Listeria dans les légumes : neuf morts de trop
Les légumes surgelés contaminés à la listeria en provenance de Hongrie ont fait parler d’eux durant l’été 2018. Cinquante-trois cas et neuf décès en Europe plus tard, ce scandale pourtant tentaculaire semble déjà oublié. Mourir en 2018 d’avoir croqué quelques légumes est inacceptable. foodwatch a mené l’enquête. La souche de listeria trouvée dans une usine française il y a plus d’un an est liée à la souche responsable de l’épidémie. Mais les autorités françaises gardent secret le nom du fabricant concerné. Alors que la Finlande a tiré la sonnette d’alarme à deux reprises depuis novembre 2017, la Commission européenne affirme, elle, que l'origine du foyer n'est connue avec certitude que depuis cet été. Chronologie d’un scandale planétaire… évitable.
Impossible de savoir
foodwatch dénonce avec force le retard dans les rappels en France, l’omerta et de graves manquements qui permettent aux scandales alimentaires de se succéder en Europe. Il demeure impossible pour les consommateurs d’accéder à la vérité sur le contenu de leur assiette. Pour foodwatch, il faut revoir d’urgence ce système à la traçabilité défaillante.
L’Europe connaît une épidémie de listériose depuis 2015, qui a conduit à cinquante-trois hospitalisations et neuf morts. Concernant cette présence de listeria dans les légumes, deux indications très claires dans des rapports de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) parus cette année pointent vers plusieurs pays, dont la France et en particulier une usine de légumes où un prélèvement positif à la listeria a été effectué en août 2017. L’Institut Pasteur, spécialiste de l’étude de ce type de souche, a établi un lien très clair entre ce prélèvement en France et la souche de listeria responsable de l’épidémie européenne. L’analyse de l’Institut a d’ailleurs contribué à l'identification de la source localisée en Hongrie. De quelle usine s’agit-il ? A ce jour, les autorités françaises et européennes, pourtant interpellées par foodwatch, n’ont toujours pas divulgué le nom du fabricant en France.
foodwatch réclame, comme lors de son dépôt de plainte dans l’affaire Lactalis, que les noms des entreprises qui exposent les consommateurs à un risque ainsi que les résultats de tous les contrôles sur des produits alimentaires soient rendus publiques.
Par chance, il n’y a pas a de cas déclaré de listériose humaine en France pour l’instant liée à cette souche. Mais on ne peut pas toujours tabler sur la chance. Pour foodwatch, la réglementation sur l’alimentation en Europe et en France doit être renforcée et plus efficacement appliquée pour que les consommateurs soient mieux informés et protégés.
Chronologie d’un scandale évitable
En novembre 2017, la Finlande s’inquiète déjà de deux décès attribués à la listeria monocytogenes. Elle alerte le système d'information sur les renseignements épidémiologiques (EPIS FWD) et ainsi des experts en santé publique d’une cinquantaine de pays. En janvier 2018, la Finlande toujours notifie le réseau d’alerte européen sur l’alimentation (Rapid Alert System for Food and Feed, RASFF) d’un risque sérieux suite à la présence de listeria monocytogenes dans du maïs surgelé provenant de Hongrie et emballé en Pologne.
S’ensuivent alors de nombreux échanges d’informations entre les gouvernements européens mais aussi avec de nombreux autres pays répartis dans le monde. Début septembre 2018, on dénombrait au moins 83 pays concernés par les légumes identifiés comme ceux du fabricant Greenyard : un scandale mondial donc.
L'Autorité européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Authority, EFSA) et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) évoquent trente-deux cas et six décès en mars 2018. Ces agences confirment alors dans un rapport que du maïs congelé et, éventuellement, d'autres légumes surgelés constituent la source probable de l’épidémie qui affecte l'Autriche, le Danemark, la Finlande, le Royaume-Uni et la Suède depuis 2015. Vous avez bien lu : depuis 2015.
Il faut pourtant attendre le 29 juin 2018 pour que l'Office hongrois de sécurité de la chaîne alimentaire ordonne le retrait et le rappel de tous les légumes surgelés produits dans l’usine Greenyard de Baja (Hongrie) depuis août 2016, soit quasi deux ans auparavant. Le groupe Greenyard prend cinq jours, le 4 juillet, pour se fendre d’un communiqué de presse annonçant le rappel de maïs, pois, haricots, épinard et oseille.
Dans la foulée, le Royaume-Uni informe ses citoyens. Nous sommes le 5 juillet. La France apprend le 6 juillet qu’elle est concernée, mais il faut attendre le 11 juillet 2018 pour que les autorités françaises rappellent officiellement les légumes surgelés concernés par le scandale. Les chaînes de supermarchés n’ont pas attendu et ont commencé à rappeler leurs produits, souvent transformés en salades (c’est l’été !). D’après les informations recueillies par foodwatch, Lidl et E.Leclerc ont été avertis du rappel avant que la DGCCRF ne soit au courant. Les consommateurs sont enfin informés.
Les légumes contaminés à la listeria, c’est l’affaire de trop pour l’association foodwatch qui pointe du doigt les lacunes de la réglementation permettant ces scandales : « On ne s’explique pas pourquoi l’enquête de traçabilité a duré si longtemps alors qu’il s’agit d’une contamination mortelle. Pour la Commission européenne, l'origine du foyer de listeria n'est connue avec certitude que depuis… juillet 2018. De toute évidence, le système actuel de traçabilité censé garantir la sécurité les consommateurs ne fonctionne pas. Il faut le réformer d’urgence », souligne Ingrid Kragl.
A ce jour, cinquante-trois cas sont relevés et neuf personnes sont officiellement décédées en Europe des causes de cette épidémie de listériose.