Foire aux questions : la fraude alimentaire

#DuFauxPourDeVrai

Nos réponses à vos questions

Selon la Commission européenne, « il y a fraude alimentaire lorsque des personnes ou des entreprises trompent intentionnellement les consommateurs, obtenant ainsi un avantage injuste et violant la législation sur la chaîne agroalimentaire ».
Le mode opératoire des fraudes répond donc à ces trois critères, sur lesquels tous les pays de l’UE s’accordent :  

  • Une intention de tromper les consommateur·rices, en ajoutant par exemple du sirop de sucre au miel, ou faisant passer du cheval pour du bœuf ou encore du vin de Languedoc pour du Pomerol ;
  • Un gain économique qui rend la fraude toujours profitable à celui ou celle qui la commet ;
  • Une violation de la législation qui régit la chaîne alimentaire, comme mettre sur le marché du bétail nourri aux antibiotiques ou OGM interdits.

La raison est simple : le jeu en vaut la chandelle ! Les profits réalisés peuvent être importants et le risque de se faire attraper est minime.
La réglementation européenne est pourtant claire : fabricants, distributeurs et autorités publiques sont responsables de s’assurer que les produits commercialisés sont conformes et sans risque pour la santé.
Mais l’insuffisance des moyens alloués aux contrôles, le manque de transparence sur les résultats de ces contrôles et les sanctions peu dissuasives offrent un terrain favorable à la fraude… et à la récidive.
Enfin, les fraudeurs exploitent allègrement les opportunités offertes par la mondialisation du commerce : en choisissant les pays où les contrôles sont les moins assidus, ils parviennent plus facilement à introduire en Europe des produits non-conformes.

Le poisson, la viande, l’huile d’olive, mais aussi les boissons alcoolisées et vins, les épices, le miel, les fruits et légumes (même et surtout bio) sont parmi les produits les plus à risque en termes de fraude.
Dans une moindre mesure, des produits pour enfants ou des compléments alimentaires sont aussi concernés.
En France, peu d’informations nous parviennent en détails mais les investigations menées par foodwatch et les données de la DGCCRF révèlent des faits affolants :

  • Un poisson sur deux présente des mensonges sur l’étiquette ou des soucis d’hygiène, voire des allergènes non-mentionnés. 
  • Des chevaux impropres à la consommation continuent de pénétrer la chaîne alimentaire encore aujourd’hui.
  • Des centaines de tonnes de tomates cerise ont été vendues comme « françaises » en supermarché alors qu’elles provenaient des Pays-Bas, d'Espagne ou du Maroc. 
  • 54% du foie gras vendu en France est non-conforme : gonflé à l’eau, fausse indication géographique protégée… parfois même à base d’autre chose que d’oie ! 
  • Un miel sur trois vendu en France  présente des anomalies. 
  • Des soi-disant grands crus français ne sont en réalité que de simples vins provenant… d’Espagne. 

Lorsque vous achetez un produit, il vous est tout simplement impossible de savoir s’il est fraudé ou non. En principe, tous les produits commercialisés doivent être conformes et sans risque pour la santé. C’est la loi (européenne) et la responsabilité des autorités de s’en assurer. Mais comme on sait que les moyens pour les contrôles ont tendance à manquer, que les fraudes elles ont tendance à augmenter, et que les autorités en France ne nous communiquent toujours pas les marques et les fabricants qui trichent ou sont victimes de fraudes, le doute est partout. 

Potentiellement, aucun canal de distribution ni produit n’échappe donc à la fraude alimentaire : les grandes surfaces, le petit commerce du coin, les sites en ligne, les restaurants, les grossistes, les vendeurs sur les marchés… du produit bon marché comme le sel aux denrées chères comme le foie gras ou le champagne, tous peuvent potentiellement être concernés.

Aussi louable cela soit-il pour soutenir les producteurs locaux ou réduire son empreinte écologique, consommer local ou français n’est pas une solution pour éviter de consommer des aliments fraudés.
Les labels ne sont pas non plus toujours un gage d’absence de fraude. L’indication géographique protégée (IGP) par exemple, est largement imitée par les fraudeurs sur des appellations telles que « champagne », « prosciutto di Parma », « Bordeaux », « Parmigiano Reggiano »… Ainsi, 9% des produits estampillés « IGP » vendus en Europe sont des faux.

La fraude alimentaire est partout. Les affaires les plus médiatisées sont souvent le fait de réseaux organisés entre plusieurs pays, mais les produits du terroir du petit producteur à deux pas de chez vous ne sont pas non plus à l’abri ! Sans parler des grandes marques distribuées en supermarchés, qui n’y échappent pas davantage.

Toutes les fraudes alimentaires ne comportent pas nécessairement un risque pour la santé.
Par exemple, une tomate espagnole réétiquetée « française » est supposée respecter la même réglementation européenne : la tromperie sur l’origine ne vous fait donc courir aucun risque supplémentaire sur le plan sanitaire.
En revanche, certains cas de fraudes sont plus préoccupants car ils concernent des substances potentiellement dangereuses : ainsi, un produit phytosanitaire sur sept est contrefait en Europe. Ces imitations de pesticides échappent aux contrôles et font donc courir un risque pour la santé des agriculteur·rices et des consommateur·rices. Le problème, c’est que l’on ignore qui utilise ces fausses substances et qu’il est donc impossible de savoir dans quels aliments elles se retrouvent.

