CETA et TAFTA : un accord anti-démocratique peut en cacher un autre
foodwatch, la Fondation Nicolas Hulot, Corporate Europe Observatory, Alfred de Zayas, expert des Nations unies et Aurélie Trouvé, agroéconomiste appellent la France à s’opposer à l’adoption du CETA et à stopper les négociations sur le TAFTA.
Le Président de la République et le Premier ministre ont émis des réserves cette semaine concernant la signature du TAFTA. Pourtant, un autre traité de libre-échange transatlantique, le CETA, déjà conclu entre l’Europe et le Canada, et présentant les mêmes dangers, pourrait entrer en vigueur dans les prochains mois. foodwatch, la Fondation Nicolas Hulot et trois experts de renom appellent le gouvernement français à la cohérence en traduisant les discours en actes. Le gouvernement doit agir d’urgence pour éviter que l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne (CETA) ne soit entériné par le Conseil de l’UE et n’entre en vigueur avant même que nos élus n’aient eu leur mot à dire.
TAFTA et CETA : deux traités aux dangers identiques
Le TAFTA et le CETA appartiennent aux accords de nouvelle génération dont la spécificité est de couvrir tous les champs de notre économie y compris ceux qui restent à inventer. L’objectif n’est plus seulement de supprimer les taxes douanières mais d’aller vers une uniformisation des normes et des règles qui touchent à notre vie quotidienne : agriculture et alimentation (OGM, étiquetage), environnement, droits sociaux… Ces accords prévoient de restreindre la capacité des Etats à légiférer en donnant la possibilité aux grandes entreprises étrangères de recourir au mécanisme d’arbitrage, un système de justice parallèle et illégitime qui autorise ces entreprises à attaquer des décisions politiques et demander des millions d’indemnités. Pour Alfred de Zayas, expert des Nations unies : « Il s’agit de traités asymétriques avec des droits pour les investisseurs et les sociétés transnationales – mais peu d’obligations et aucun mécanisme pour sanctionner les dommages pour la santé, la pollution de l’environnement, etc. dont ils sont responsables ».
CETA : le cousin canadien du TAFTA
Ce cousin canadien du TAFTA présente les mêmes dangers que ceux évoqués à l’encontre du traité négocié avec les Etats-Unis : remise en cause du principe de précaution et des normes sociales, environnementales, sanitaires et économiques, institutionnalisation des mécanismes d’arbitrage favorables aux investisseurs, coopération règlementaire…. L’entrée en vigueur du CETA permettra par exemple à quatre entreprises américaines sur cinq présentes en Europe de pouvoir utiliser les tribunaux d’arbitrages contre les Etats membres grâce à leurs filiales canadiennes. Et ce, quoiqu’il advienne du TAFTA. Par ailleurs, un forum de coopération règlementaire sera chargé de mettre un terme aux divergences de règlementations. Ce forum agira hors de tout contrôle citoyen et influencera les projets de lois, avant même la consultation de nos élus.
L’ensemble de ces dispositions aura un impact sur notre alimentation et freinera sans aucun doute la nécessaire transition énergétique et écologique. Denis Voisin, de la Fondation Nicolas Hulot, s’en inquiète : « Une semaine après avoir signé l’accord de Paris, l’Union européenne et le Canada sont-ils décidés à le condamner avant même son entrée en vigueur pour quelques hypothétiques centièmes de points de croissance ? ».
Ces deux traités transatlantiques menacent nos choix démocratiques. « Les règles de protection des citoyens et des consommateurs, nos droits à plus de transparence et une alimentation saine, le principe de précaution, sont, pour les multinationales, des barrières commerciales à abattre », explique Karine Jacquemart, de foodwatch France.
Une position française qui se doit d’être claire
foodwatch, la Fondation Nicolas Hulot, Corporate Europe Observatory, Alfred de Zayas, et Aurélie Trouvé appellent donc la France à s’opposer à la ratification du CETA lors du Conseil de l’Union européenne. A minima la France doit :
- S’assurer que le CETA est un accord dit « mixte » et que celui-ci n’entrera pas en vigueur – même de façon provisoire - tant qu’il ne sera pas ratifié par chacun des pays de l’UE, laissant la possibilité pour chaque Etat d’organiser un débat public et de consulter ses élus ;
- Réaliser des études sectorielles - et notamment sur la partie agricole - pour évaluer les conséquences d’un tel accord sur l’économie française ;
- Retirer le mécanisme d’arbitrage de l’accord ;
- Retirer les dispositions relatives à une coopération renforcée.
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