Action en justice sur la fin de l’élevage en cage en Europe

En 2018, l’association CIWF lançait une Initiative Citoyenne Européenne (ICE) visant à bannir l’élevage en cage à travers toute l'Europe. En 2021, et 1,4 millions de signatures plus tard, la Commission européenne s’est engagée à mettre en œuvre cette demande d'ici la fin 2023. Pourtant, en juillet 2024, pas l'ombre d'une mesure ou d'un plan d'action, alors que plus de 300 millions d’animaux d’élevage sont toujours élevés en cage en Europe. Face à ce déni de démocratie, foodwatch rejoint donc le CIWF et ses alliés dans un recours en justice afin d’obliger la Commission à tenir parole.   

Pourquoi une action en justice pour demander la fin des cages dans les élevages?

Le Comité des citoyens de l'Initiative Citoyenne Européenne (ICE) « Mettre fin à l'âge des cages » engage cette action en justice au nom des 1,4 million de personnes qui ont signé cette ICE.  

En 2021, la Commission européenne s'est engagée à mettre en œuvre une législation interdisant l'élevage en cage avant la fin de l'année 2023. Elle ne l'a pas fait. Les citoyen·nes de l'UE soutiennent cette ICE, qu'ils et elles considèrent comme un outil démocratique efficace pour venir à bout de l’élevage en cages. Cette action pourrait contraindre la Commission à publier un calendrier clair et réaliste de formulation de ses propositions. 

Le Comité des citoyens est le seul à pouvoir entamer une action en justice au nom de l'ICE et, en tant qu'entité organisatrice, à rendre des comptes aux 1,4 million d'électeur·rices qui se sont mobilisé·es pour qu'aboutisse l’initiative « Mettre fin à l'âge des cages ». 

Pourquoi l’enjeu démocratique de cette campagne est extrêmement important ?

La vocation de l'Initiative Citoyenne Européenne (ICE) est précisément de permettre aux citoyen·nes européen·nes d'influer sur le processus décisionnel de l’UE. L’ICE est le premier et le seul outil de démocratie participative transnationale au monde : il permet aux citoyen·nes de l'Union européenne d’appeler la Commission à formuler toute proposition pertinente lorsqu’ils et elles considèrent qu'un acte juridique de l'UE s’impose pour faire appliquer les traités. 

Plus de 1,4 million de personnes ont signé l'initiative EtCA (« End the Cage Age », « La fin de l’âge des cages ») demandant l'interdiction de l’élevage en cages. Malgré sa promesse de respecter cette ICE en publiant ses propositions avant fin 2023, la Commission européenne n'a pas encore agi. Or rien ne justifie ce retard.  

Tous les rapports, consultations et préparatifs utiles étaient finalisés et d’un coup, la Commission a mis sous le tapis ses propositions de réforme de la législation sur le bien-être animal, qui prévoyait, entre autres, l’interdiction de l’élevage en cages. La confiance des citoyen·nes en la Commission serait sérieusement ébranlée si elle renonçait à la mettre en œuvre.   

En quoi cette interdiction améliorerait elle le bien-être des animaux ?

Des milliards d'animaux sont élevés en cage dans le monde entier : porcs, poules, lapins, canards ou cailles – tous réduits à une cruelle vie de confinement. Rien que dans l’Union européenne, chaque année, quelque 300 millions d'animaux vivent enfermés la majeure partie du temps dans des cages si exiguës qu'ils n'ont même pas la place de s'y retourner.  

Les truies allaitent leurs porcelets dans des caisses ; les lapins et les cailles passent leur vie en cage stérile ; les canards et les oies à foie gras sont gavées en captivité. Ce système de confinement restreint les animaux dans leurs mouvements et brime leurs comportements naturels. 

Les conseiller·es scientifiques de la Commission – l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) – soutiennent eux et elles aussi, pour des raisons de bien-être animal, l'élimination progressive des cages dans l'élevage des porcs, veaux laitiers, poules pondeuses, canards, cailles et lapins.  

Quel serait l’impact de l’interdiction de l’élevage en cages sur l’environnement ?

L’impact sur l’environnement de l’élevage intensif des animaux, dont beaucoup vivent confinés en cages, est dévastateur en termes d’émissions de gaz à effet de serre, ainsi que de pollution de l’eau, des sols et de l’air. Le bien-être animal est un rouage essentiel d’un système agroalimentaire réellement durable, et fait l’objet d’une demande sociétale forte à travers l’Europe.  

L’élevage intensif de porcs, par exemple, dépend en grande partie de l’importation d'aliments pour animaux, dont la culture contribue à la déforestation dans des régions essentielles, comme l'Amazonie. En France également, ce type d’élevage est l’une des causes des marées vertes en Bretagne, en raison de la pollution des cours d’eau en nitrate issu des lisiers des élevages.  

Étayés par les recherches scientifiques, les effets de l'agriculture intensive sur l’environnement sont bien connus. D’où la promesse de l'UE de réviser la législation européenne sur le bien-être animal dans le cadre du green deal et l’engagement de la Commission à mettre en œuvre l'ICE « La fin à l’âge des cages » visant à interdire l'élevage en cages. 

Qu'est-ce qu'un intervenant dans une action juridique ?

