Communiqués de presse 13.06.2023

Journée mondiale contre la faim : derrière la hausse des prix alimentaires se cachent aussi d’insatiables spéculateurs qu’il faut arrêter de toute urgence, selon CCFD-Terre Solidaire et foodwatch

Dans un contexte d’inflation et à la veille de la Journée mondiale contre la faim, ce 15 juin, le CCFD-Terre Solidaire et foodwatch braquent les projecteurs sur les pratiques inacceptables des spéculateurs qui tirent profit de la crise et aggravent la précarité alimentaire. 

En France, une personne sur six déclare ne pas manger à sa faim. Dans le monde, la crise alimentaire liée à la hausse des prix a porté à 10% la part de la population mondiale sous-alimentée1 .  Nouveaux chiffres à l’appui, le CCFD-Terre Solidaire et foodwatch montrent que la spéculation invisible pour le grand public tire bel et bien les ficelles du marché des matières premières agricoles, donc les prix de nos aliments, vers le haut. 

Malgré leurs alertes à Emmanuel Macron et la mobilisation de près de 110.000 citoyennes et citoyens,2 les deux organisations font le constat choquant d’une absence totale de volonté politique pour empêcher les acteurs de réaliser des profits records sur les marchés des céréales, au détriment de la sécurité alimentaire. 
Le CCFD-Terre Solidaire et foodwatch appellent les décideurs politiques à un passage à l’acte urgent pour mettre fin à ce scandale, via un choc législatif et réglementaire, à commencer par la révision en cours de la directive européenne.

 

Paris, le 13 juin 2023. Toutes les crises offrent des opportunités à qui sait s’en saisir. C’est ce que font les spéculateurs de la faim en réalisant des profits indécents sur les marchés d’échange des matières premières agricoles, réduisant d’autant plus le pouvoir d’achat des populations.

Pour le CCFD-Terre Solidaire et foodwatch, il faut mettre un terme à ces pratiques abusives et réguler sérieusement l’activité des spéculateurs qui font des profits en misant sur la faim et en aggravant l’inflation des prix alimentaires..  

Certes, il est beaucoup question des marges des fabricants ou des distributeurs et de l’opacité de la formation des prix en cette période d’inflation mais en amont, des acteurs de l’ombre font la pluie et le beau temps sur les prix des matières premières : les spéculateurs de la faim. 

En pleine crise alimentaire, ce sont les grands absents du débat sur l’augmentation des prix alimentaires. Des acteurs financiers - banques, fonds d’investissements, assurances …. profitent d’un système opaque et laxiste pour spéculer sur les matières premières alimentaires, et n’hésitent pas à parier sur un sujet aussi crucial que celui de la sécurité alimentaire.  

Le CCFD-Terre Solidaire a analysé le poids de ces acteurs financiers sur les cours du blé sur le marché international de France - le MATIF. Le constat est criant : en juin 2022 près de 70% des achats sur le marché du blé ont été effectués par des acteurs financiers.

« Tel qu’il est conçu, le système permet aux acteurs financiers de tirer profit des crises et de capter la valeur de l’alimentation, au moment même où elle devient plus difficile d’accès. Une situation tout simplement inacceptable aux conséquences mondiales»,  dénonce Jean-François Dubost, directeur du plaidoyer du CCFD-Terre Solidaire. 

“Les maigres mesures de régulation des marchés ne suffisent pas à limiter les activités spéculatives. Ce problème, déjà pointé du doigt en 2008, est plus que jamais d’actualité et si rien n’est fait, le scénario va se répéter à chaque nouvelle  crise alimentaire. Il ne servira alors à rien de verser des larmes de crocodiles sur les personnes qui souffrent de la faim. Il faut agir, maintenant et fortement”.

Pour Karine Jacquemart, directrice de foodwatch France : « Malgré la mobilisation de plus de 100 000 citoyen.nes via la pétition lancée par foodwatch et le CCFD-Terre Solidaire, aucune mesure n’est prise pour empêcher ces abus. Nous avons interpellé Emmanuel Macron dans une lettre ouverte 3, pointant du doigt sa responsabilité, y compris lorsqu’il présente des multinationales agro-alimentaires comme l’une des solutions-clés aux crises, sans exiger à minima qu’elles s’engagent justement à ne pas contribuer aux dérives de la spéculation alimentaire. Nous continuons d’exiger des réponses et des mesures fortes contre ce laisser-faire scandaleux ». 

Face à la crise alimentaire mondiale et aux profits records des entreprises agro-alimentaires  et des fonds d’investissements les deux organisations appellent de nouveau les responsables politiques à s’engager pour mettre en œuvre les solutions connues : 

1.Baisser sérieusement les limites de position afin de stopper la spéculation excessive
Les limites de positions plafonnent, par acteur, les volumes d’échanges réalisés sur les marchés financiers. Les limites actuelles doivent être baissées et renforcées.

2.Exclure des marchés les investisseurs financiers qui spéculent de façon excessive sur les matières premières agricoles, ou restreindre leur accès à minima
Il faut limiter l’accès et la capacité des opérateurs à spéculer sur ces marchés. A minima, augmenter drastiquement les dépôts de garanties et appels de marge - cautions versées pour accéder au marché - qui leur sont demandés.

3. Rendre les marchés plus transparents 
L’opacité des marchés et le manque de transparence sur les opérations rend extrêmement difficile l’évaluation du rôle de la spéculation dans les prix alimentaires. Il faut absolument mettre de la transparence au cœur des marchés, pour casser le climat actuel de totale impunité : transparence sur les acteurs qui interviennent sur ces marchés mais aussi meilleure transparence sur les stocks - pour éviter la panique du marché.

S’il faut évidemment renforcer les mesures de régulation des marchés des matières premières agricoles, il faut aussi exiger un renversement de la charge de la preuve : les acteurs financiers et les multinationales agro-alimentaires doivent être vigilantes à leurs pratiques, plus transparentes et montrer qu’elles ne contribuent pas aux pratiques de spéculation excessive sur l’alimentation.

Le CCFD-Terre Solidaire et foodwatch appellent en priorité la France et les autres Etats membres européens à appuyer une réforme ambitieuse de la Directive européenne sur la régulation des marchés financiers, MIFID 2, en cours de discussion. La France doit aussi porter une position ambitieuse pour pousser les instances internationales à s’emparer du sujet, au risque de contribuer à aggraver par son inaction la faim dans l’hexagone et dans le monde.