La France n’est pas le pays le plus mal loti face au risque global de fraudes : leur traque se répartit entre le Ministère de l’Economie et des Finances avec la Répression des fraudes (DGCCRF) et le Ministère de l’Agriculture et de l’alimentation avec la Direction générale de l’alimentation (DGAL) et la Brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP).
Pour autant, nous ne sommes vraiment pas à l’abri.
En premier lieu, parce que les moyens alloués à la prévention et aux contrôles sont largement insuffisants. 
Ensuite, parce que les résultats de ces contrôles sont le plus souvent tenus secrets par les autorités.
Les informations détaillées sur les produits, marques, quantités, lieux de vente sont délivrées au compte-gouttes - ou même pas du tout - lorsqu’une fraude ou un scandale surgit. 
Ce climat d’opacité et d’impunité alimente le manque de confiance des consommateurs et des consommatrices dans les autorités.

En lien avec les Etats membres et l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), l’Union européenne travaille à développer « une stratégie avec des mesures concrètes contre la fraude alimentaire ».
C’est la Commissaire à la Santé, Stella Kyriakides, qui en est chargée. Elle ne part pas d’une page blanche : l’Europe dispose d’un vaste arsenal pour lutter contre la fraude alimentaire. La plupart de ces organismes ont été créés ou renforcés suite à l’affaire des lasagnes au cheval de 2013 :

  • Le Food fraud network : le réseau de communication entre Etats membres ;
  • Le Rapid Alert System for Food and Feed (RASFF) : le système d'alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux ;
  • Le JRC : les laboratoires du Centre commun de recherche ;
  • L’EFSA : l’Autorité européenne de sécurité des aliments ;
  • Europol : l'agence européenne spécialisée dans la répression de la criminalité ;
  • IMSOC : le système informatique intra-communautaire sur les contrôles officiels ;
  • AAC-FF : le Système d'assistance administrative et de coopération pour la fraude alimentaire.
    En quatre ans, ce dernier a vu le nombre de notifications de fraudes alimentaires - supposées ou avérées - au sein de l'UE augmenter de 85% ! Le signe d’une activité frauduleuse accrue, mais aussi le résultat d’une meilleure coopération entre les Etats membres.

Malgré ces efforts, tous les voyants de la fraude alimentaire restent au rouge en Europe.
Mme Kyriakides a donc encore du pain sur la planche !

Bien entendu : la fraude nécessite une surveillance accrue, une expertise et des moyens importants, notamment sur la question des contrôles. L’Europe définit les exigences en termes de sécurité sanitaire des citoyens, mais ce sont les Etats membres qui sont responsables des contrôles et décident chacun des moyens alloués.
Le problème, c’est que ces derniers ne sont vraiment pas à la hauteur. Pire : ils diminuent  ! En dix ans en France, la DGCCRF a subi une coupe de 13% dans ses effectifs, soit 416 postes. Du côté de la DGAL, c’est le nombre des inspections sur la sécurité sanitaire des aliments qui a plongé de 33% entre 2012 et 2019.
C’est pourtant l’inverse dont nous avons besoin : en 2013, le bureau départemental de la répression des fraudes de l’Aude (DDCSPP) - où était basée l’usine Spanghero, au cœur du scandale de la viande de cheval - disposait d’un seul contrôleur sur le secteur alimentaire. Vous avez bien lu : un seul ! Dans ces conditions, qui peut affirmer que la sécurité alimentaire est garantie et que les fraudes sont arrêtées à temps ?
Certainement pas la Commission européenne ni la Cour des Compte, dont les rapports respectifs alertent sur les ressources en personnel limitées et les insuffisances qui subsistent à toutes les étapes de la chaîne de contrôle. Des constats qui ne rassurent pas sur la capacité des Etats à réagir aux situations d’urgence !

Lorsqu’il existe un risque pour la santé, la règlementation européenne sur l’alimentation (règlement (CE) 178/2002) est très claire : les autorités des pays membres ont l’obligation d’informer aussitôt le public. Elle est moins claire pour les autres cas de fraudes et de non-conformité, mais elle souligne une dizaine de fois le mot « transparence » comme une garantie de la confiance des citoyens..
Or, en France, les autorités ont tendance à cultiver le secret et à ne communiquer aucun détail : ni les marques concernées, ni les quantités, ni les points de vente.
La transparence est pourtant essentielle pour inciter efficacement les fabricants et les détaillants à prévenir la fraude :

  • Elle est dissuasive. Des pays comme l’Irlande ou le Danemark on fait le choix de publier en ligne tous les rapports afin que chacun.e puisse savoir qui a triché.
  • Elle redore la confiance. Des autorités de contrôle qui font l’effort de communiquent sur leurs activités et leurs opérations aident à recréer un environnement de confiance chez les consommateur·rices.
  • Elle valorise celles et ceux qui ne trichent pas. Si les fraudeurs étaient affichés publiquement, alors les producteurs et productrices qui travaillent dans les règles de l’art seraient mieux identifié.es par l’opinion publique.

Suite à l’affaire de la viande de cheval, les sanctions théoriquement encourues par les fraudeurs ont été revues à la hausse dans la loi Hamon de 2014.
Pour autant, cela vaut toujours la peine de frauder. Car si parfois des sanctions tombent pour des cas de fraudes, elles sont à la fois :

  • Peu dissuasives : et ce d’autant plus que, face aux tribunaux engorgés, les autorités privilégient souvent la négociation de transactions avec les entreprises qui trichent. 
  • Opaques : les conclusions de ces transactions ne sont pas communiquées. Ce serait une mauvaise publicité dont les fabricants et les grandes chaînes de supermarchés se passent bien ! 

En tant que consommateurs et consommatrices, vous avez le pouvoir de nous aider à obtenir plus de transparence, de contrôles et de sanctions pour lutter contre les fraudes alimentaires.

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