Un intervenant est une partie intéressée qui vient soutenir l'une des parties prenantes dans une action en justice. Tout tiers intervenant a la possibilité de soutenir la cause de la partie principale en apportant informations et arguments pertinents supplémentaires permettant de mettre en lumière l'impact de l'affaire sur toute autre question susceptible d’être affectée par la décision du tribunal. 

Qui peut demander à intervenir dans l'action en justice « La fin de l’âge des cages » (End the Cage Age) ?

Toute personne ou entité en mesure de prouver qu’elle a un intérêt dans l'issue de l'affaire peut demander à être intervenante. Il se peut donc que nous n’ayons pas connaissance de toutes les candidatures déposées auprès du tribunal à ce jour. Nous savons néanmoins que les organisations suivantes se sont déjà manifestées : Animal Equality Italy, The ECI Campaign, Eurogroup for Animal Welfare, foodwatch International, Lega Nazionale per la Difesa del Cane (LNDC) et Lega Anti Vivisezione (LAV). 

La Cour examine chaque demande, puis décide si elle remplit les conditions requises pour une intervention. Cette procédure se déroule généralement sur plusieurs mois. La Cour autorise à être intervenante toute organisation en mesure de prouver son intérêt dans l'issue de l'affaire. 

Pourquoi est-il important que d'autres ONG demandent à être intervenantes ?

La diversité des organisations demandant à intervenir révèle l’ampleur des conséquences de l'inaction de la Commission européenne. Les enjeux sont nombreux, de la démocratie à la transparence des gouvernements, en passant par l'environnement et le bien-être animal. C’est pour ça que foodwatch a répondu présente à la demande de l’association CIWF. 

La Commission n'a peut être pas renoncé à son engagement, elle l'a simplement retardé. Pourquoi ne pas attendre ?

La vocation de l'ICE est justement d’accroître l’influence des citoyen·nes de l'UE sur le processus décisionnel européen. Plus de 1,4 million de signataires de l'Initiative Citoyenne Européenne (ICE) « La fin de l’âge des cages » sont convaincu·es qu'elle peut aboutir à l'interdiction de l'élevage en cages. Cette ICE est la première qui ait rencontré un engagement total de la part de la Commission européenne. Celle-ci a donc établi un calendrier précis de publication de ses propositions avant la fin de l'année 2023, mais depuis, ces objectifs n'ont pas été tenus et aucun nouveau calendrier n'a été publié. 

Or, dans le cadre d’une ICE, la Commission est légalement tenue de publier un agenda, et rien ne justifie un délai supplémentaire. Tous les rapports, consultations et préparatifs pertinents étaient finalisés, lorsque la Commission a soudianement mis au placard les propositions de réforme de la législation sur le bien-être animal, qui comportaient l'interdiction de l’élevage en cages. 

La Commission doit maintenant justifier son incapacité à tenir ses promesses envers les citoyen·nes européen·nes et les 300 millions d'animaux qui souffrent en captivité dans toute l'Union européenne. 

Les agriculteurs et agricultrices traversent une période difficile. Temporiser la mise en œuvre ne laisse-t-il pas le temps d'ouvrir la discussion ?

S'il est essentiel de procurer aux agricultrices et agriculteurs le soutien financier dont elles et ils ont besoin pour passer à un autre système d'élevage, il n'y a pas lieu de retarder davantage l’interdiction des cages. A l’inverse même, il faut donner le plus rapidement possible aux agricultrices et agriculteurs une visibilité claire à moyen terme. 
 
La Commission possède les études d'impact nécessaires, et les recherches menées de son côté par Compassion for World Farming montrent que les outils financiers existent déjà pour accompagner les éleveuses et éleveurs dans cette transition. Les agriculteur·rices ont besoin de certitudes pour s'adapter au changement : ils doivent cesser d’investir dans l'élevage en cages, très onéreux, alors que le public souhaite clairement l’interdire. 

Il faut soutenir les agriculteur·rices, ne pas les laisser investir à perte, et leur proposer allègements fiscaux et autres avantages financiers lorsqu'ils engagent des évolutions bénéfiques à la société. Les éleveuses et éleveurs « ordinaires » n'ont rien à craindre des réformes relatives au bien-être des animaux et à l'environnement. 

Combien de temps va durer cette action en justice ?

Elle pourrait durer environ dix-huit mois, mais nous espérons qu'elle prendra fin le plus rapidement possible afin d'éviter tout retard supplémentaire dans la mise en œuvre de la législation. 

Y aura-t-il des audiences au tribunal ?

Maintenant que l'action en justice a été engagée, le comité des citoyens peut demander à être entendu par le tribunal. Les deux parties auront ainsi l'occasion de présenter leurs arguments lors d'une audience publique à la Cour de justice de Luxembourg.  

Que se passera-t-il si le recours n'aboutit pas ?

Si cette action n'aboutit pas, la campagne se poursuivra par d'autres moyens jusqu'à ce que plus aucun animal n’ait à vivre en cage. Cette ICE soulève également la question de la responsabilité de la Commission face à la volonté du public, matérialisée par le mécanisme d'initiative citoyenne européenne. 

Ne serait-il pas plus simple que les États membres introduisent chacun de leur côté une législation nationale ?

Si les lois nationales sont toujours les bienvenues, il est essentiel qu'une législation européenne garantisse des conditions de concurrence équitables à tous les éleveurs et éleveuses au sein de l'UE. Les mesures européennes devraient stipuler l'interdiction d'importer dans l'UE des produits issus de l'élevage en cages. 

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