Actualités 01.07.2024

L’industrie agroalimentaire responsable de 400 000 décès par an ? Le rapport choc de l’OMS

Pour l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le constat est sans appel : en Europe, l’industrie agroalimentaire est responsable, avec l’industrie du tabac, de l’alcool et des énergies fossiles de 2,7 millions de morts prématurées par an. Dans son dernier rapport, l’OMS souligne que ces décès pourraient être évités si l’Union européenne et les Etats membres prenaient des mesures strictes pour réguler ces secteurs. Pour foodwatch, comme pour l’OMS, il ne faut plus tergiverser, il faut légiférer.  Décryptage.  

L’industrie agroalimentaire dans le viseur de l’OMS

Dans son dernier rapport, publié en juin 2024, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pointe du doigt l’impact sur la santé de quatre grandes industries à l’échelle de l’Europe : l’industrie du tabac, de l’alcool, des énergies fossiles et… l’industrie agroalimentaire ! Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les chiffres donnent le tournis. 

Selon l’OMS, les deux tiers des décès qui surviennent avant l’âge de 70 ans en Europe sont dus à quatre maladies non-transmissibles : les maladies cardiovasculaires, le cancer, les maladies respiratoires chroniques et le diabète. Si l’industrie agroalimentaire, comme d’autres puissants secteurs industriels en Europe, est dans le viseur de l’OMS, c’est qu’elle a une responsabilité centrale dans la survenue de ces maladies. 

Au quotidien, ces industries sapent les efforts de prévention et de lutte contre les maladies évitables, par des stratégies de lobbying et de marketing. Dans son rapport, l’OMS parle de “déterminants commerciaux de la santé”, c’est-à-dire les voies par lesquelles le secteur privé et les entreprises influencent la santé et l’accès à la santé. C’est exactement ce que dénonce foodwatch dans ses campagnes. 

Pire encore, les effets négatifs du secteur privé sur la santé se sont considérablement accrus ces dernières années, car les plus grandes entreprises des quatre secteurs épinglés font passer leurs profits avant la santé des personnes. Autant de stratégies dénoncées par foodwatch régulièrement, ainsi que par de nombreux acteurs, actrices de santé ou associations de consommateurs et consommatrices.   

Quand le marketing de l’industrie agroalimentaire torpille la santé

Par des stratégies marketing agressives, l’industrie agroalimentaire agit sur les individus et modèle l’environnement alimentaire des consommateurs et consommatrices, en ciblant particulièrement les plus vulnérables, en créant un intérêt pour des produits mauvais pour la santé et en les associant à des modes de vie souhaitables. 

Ces pratiques marketing banalisent et normalisent la consommation de ces produits et incitent à leur consommation excessive, laissant croire aux consommateurs et consommatrices qu’ils et elles ont le choix dans un environnement largement influencé par la publicité invasive des géants du secteur. 

La conséquence, c’est que le risque de développer ces maladies augmente pour les populations, en particulier pour les plus vulnérables : consommation d’alcool et de tabac, mauvaise alimentation et activité physique insuffisante, ou encore exposition à la pollution atmosphérique. 

Autant de risques qui entraînent à leur tour un plus grand risque d’être en situation de surpoids ou d'obésité, ou de développer des maladies comme l'hypertension artérielle, l'hyperglycémie et l'hypercholestérolémie. La boucle est bouclée : en cherchant à promouvoir et à vendre toujours plus d’aliments ultra-transformés et de boissons sucrées, l’industrie agroalimentaire pèse lourdement sur la santé de nos sociétés.  

Pourtant, avec du courage politique et des politiques publiques de santé ambitieuses, un grand nombre de ces décès pourraient être empêchés. Mais pour les éviter, encore faut-il que les consommateurs et les consommatrices en aient la possibilité.    

Le marketing digital alimentaire cible les enfants pour vendre toujours plus

Dans son rapport, l’OMS prend l’exemple du marketing digital : avec l’essor des réseaux sociaux, la publicité pour des produits mauvais pour la santé envahit notre environnement numérique. La collecte de données permet de personnaliser les messages marketing de manière à cibler précisément les jeunes consommateurs et consommatrices.  

Pour l’OMS, les adolescente⸱s sont visé⸱es par les entreprises agroalimentaires en raison de leur grande utilisation des réseaux sociaux et de leur influence sur le pouvoir d’achat de leurs parents. Le rapport prend l’exemple des « kidfluencers » des influenceurs-enfants avec un nombre important d'abonné·es et une influence notable sur les réseaux sociaux, approché·es par des spécialistes du marketing pour promouvoir des produits et des marques auprès d'un public plus jeune.  

