Alimentation : le cadre réglementaire européen

Foire aux Questions - foodwatch répond à vos questions.

 L’Europe joue un rôle prépondérant sur le contenu de nos assiettes. Pourquoi et comment? À l’approche des élections du Parlement européen,  foodwatch répond à vos questions. 

Nos réponses à vos questions concernant le cadre réglementaire européen sur l'alimentation

Il existe plusieurs types d’actes législatifs relatifs à l’alimentation au niveau européen. Certains sont directement applicables dans tous les États Membres, sans qu’il soit nécessaire d’adopter une législation nationale.  Ce sont des règlements, comme le règlement (CE) nº 178/2002 établissant les principes généraux de la législation alimentaire de l'Union et le règlement (UE) n° 1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires. Le règlement établissant les principes généraux de la législation alimentaire forme la base de la politique de l’alimentation dans tous les Etats membres de l’Union européenne. Cette loi fixe les conditions, les responsabilités et les procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, ainsi qu’à la production et la distribution des aliments pour animaux.

Bien que ce règlement ait été considéré comme une avancée positive au lendemain du scandale de la vache folle, on s’en souvient, la loi n’est pas pour autant un succès. Trop de failles permettent la fraude alimentaire sans complexe, et les consommateur·rices sont encore bien trop exposé·es à des scandales sanitaires. Les mesures qui peuvent être prises dans le cadre de la loi sont plus correctives que préventives. Ainsi, des fraudes massives au miel et à la viande de cheval ont eu et continuent d’avoir lieu. L’ampleur des scandales alimentaires est souvent dissimulée aux consommateur·rices pour protéger les intérêts de l’agro-industrie. Pour nous, c’est vraiment le monde à l’envers. 

Source :  https://www.foodwatch.org/fr/actualites/2023/fraude-alimentaire-un-miel-sur-deux-importe-en-europe-serait-frauduleux-et-souvent-pas-detecte-comment-savoir-lequel

En 2018, nous avions déjà publié un rapport sur les lacunes de cette loi générale sur l’alimentation. Nous avions insisté sur l’importance de la mise en vigueur d’un système clair de traçabilité des denrées alimentaires et exigé que les consommateur·rices soient informé·es en temps voulu des risques sanitaires et qu’aucune information ne leur soit dissimulée. De plus, les distributeurs doivent tester leurs produits eux-mêmes. Les supermarchés prennent rarement leurs responsabilités lorsqu’un problème survient avec un de leurs produits.
Le règlement INCO (UE) sur l’INformation des COnsommateurs sur les denrées alimentaires régit les informations qui sont données aux consommateur·rices sur le devant et à l’arrière des produits alimentaires. Cette loi fait partie de celles que la Commission européenne a prévu de réformer et pour laquelle elle avait promis de formuler une proposition mais nous sommes toujours en attente.

Source rapport foodwatch : https://www.foodwatch.org/fileadmin/user_upload/2018-10-16_Report_Lost_in_the_Supermarket_web.pdf
 

Lors de la rédaction de la législation alimentaire générale, une clause a immédiatement été ajoutée pour la création d’un organisme chargé de surveiller les risques sanitaires dans l’UE. C’est ainsi que fut établie dès la mise en vigueur de la loi, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).  Cela dit, l’EFSA n’élabore pas les lois. Elle donne des avis scientifiques et des recommandations sur toutes sortes de questions liées à l’alimentation, comme la sécurité sanitaire, le bien-être animal, les pesticides et les additifs. 

Source: https://european-union.europa.eu/institutions-law-budget/institutions-and-bodies/search-all-eu-institutions-and-bodies/european-food-safety-authority-efsa_fr

Au niveau français, c’est l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) qui remplit ce rôle. 

L’UE établit la politique à suivre, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (l’EFSA) donne des recommandations mais ce sont principalement les Etats membres qui font appliquer, à l’échelon national, les lois de sécurité sanitaire, avec leurs propres instances.
Chaque pays a donc sa propre organisation pour mettre en œuvre les réglementations européennes.
En France, le contrôle de notre alimentation repose sur le ministère de l’agriculture (Direction générale de l’alimentation, DGAL), avec le ministère de l’économie (Répression des fraudes, DGCCRF) et les douanes (intérieur). Sur certains sujets comme la gestion de scandales sanitaires, cela peut mener à des interprétations différentes selon les Etats membres.
Nous demandons par conséquent des lois européennes plus claires afin d’assurer une mise en application uniforme dans tous les Etats membres, avec des sanctions dissuasives, non seulement pour les cas de fraude alimentaire, mais aussi pour tromperie aux consommateur·rices.

