Communiqués de presse 25.09.2024

Eaux filtrées illégalement : deux nouvelles plaintes de foodwatch visent Nestlé et Sources Alma

A la veille de la diffusion d’Envoyé spécial consacré à l’eau, foodwatch contre-attaque et dépose ce mercredi 25 septembre deux nouvelles plaintes, cette fois avec constitution de partie civile. Alors que le Parquet d’Epinal – où avait été transférée la plainte pénale de foodwatch déposée en février à Paris – vient de mettre sous le tapis toute action publique à l’encontre de Nestlé Waters Grand Est en recourant à une Convention judiciaire d’intérêt public (CJIPE), foodwatch a refusé l’argent de Nestlé et vivement critiqué cette procédure qui permet à la multinationale de s’en tirer en sortant le chéquier. L’organisation de défense des consommateurs ne se résout pas à enterrer l’affaire de fraude massive qui touche le monde entier depuis des décennies, notamment via la commercialisation de la célèbre eau Perrier. Deux nouvelles plaintes déposées au tribunal de Paris visent donc à nouveau Nestlé et le groupe Sources Alma qui produit Cristaline, l’eau la plus vendue en France. Injection de gaz carbonique dans l’eau Chateldon ‘naturellement gazeuse’, recours à du sulfate de fer pour réduire la présence d’arsenic sur le site de St-Yorre et Vichy Célestins, fraude organisée en recourant à des traitements illégaux depuis des décennies chez Nestlé, opacité sur le risque sanitaire, responsabilité des autorités qui ont choisi de se taire : les infractions, dont la tromperie, pointées par foodwatch sont encore plus musclées que dans sa précédente plainte en février. Face à ces fraudes massives, l’organisation demande la désignation urgente d’un ou une juge d’instruction, la fin de l’impunité et des sanctions exemplaires. 

Si Nestlé pensait l’affaire close avec la décision du tribunal d’Epinal mi-septembre, c’était sans compter avec la détermination de l’organisation foodwatch. Depuis les révélations du Monde et de France Info en janvier 2024 puis avec sa plainte pénale en février, l’association de défense des consommateurs et consommatrices foodwatch n’a eu de cesse de dénoncer la fraude massive d’une ampleur inédite touchant non seulement la France mais aussi le monde entier. La pression exercée par foodwatch au niveau de la Commission européenne a mené à la publication en juillet dernier d’un rapport d’audit cinglant à l’égard des autorités françaises dont le système ne permet pas d’enrayer les fraudes. Le rapport épingle leur manque de transparence à l’égard des consommateurs et consommatrices mais aussi des pays voisins et de la Commission, ce qui a permis aux entreprises d’écouler des milliards de bouteilles d’eau non-conformes sur le marché intérieur et dans le monde pendant des années sans être inquiétées. 

« Pour foodwatch, l’impunité est inacceptable : une tractation financière scellée à Epinal ne doit pas mettre fin aux investigations sur une fraude d’une ampleur internationale. Nestlé Waters ne peut tromper les consommateurs pendant des décennies dans le monde entier en filtrant illégalement ses eaux en bouteille et s’en tirer à bon compte en sortant simplement le chéquier. Nestlé, mais également les autorités françaises qui ont enfreint sciemment les réglementations européennes, doivent être sanctionnées. Nous détenons par ailleurs la preuve que le groupe Sources Alma, qui opère dans de nombreux pays, a trompé les consommateurs en ajoutant du gaz carbonique dans ses eaux ‘naturellement gazeuses’ et du sulfate de fer pour se débarrasser de contaminations à l’arsenic. Nous redéposons aujourd’hui plainte car la justice ne peut ignorer ces faits graves. Aucune multinationale n’est au-dessus des lois », explique Ingrid Kragl, experte des questions de fraude chez foodwatch.
 
« La complaisance de l’Etat dans cette affaire interroge et pose la question de sa responsabilité », peut-on lire dans les deux plaintes de foodwatch.

Dans la première plainte listant de nombreuses infractions, dont la tromperie, à l’encontre de Nestlé, l’avocat de foodwatch Me François Lafforgue rappelle que : « La Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) scellée le 10 septembre au tribunal d’Epinal ne concerne que Nestlé Waters Supply Est, soit les marques Vittel, Hépar et Contrex. Mais le scandale des filtrations illégales touche aussi la marque Perrier et les captages situés dans le Gard. En avril dernier, près de 3 millions de bouteilles de Perrier avaient dû être détruites qui faisaient ‘courir un risque pour la santé des consommateurs‘ selon le préfet du Gard suite à ‘un épisode de contamination à partir du 10 mars 2024 et sur plusieurs jours par des germes témoins d'une contamination d'origine fécale (coliformes, Escherichia coli)’ ». Il appartient au juge d’instruction de faire toute la lumière sur ces faits dans la mesure où 100% des marques d’eaux Nestlé sont concernées par l’utilisation de traitements interdits.
 
Selon la plainte de foodwatch, « On peut s’interroger sur le risque sanitaire tant sur l’eau qui ne fait plus l’objet de traitement que sur l’eau toujours traitée, vu l’ampleur de la contamination dont elle fait l’objet. Pourtant, Nestlé a sciemment dissimulé ce risque aux consommateurs ».

foodwatch rappelle que d’après Mediapart qui a eu accès au rapport d’enquête de Bercy remis au procureur d’Epinal – celui-là même qui a pourtant clos l’affaire Nestlé dans le Grand Est-, « les investigations du service national d’enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) établissent que, pour ses eaux commercialisées sous les marques Contrex, Hépar et Vittel, Nestlé a eu recours à des traitements interdits depuis au moins 2005, voire 1993 pour certaines ». Trente ans de tromperie : ce n’est pas un détail que l’on peut balayer du revers de la main. 

Dans sa deuxième plainte, foodwatch revient également à la charge concernant le groupe Sources Alma. Sur le site où sont embouteillées les eaux St-Yorre ou Vichy Célestins, l’entreprise utilisait du sulfate de fer depuis les années 80, pour « diminuer le taux d’arsenic avant oxydation dans les colonnes ». Un procédé évidemment interdit sur des produits destinés à la consommation humaine. Quarante ans de tromperie ? Alors que Sources Alma, qui commercialise Cristaline, l’eau la plus consommée en France, a affirmé dans la presse n’utiliser aucun traitement non-conforme, foodwatch détient les preuves qu’elle a eu recours à des techniques de filtration et de désinfection illégales. Du gaz carbonique était notamment ajouté à l’eau Chateldon, une « eau minérale naturellement gazeuse » soi-disant « d’exception » commercialisée dans le monde entier.
  
Des milliards de bouteilles frauduleuses qui n’avaient plus rien d’une eau minérale naturelle ou de source ont été vendues en France, en Europe et dans le monde sans jamais informer les consommatrices et consommateurs. Autorités et entreprises se refusent à communiquer sur cette fraude massive. Parce que cette opacité est inacceptable, foodwatch en appelle à la mobilisation citoyenne grâce à une pétition pour interpeller ces géants qui se croient tout permis et exiger qu’ils rendent des comptes. 

Sources :