Lire l'enquête de foodwatch "les enfants, cibles de la malbouffe"

Non contents d’influencer l’environnement alimentaire des consommateurs et consommatrices, les industriels rejettent la responsabilité sur les individus : il suffirait, par exemple, de faire du sport ou de lire les étiquettes. Alors que les chiffres de l’obésité et du surpoids dans le monde montrent qu’il s’agit d’un enjeu de santé publique, l’industrie agroalimentaire s’attache à pointer du doigt les soi-disant « mauvais choix » des individus, à l’image de l’ancienne Directrice générale de PepsiCo, Indra Nooyi, citée par l’OMS dans son rapport, qui déclarait déjà en 2010 : « Si tous les consommateurs faisaient de l'exercice, faisaient ce qu'ils ont à faire, le problème de l'obésité n'existerait pas ».  

En réalité, même si les gens choisissent ce qu’ils achètent et consomment, ces décisions sont fortement influencées par le prix des produits les plus sains, qui sont bien moins promus que la malbouffe et souvent bien plus chers. L’environnement alimentaire est aujourd’hui façonné par un marketing qui nuit aux habitudes alimentaires, induit les consommateurs et consommatrices en erreur et limite leur capacité à faire des choix véritablement éclairés et libres.  

En Europe, l’industrie agroalimentaire serait responsable de près de 400 000 décès chaque année : c’est le chiffre choc que révèle l’OMS. Autant de morts évitables : c’est la responsabilité des gouvernements de réguler cette industrie de la malbouffe. C’est une question de santé publique qui se joue au niveau du collectif : les mesures à prendre vont bien au-delà de l’échelle individuelle.
Audrey Morice Chargée de campagnes foodwatch France

Par des stratégies de lobbying invasives, l’industrie agroalimentaire influence les politiques publiques de santé. Le rapport de l’OMS décrit l’ensemble des manœuvres des lobbies pour affaiblir, retarder, voir enterrer des textes législatifs visant à protéger la santé ou à donner une meilleure information sur l’alimentation aux consommateurs et consommatrices. Désinformation et manipulation de la science, promotion d’alternatives inefficaces et favorables à l’industrie, participation à des discussions politiques à haut niveau : l’industrie agroalimentaire n’a pas à sa place dans ces débats et pourtant s’y immisce pour préserver ses profits. Exemple emblématique, l’industrie met des bâtons dans les roues de l’adoption du Nutri-Score obligatoire en Europe depuis 10 ans.   

L’opposition à la taxation sur les boissons sucrées : un exemple du lobbying de l’industrie agroalimentaire

Dans son rapport, l’OMS prend pour exemple la taxation des boissons sucrées en Europe. En 2014, l’introduction au Mexique d’une taxe sur les sodas a ouvert la voie aux pays européens à inciter les entreprises de l’agroalimentaire à baisser la teneur en sucre des boissons sucrées. Mais l’industrie a bataillé dur pour prévenir, reporter, affaiblir ou annuler de nouvelles taxes ou des taxes existantes. 

Des géants du lobbying comme FoodDrinkEurope, auquel foodwatch s’est opposé dans la saga du Nutri-Score, ont investi beaucoup d’argent pour financer des pseudo-études scientifiques et discréditer les études indépendantes, pour échanger directement avec des responsables politiques européens ou participer à des consultations gouvernementales et influencer la prise de décision sur la taxation des boissons sucrées. 

Les lobbyistes de ces entreprises clament que ces taxes sont inefficaces, font du chantage à l’emploi et propagent de fausses informations visant à ralentir voire empêcher leur adoption, quand bien même il s’agit d’une mesure soutenue par les organisations de santé publique.  

Depuis trop longtemps, l’industrie agroalimentaire et ses lobbies torpillent les efforts de prévention et de lutte contre les maladies chroniques liées à l’alimentation. Ils bloquent ainsi de nombreuses mesures de santé publique. Les gouvernements doivent prendre leurs responsabilités et urgemment réguler le secteur
Audrey Morice Chargée de campagnes foodwatch France

À un moment crucial du renouveau institutionnel de l'Union européenne, le rapport de l'OMS est un signal d'alarme retentissant pour les responsables politiques. Des mesures urgentes de santé publique doivent être remises au cœur des débats pour agir concrètement et rapidement sur ces décès évitables :  

  • Le Nutri-Score obligatoire dans tous les Etats membres 
  • L’interdiction de la publicité et du marketing pour la malbouffe ciblant les enfants  
  • La mise en place d’une réglementation plus stricte des additifs largement utilisés dans les aliments ultra-transformés :  interdire rapidement les plus nocifs et réduire drastiquement leur nombre dans notre alimentation 
  • La mise en place de taxes sur les boissons sucrées et édulcorées  

Les solutions sont largement connues : les gouvernements doivent s’en saisir et remettre la santé et l’information des consommateurs et consommatrices du champ à l’assiette au cœur des préoccupations et des débats.  

Pourquoi l’Europe est-elle au cœur de nos assiettes : décryptage 

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