On ne sait plus sur quel pied danser avec cet accord entre l’Union européenne et les pays du Mercosur : alors que la France affirmait fin juin avoir « stoppé net » les négociations, l’Europe annonce quelques jours plus tard une ratification imminente du texte. Entre-temps, la chancelière allemande Angela Merkel a fait part de ses « sérieux doutes » et le Parlement des Pays-Bas s'est dit contre l’accord. Une cacophonie au sein de laquelle le Président E. Macron n’a, à ce jour, pas adopté de position claire.
A l’instar des autres accords de commerce de nouvelle génération (TAFTA, CETA…) les dangers sont pourtant documentés et très clairs - foodwatch est allée au Parlement européen pour les rappeler. A-t-on encore vraiment envie de ce Mercosur qui se profile, entre autres, comme un nouveau catalyseur de la déforestation importée ? Non, trois fois non. foodwatch co-signe donc cette tribune avec une quarantaine d’organisations, réclamant à Emmanuel Macron d’enterrer définitivement le Mercosur.
Monsieur le Président de la République,
Le 2 juin 2017, alors que Donald Trump annonce que les Etats-Unis se retirent de l’Accord de Paris, vous annoncez vouloir #MakeOurPlanetGreatAgain. Puis, lors du sommet du G20 à Osaka en 2019, vous déclarez “Je ne veux pas faire d’accords de commerce avec des gens qui ne suivent pas l’Accord de Paris, qui ne respectent pas nos engagements en termes de biodiversité”. Quelques jours plus tard, en marge du G7 de Biarritz, sous la pression internationale due aux incendies qui ravagent l’Amazonie et d’autres écosystèmes précieux au Brésil et dans les pays voisins, vous reconnaissez que la France a “une part de complicité” dans les incendies et vous déclarez que vous ne signerez pas l’accord de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur “en l’état”. Le 29 juin 2020, devant la Convention citoyenne pour le Climat, vous annoncez que “c’est pour cela que sur le Mercosur, j’ai stoppé net les négociations, et les derniers rapports qui ont pu nous être soumis me confortent dans cette décision”.
A vous entendre, la France refuserait donc de signer tout accord de commerce qui ne respecterait pas l’Accord de Paris et ne protégerait pas la biodiversité et les droits humains. Pourtant, le 2 juillet 2020, le haut-représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères, Josep Borrell, se félicite de la finalisation des négociations de l’accord entre l’UE et le Mercosur.
Que croire ? C’est à n’y rien comprendre.
Avec cet accord, l’Union européenne s’apprête à accorder un chèque en blanc aux multinationales pour faire exploser le commerce transatlantique entre ces deux régions, aux dépens de toute considération sociale et environnementale.
Alors que nous attendons la publication dans les prochains jours du rapport de la Commission d'experts mandatée par votre Gouvernement en juillet 2019 pour évaluer les impacts sanitaires et environnementaux de cet accord, une nouvelle étude du CCFD-Terre Solidaire et Greenpeace publiée ce jour, dans le sillage de toutes celles déjà produites par les autres signataires de ce texte, détaille point par point les risques majeurs qu'il fait peser sur le climat, la biodiversité et les droits humains.
Les chiffres sont accablants et la menace que fait peser cet accord sur la transition de nos systèmes agricoles et industriels est réelle : explosion des quotas de bœuf, de soja et d’éthanol importés, pression massive sur les territoires autochtones et les écosystèmes, levée des droits de douane sur les pesticides, absence de toute contrainte à destination des entreprises, absence de mécanisme permettant aux populations affectées de contraindre ces mêmes entreprises multinationales à répondre de leurs impacts devant les tribunaux, manque de lignes rouges claires permettant de suspendre l’accord en cas de violations des droits humains ou de l’environnement…
Les populations autochtones et les milieux naturels sont-ils quantité négligeable dans la relance européenne post-COVID et son Green Deal ? Alors même que 33 défenseurs de l’environnement ont été assassinés en Amazonie pour la seule année 2019, et que les incendies ne cessent de battre des records cette année, l’accord UE-Mercosur augmenterait encore davantage la pression sur les droits humains et les écosystèmes en Amérique latine.
Pour s’opposer à cet accord UE-Mercosur dont l’impact sur les forêts, le climat et les droits humains serait désastreux, des actes sont nécessaires. Monsieur le Président, vous devez vous y opposer et vous assurer que cet accord de commerce négocié entre l’Union européenne et le Mercosur soit rejeté par les États membres de l’UE et définitivement enterré.
Une alternative à l’actuelle politique commerciale européenne existe. Elle repose sur le renforcement de notre souveraineté alimentaire, sur les circuits courts, sur l’adoption de normes sociales et environnementales universelles ambitieuses, sur des normes européennes et internationales contraignantes afin de s’assurer du respect des droits humains et de l’environnement par les entreprises multinationales qui, aujourd’hui, font leur loi de part et d’autre de l’Atlantique.
Si, réellement, vous êtes #TousEcologistes, abandonnez l’accord.
En vous priant d'agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération,
Liste des signataires
Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente, CCFD-Terre Solidaire
Jean-François Julliard, directeur général, Greenpeace France
Gert-Peter Bruch, président, Planète Amazone
Arnaldo Carneiro Filho, directeur, Sinapsis
Fabien Cohen, secrétaire général, France Amérique Latine
Maxime Combes, porte-parole, Attac France
Sandra Cossart, directrice, Sherpa
Olivier Dubuquoy, fondateur, ZEA
Mathilde Dupré, codirectrice, Institut Veblen
Magali Fricaudet, co-présidente, Aitec
Perrine Fournier, chargée de plaidoyer “commerce et forêts”, Fern
Khaled Gaiji, président, Amis de la Terre France
Nicolas Girod, porte-parole, Confédération paysanne
Alain Grandjean, Président de la Fondation Nicolas Hulot
Olivier Guichardon, président, Envol Vert
Murielle Guilbert, secrétaire nationale, Union syndicale Solidaires
Jonathan Guyot, co-fondateur, all4trees
Glenn Hurowitz, CEO, Mighty Earth
Karine Jacquemart, directrice générale, foodwatch France
Aurélie Journée-Duez, présidente, Comité de solidarité avec les Indiens des Amériques (CSIA-Nitassinan)
Bertrand de Kermel, Président, Comité Pauvreté et Politique
Bruno Lamour, président, Réseau Roosevelt
Gilliane Le Gallic, présidente, Alofa Tuvalu
Philippe Martinez, secrétaire général, CGT
Charlotte Meyrueis, Directrice, Coeur de Forêt
Benoit Monange, directeur, Fondation de l’Ecologie Politique
Eléonore Morel, directrice générale, Fédération internationale pour les droits humains (FIDH)
Xavier Morin, président, Canopée
Nathalie Péré-Marzano, déléguée générale, Emmaüs international
Marie Pochon, secrétaire générale, Notre Affaire à Tous
Luc de Ronne, président, ActionAid France
Sabine Rosset, directrice, BLOOM
Emma Ruby-Sachs, directrice executive, SumOfUs
Malik Salemkour, président, Ligue des droits de l’Homme (LDH)
Arnaud Schwartz, président, France Nature Environnement
Christine Soyard, membre du Bureau collégial, Fédération Artisans du Monde Pierre Tritz, président, Foi et Justice Afrique Europe
Evrard Wendenbaum, président, Naturevolution
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