Pénurie de tournesol ukrainien : huile de palme et OGM se glissent dans nos aliments. foodwatch exige des informations transparentes
En conséquence de la guerre en Ukraine, le tournesol qui entre dans la composition de nombreux aliments ne nous parvient plus, en France comme ailleurs. Frites, chips, sauces, biscuits, margarines, plats préparés, pesto, poisson pané, etc. : des milliers de produits sont concernés. Résultat : l’industrie agroalimentaire doit le remplacer par autre chose et vite. Deux tiers des importations françaises de tournesol proviennent d’Ukraine, principalement pour la fabrication d’huile et de tourteaux pour l’alimentation animale. Les fabricants se tournent donc vers des ingrédients de substitution, comme l’huile de colza, l’huile de palme et les tourteaux de soja OGM en provenance d’Amérique latine. Et ils demandent des « dérogations » pour vendre ces produits revisités sans changer les étiquettes. Si le caractère exceptionnel de la situation est compréhensible, foodwatch alerte sur le risque que la crise serve d’alibi à des reformulations en catimini. Parce que les consommateurs doivent être informés de ces changements d’ingrédients, foodwatch lance une pétition exigeant la totale transparence de la part des fabricants et de la grande distribution pour tous les produits concernés sur les emballages, en ligne, mais aussi bien sûr dans les rayons.
Paris, le 1er avril 2022. D’ici quinze jours environ, les réserves de tournesol seront épuisées en Europe, préviennent industriels et autorités. L’impact est déjà visible dans les supermarchés : les panneaux « momentanément en rupture de stock » apparaissent au rayon huiles. La pénurie de produits ukrainiens sur le marché européen, notamment l'huile de tournesol, est un gros problème pour certains acteurs de l’industrie agroalimentaire qui n’ont pas tardé à réagir. Mais le risque est grand que les reformulations de produits et changements d’ingrédients, y compris à grand renfort d’huile de palme et d’OGM, soient invisibles pour les consommateurs. C’est la raison pour laquelle foodwatch lance aujourd’hui une pétition réclamant un engagement pour une totale transparence de la part des fabricants et des distributeurs.
A situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle : « Les opérateurs en aval ont réagi rapidement en décidant de reformuler leurs recettes de produits afin de remplacer l'huile de tournesol. Dans le cas des huiles de friture, il y a eu des remplacements d'huile de tournesol par l'huile de palme, l'huile de soja et l'huile de colza », reconnaît FEDIOL, l'association européenne de l'industrie des huiles végétales et des farines protéiques.
Par ailleurs, les allégations « nourri sans OGM » sur les étiquettes pourraient être caduques puisqu’il va falloir remplacer les tourteaux de tournesol utilisés pour l’alimentation animale par des tourteaux de soja venant d’outre-Atlantique. Et ils seront très probablement génétiquement modifiés. Idem pour les mentions « sans huile de palme ».
Camille Dorioz de foodwatch explique : « Les fabricants sont d’ores et déjà en train de changer certaines recettes ailleurs en Europe. En France, ce n’est qu’une question de jours et la question reste posée de l’information des consommateurs. Il y a deux ans, en pleine crise de la Covid, les opérateurs avaient déjà reformulé leurs produits sans nous alerter. foodwatch avait alors exigé la transparence de la part des autorités et l’avait obtenue. Cette fois, nous mettons la pression sur les industriels pour qu’ils s’engagent à informer en temps réel et directement sur les produits des changements d’ingrédients, et qu’ils les expliquent. Car la crise ne doit servir d’alibi ni à des abus, ni à un défaut d’information des consommateurs ».
L’affaire est de taille : la DGCCRF et l’industrie agroalimentaire parlent de milliers de produits devant faire l’objet de dérogations. Celles-ci ont déjà été accordées aux industriels notamment en Italie, Finlande, Grande-Bretagne, aux Pays-Bas. En France, les concertations sont en cours.
L’huile de tournesol est omniprésente dans l’alimentation transformée, en tant que corps gras dans les frites, les chips, comme ingrédient dans les biscuits, sauces, poisson pané, margarines, plats pour bébés et même dans le pesto (qui contient rarement de l’huile d’olive), etc. Les changements d’ingrédients soulèvent la question de voir de potentiels allergènes se glisser dans les nouvelles recettes : les consommateurs doivent évidemment être prévenus sans délai.
Avec cette pétition, dont les signatures sont envoyées tous les soirs aux dirigeants de la grande distribution ainsi qu’au lobby de l’industrie agroalimentaire, l’ANIA, foodwatch réclame une information en toute transparence et sans délai sur les reformulations et leurs justifications : allergènes, origine, modification d’ingrédients, de quantité, valeurs nutritionnelles, arômes notamment. L’association défend l’information des consommateurs, par ailleurs inscrite dans le règlement européen sur l’étiquetage, INCO.
« Nous comprenons que l’industrie agroalimentaire s’adapte à ce contexte exceptionnel. Mais si les consommateurs ne souhaitent pas manger d’OGM ou d’huile de palme, ils doivent pouvoir disposer de l’information au moment de leurs achats. Nous demandons que tout changement soit communiqué sur les emballages directement, en rayons, sur les sites des marques, les réseaux sociaux et sur les sites de vente en ligne », conclut Camille Dorioz, responsable des campagnes chez foodwatch.
Notes aux rédactions
- Communiqué de presse de FEDIOL, EU market adjusting to lack of sunflower oil following Russia's invasion of Ukraine (23/03/2022)
- Communiqué de presse de foodwatch, Covid-19 : les recettes des aliments changent mais pas les étiquettes. foodwatch a exigé la transparence : la DGCCRF informera les consommateurs (27/04/2020)
- Le règlement européen INCO sur l'information des consommateurs 1169/2011 est clair : « Afin d’atteindre un niveau élevé de protection de la santé des consommateurs et de garantir leur droit à l’information, il convient que ceux-ci disposent d’informations appropriées sur les denrées alimentaires qu’ils consomment. Les choix des consommateurs peuvent être influencés, entre autres, par des considérations d’ordre sanitaire, économique, environnemental, social ou éthique ».
- Des dérogations ont déjà été accordées aux industriels notamment en Italie , Finlande , Grande-Bretagne , aux Pays-Bas