Source : https://www.foodwatch.org/fr/sinformer/nos-campagnes/transparence-et-scandales/scandales-alimentaires/petition-fraude-alimentaire

Tout aussi important pour notre politique alimentaire en UE, le règlement n° 1169/2011 sur l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires nous protège des arnaques et détermine ce que doit comporter l’étiquetage de nos produits. Nous avons par exemple le droit de connaître l’origine et la composition de notre nourriture et l’accès à ces informations devrait être le même dans tous les pays de l’UE. Tout comme le règlement sur la législation alimentaire, celui sur l’information aux consommateur·rices est au programme des réformes de l’UE depuis des années. Il serait temps qu’il soit révisé, qu’il nous éclaire sur les informations qu’il est obligatoire de faire figurer sur le devant des emballages et contre les allégations nutritionnelles et de santé sans aucun sens ni fondement scientifique. Il serait alors plus difficile d’induire en erreur les consommateur·rices. Cela les aiderait à faire de meilleurs choix pour leur santé et simplifierait l’uniformisation de l’application de la loi par chaque état membre. La transparence obligerait surtout les industriels à nous proposer des produits de meilleure qualité plutôt que d’essayer de masquer des ingrédients indésirables derrières des stratégies markéting.

Notre article (en anglais) à ce sujet : 
https://www.foodwatch.org/en/eu-commission-refuses-information-on-food-labelling-proposal-foodwatch-appeals-to-the-ombudsman 
 

Non, il existe aussi, dans la législation européenne, ce qu’on appelle des directives qui doivent obligatoirement être transposées dans le droit national. La Commission européenne a adopté fin 2023 les directives dites « petit-déjeuner ». Tous les Etats membres doivent adopter la directive et en respecter l’objectif mais sont libres de choisir la forme et les moyens pour l’obtenir. Ces directives mettent à jour des normes qui dataient d’une vingtaine d’années sur la composition, la dénomination, l'étiquetage et la présentation de certaines denrées du petit-déjeuner. Par exemple, les étiquettes doivent désormais être claires quant à l’origine du miel, et sur la teneur en sucre ou en édulcorant des jus de fruits. La quantité de fruit présente dans les confitures doit être augmentée. Les directives « petit-déjeuner » ont fini par être approuvées par le Parlement européen et le Conseil en mars 2024 et sont entrées en vigueur mais le volet « jus » n’est pas convaincant. Les emballages de jus de fruits ne pourront pas afficher la mention « sans sucres ajoutés » (un succès de campagne pour foodwatch car les jus de fruits contiennent beaucoup de sucres libres) mais on pourra lire « contient uniquement des sucres d'origine naturelle » – encore une allégation trompeuse pour les consommateur·rices. 

Notre article (en anglais) à ce sujet : https://www.foodwatch.org/en/the-eus-no-added-sugars-fruit-juice-label-sleight-of-hand

Et notre article pour mieux appréhender le sucre dans nos aliments : https://www.foodwatch.org/fr/actualites/2020/recette-produits-trop-sucres-on-le-voit-mieux-avec-du-sucre

La procédure est longue. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) doit donner son accord. Le principe de précaution est un élément-clé. Il est mentionné par l’article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’UE et est une valeur fondamentale des lois et règlements européens. Aucune substance ne peut être autorisée avant d’avoir été déclarée sans danger pour la santé humaine, animale ou végétale. Cela s’applique aux pesticides ainsi qu’aux produits alimentaires ou additifs. La prévention est ici essentielle mais en pratique, ce principe de précaution n’est jamais totalement respecté au sein de l’UE. 

Par exemple, il y a beaucoup d’études scientifiques sur l’utilisation du glyphosate, mais malgré les risques documentés pour la santé (il est classé probablement cancérogène pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer, une agence onusienne), la Commission européenne et les Etats membres ont réautorisé le glyphosate pour 10 ans en 2023. Autre problème : les industriels sont autorisés à faire des demandes d’autorisation basées sur leurs propres études (qui peuvent être donc orientées), l’appréciation de scientifiques indépendants étant minimisé voire carrément écartée. 

Lorsqu’on parle de nourriture, on parle d’agriculture, et c’est là que l’UE se démarque. En 1962, la Politique Agricole Commune (PAC) fut créée pour soutenir les agriculteurs et assurer la sécurité alimentaire. Cette politique a été conçue dans un cadre juridique très vaste et régule, entre autres choses, les subventions agricoles pour les Etats membres. La PAC actuelle a débuté en 2023 et s’applique jusqu’en 2027. C’est le budget le plus important de l’union européenne avec 53 milliards d’euros par an distribués aux agriculteurs et agricultrices européens. La France en est le premier bénéficiaire avec plus de 9 milliards d’euro d’aide.

