Communiqués de presse 12.06.2024

Trafic de chevaux destinés à la chaîne alimentaire : révélations sur un scandale européen

La télévision publique irlandaise, dans son programme RTÉ Investigates, révèle dans un documentaire inédit en deux volets ce mercredi et jeudi l’ampleur d’un trafic européen de chevaux impropres à la consommation mais entrant dans la chaîne alimentaire.  

Plus de dix ans après le scandale dit des ‘lasagnes à la viande de cheval’, l’enquête fouillée du journaliste d’investigation Conor Ryan, à laquelle foodwatch a contribué, démontre que de nombreux chevaux de course voient leurs passeports ou puces électroniques trafiqués pour être envoyés à l’abattoir. Il s’agit d’une fraude massive qui consiste à brouiller la traçabilité de la viande et faire entrer dans notre chaîne alimentaire de la viande impropre à la consommation. La faiblesse du système actuel permet à des réseaux criminels d’opérer en Irlande, Espagne, Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en France. Pour foodwatch, l’urgence est à la transparence. L’organisation européenne de défense des consommateurs interpelle les autorités : où ont été commercialisées ces tonnes de viande impropre et par qui ? Ces fraudes doivent cesser.  

Paris, le 12 juin 2024. En Irlande, on ne mange pas de cheval mais il existe un trafic qui envoie des chevaux sur le continent. L’enquête de RTÉ Investigates, à laquelle foodwatch a contributé, a filmé en caméra cachée le seul abattoir agréé irlandais abattant des milliers de pur-sang qui viennent ensuite alimenter l’Europe, au mépris des règles de traçabilité qui doivent normalement garantir la sécurité sanitaire de notre alimentation.  

foodwatch dénonce depuis des années les failles systémiques qui permettent à des réseaux criminels bien organisés d’écouler leurs produits frauduleux en Europe. Les deux documentaires de RTÉ montrent, images à l’appui, que de nombreux pays sont concernés.  

Pour Ingrid Kragl, directrice de l’information de foodwatch et auteure de « Manger du faux pour de vrai. Les scandales de la fraude alimentaire » (éd. Robert Laffont), qui a collaboré avec RTÉ : « Cette fraude est possible parce qu’elle rapporte beaucoup d'argent avec peu de risques d'être pris. A travers l’Europe, les autorités de contrôle sont en sous-effectifs et la fraude alimentaire ne figure pas au rang des priorités politiques. Cette enquête montre que les criminels n’hésitent pas à exploiter les faiblesses du système dénoncé depuis des années par foodwatch : peu de contrôles, des bases de données nationales qui ne communiquent pas nécessairement et une opacité qui les protège. Car cette viande impropre entre bel et bien dans notre chaîne alimentaire. Pourtant, aucune information n’est donnée aux consommateurs ».  

Or, le phénomène reste d’une ampleur inquiétante puisqu’il expose potentiellement les consommateurs à un risque. Ces cinq dernières années, le réseau d’alerte européen RASFF (Rapid Alert System for Food and Feed), qui permet aux Etats membres d’échanger sur les risques sanitaires, a fait remonter près de 200 alertes concernant des problèmes d’identification ou de passeports de chevaux entrant dans le marché européen ; avec à chaque fois, plusieurs pays concernés.  

En France, la consommation de viande de cheval a chuté de façon spectaculaire depuis l’affaire dite des ‘lasagnes à la viande de cheval’ en 2013, passant de 17% de consommateurs de viande de cheval à 5 % aujourd'hui. La France a tout de même importé 2500 tonnes de viande de cheval environ en 2023, dont 400 tonnes en provenance d'Irlande ; soit l’équivalent de 1,6 million de steaks de 250 grammes... dont la traçabilité est aujourd’hui sérieusement questionnée.  

Les autorités européennes ont agi depuis le scandale de 2013, avec un nouveau règlement sur les équidés en 2015 puis en 2021, mais elles doivent aller plus loin.  

Selon le règlement 2021/963, la base de données obligatoire dans chaque pays européen fournit des informations permettant de déterminer si le cheval est propre ou non à la consommation humaine. Cette base de données doit être vérifiée avant que le vétérinaire de l'abattoir ne prenne la décision d'envoyer la viande dans la chaîne alimentaire. Les États membres doivent veiller à ce que tous les opérateurs concernés et les autorités compétentes aient accès aux bases de données. Mais est-ce vraiment le cas ? Pas sûr. C'est sans doute l'un des problèmes. Dans le point (10) du règlement de 2021, la Commission européenne indique clairement que l'échange de données électroniques entre les Etats membres devrait être encouragé pour faciliter la traçabilité des équidés et les contrôles de l'intégrité de la base de données. Il y a urgence.  

Nous avons aujourd’hui notamment besoin d'une base de données européenne interopérable. Elle permettrait d'accéder à des informations normalisées dans tous les pays de l'UE en libre accès. Cela représente, certes, beaucoup de travail pour la Commission européenne car il s’agit d’un projet informatique à gérer avec 27 Etats membres.  

Pour foodwatch, il n’y a pas à tergiverser : face aux trafics qui persistent en Europe, la transparence totale à travers toute l’Europe est la réponse la plus raisonnable. Nous voulons également que nos décideurs prennent les choses au sérieux au vu des risques et menaces que fait peser la fraude alimentaire. Les consommateurs européens ont le droit d'exiger d'être protégés contre ces pratiques frauduleuses. 

En France, une pétition interpellant les ministres de l’agriculture et de l’économie​​​​​​​, rassemblant plus de 57 000 signatures réclame plus de contrôles, plus de transparence, et des sanctions coercitives.   

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