « La législation alimentaire vise à protéger les intérêts des consommateurs et elle leur fournit une base pour choisir en connaissance de cause les denrées alimentaires qu'ils consomment ». Elle oblige notamment les Etats membres à informer immédiatement les citoyens lorsque des denrées alimentaires peuvent présenter des risques pour la santé et, au-delà, elle souligne une dizaine de fois le mot « transparence » comme une garantie de la confiance des citoyens.
• La Cour de justice de l’Union européenne a statué dans un sens favorable pour que les Etats membres communiquent de façon plus transparente. L’arrêt d’avril 2013 l’énonce très clairement : « Le droit de l’Union autorise les autorités nationales à fournir des données d’identification lors de l’information des citoyens sur des denrées alimentaires non préjudiciables à la santé, mais impropres à la consommation. En particulier, il s’agit du nom de la denrée, de l’entreprise ou du nom commercial sous lequel elle a été fabriquée, traitée ou distribuée ».
• Récemment, le Conseil constitutionnel a établi que la liberté d’entreprendre ne saurait prévaloir sur l’impératif de protection de la santé humaine et de l’environnement (Conseil constitutionnel, décision n°2019-823 QPC du 31 janvier 2020, dans une affaire d’interdiction de produits phytosanitaires). De même, la réputation des fabricants et distributeurs fautifs ne saurait prévaloir sur le droit des consommateurs à pouvoir identifier des produits frauduleux et les entreprises impliquées dans des affaires de fraudes alimentaires.
Messieurs les ministres, rien ne justifie l’opacité actuelle sur les fraudes alimentaires : nous sommes concerné.es, nous avons le droit de savoir. Nous vous demandons d’être transparents. Il s’agit avant tout d’un choix politique, aujourd’hui entre vos mains.
Des pays, comme l’Irlande et le Danemark, ont déjà pris les devants à ce sujet et montrent l’exemple à toute l’Europe. Dans le secteur des vins et spiritueux, la France sait se montrer transparente lorsqu’il s’agit de fraudes, en publiant résultats d’enquête, marques et fabricants concernés et sanctions.
Nous vous demandons donc une transparence similaire sur tous les produits alimentaires. Transparence essentielle pour redonner de la confiance, mais aussi pour lutter contre les fraudes et l’actuel climat d’impunité qui laisse libre champ aux tricheurs.
Dans l’attente de votre réponse et vos actions,
Respectueusement,
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