La nouvelle Commission européenne et les eurodéputés élus en juin 2024 européen feront sûrement d’une future réforme de la PAC l’un des sujets prioritaires à traiter. Car une vraie réforme de la PAC est indispensable car elle soutient principalement un modèle agricole industriel. Les manifestations d’agriculteurs début 2024 ont en effet conduit à un rétropédalage sur certains conditions liées au respect de l’environnement pour l’attribution de ces subventions. foodwatch, aux côtés de nombreuses organisations de la société civile, a d’ailleurs critiqué ce rétropédalage, alors que la Commission européenne avait porté un projet ambitieux avec la stratégie du « Pacte vert » (Green Deal) et « De la Ferme à la Table  » (Farm to fork).  
Nous faisons campagne depuis 2022 pour une agriculture sans pesticides d’ici à 2035. Et cela n’est possible que si nous changeons profondément notre manière de cultiver. Cela signifie également qu’il faut changer de politique agricole.

Voir notre article sur l’Europe au cœur de nos assiettes  

Notre système alimentaire mondial est responsable d’environ un quart des émissions de gaz à effet de serre. Avec pour objectif de rendre le système alimentaire européen plus durable, la Commission européenne a présenté en 2019 le Pacte Vert, débouchant sur la stratégie « De la ferme à la fourchette » en 2020. 
Cette stratégie n’est pas un règlement mais elle devrait toutefois être déclinée en textes législatifs nationaux et européens. La stratégie « De la ferme à la fourchette » comporte plusieurs objectifs visant un système alimentaire plus sain et plus durable au sien de l’UE d’ici à 2030, dont celui de réduire de 50% les pesticides, de 20% l’utilisation d’engrais et d’atteindre 25% des terres agricoles en agriculture biologique. 
Cependant, avec le retrait par la Commission européenne du règlement sur l’utilisation durable des pesticides (SUR), supposée réduire de manière significative l’utilisation des pesticides, le Pacte Vert a pris un sacré coup. Cette loi avait déjà été rejetée par le Parlement européen en novembre, et n’est plus non plus discutée à la Commission. Les objectifs du Pacte Vert ont été remis en question par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen et par le Commissaire européen chargé de l’action pour le climat Wopke Hoekstra. 

Source : https://www.foodwatch.org/en/neither-farm-nor-fork
 

C’est bien au niveau européen que les additifs, les pesticides sont autorisés ou interdits sous les conseils de l’autorité sanitaire européenne (l’EFSA). Cela dit, si ces décisions sont européennes, rappelons que ce sont bien les Etats membres qui les prennent au Conseil ou dans des comités où ils siègent.

La saga du glyphosate est un triste exemple : en l’absence de consensus entre les Etats membres de l’Union européenne, la Commission a proposé la ré-autorisation de l’herbicide classé probablement cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer. Et en fin de compte, ce sont bien les Etats membres qui ont voté la prolongation du pesticide.

Lorsque la Commission européenne a enfin imposé une limite à la contamination de nos aliments par des dérivés de pétrole, les huiles minérales dangereuses pour notre santé, elle ne l’a pas fait seule. Suite aux pressions de la campagne menée par foodwatch, elle a demandé aux Etats membres de surveiller cela de très près et a mis une proposition sur la table. Pour l’EFSA, il était clair qu’aucun taux d’exposition ne pouvait être considéré comme ‘sûr ». La santé des consommateurs a ici primé. 

Communiqué de Presse foodwatch sur les huiles minérales : https://www.foodwatch.org/fr/communiques-de-presse/2022/derives-de-petrole-dans-les-aliments-huiles-minerales-la-commission-europeenne-impose-enfin-des-limites-suite-aux-pressions-de-foodwatch

Oui, si l’Etat considère qu’il existe un risque pour la santé ou pour l’environnement. La France l’a déjà fait sur le dioxyde de titane (l’additif E171), un colorant qui est suspecté d’être cancérigène. La France a donc interdit - sous la pression de foodwatch et de ses alliés - la vente de tout produit en contenant sur son territoire en 2020, puis poussé par foodwatch a porté l’interdiction au niveau européen en 2021. 

Source: https://www.foodwatch.org/fr/actualites/2021/dioxyde-de-titane-leurope-suit-enfin-la-france-vers-linterdiction-de-cet-additif

On a encore plein de sujets sur le feu : aidez-nous à continuer !

foodwatch est une association 100% indépendante qui refuse tout financement public ou dons d’entreprises qui pourraient présenter le moindre conflit d’intérêt. Ce sont donc vos dons qui garantissent notre liberté de parole et d’action pour enquêter, lancer l’alerte et faire bouger les choses. Ensemble, notre voix compte. Merci !

Je fais un don