Le monde est une fois de plus secoué par une fraude massive sur le marché alimentaire. INTERPOL et Europol ont annoncé hier la saisie record de 2500 tonnes d’aliments frelatés ou contrefaits dans 47 pays. La France a participé à l’opération baptisée Opson IV et menée entre décembre 2014 et janvier 2015 qui a ciblé magasins, marchés, aéroports mais aussi des zones industrielles.
La collaboration entre les fonctionnaires de police, des douanes, les agents chargés de la sécurité alimentaire et des acteurs du secteur privé a d’ores et déjà conduit à un certain nombre d’arrestations. L’enquête se poursuit mais les chiffres communiqués font froid dans le dos :
- En France, 4.000 kilos de fraises contrefaites ont notamment été saisies à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle.
- En Italie, 31 tonnes de fruits de mer ont été congelés puis plongés dans une substance chimique contenant de l’acide citrique, du phosphate et du peroxyde d’hydrogène (l’eau oxygénée) avant qu’ils ne soient présentés comme « frais ». Les autorités ont également découvert un trafic de fausse mozzarella : du fromage frais périmé en provenance d’Europe de l’Est était traité avec de l’acide et de l'hypochlorite de sodium pour lui donner l’apparence de mozzarella fraîche puis « fumé » à l’arrière d’un camion. Des déchets brûlés servaient de source de chaleur.
- En Belgique, les autorités douanières ont saisi des compléments alimentaires dérivés de médicaments traditionnels chinois contenant des concentrations élevées de mercure.
- Au Royaume-Uni, 20.000 bouteilles étiquetées « vodka » s’apprêtaient à être remplies… d’antigel.
- En Hongrie, un abattoir illégal a été fermé.
« Des gens meurent à cause de l’avidité de criminels »
« La nourriture et les boissons frelatées et de mauvaise qualité sont une menace réelle pour la santé et la sécurité. Des gens prennent des risques importants et parfois meurent à cause de l'avidité de criminels dont le seul souci est le profit », commente Michael Ellis, chef de l'unité dédiée à la lutte contre le trafic de marchandises illicites au sein d'Interpol.
Réseaux organisés : du trafic de drogue… au trafic de tomates ?
Le commerce des faux aliments est le fruit d’un vaste réseau organisé. Il s’avère parfois bien plus juteux que celui de la drogue et génère des millions d’euros de profits. Nicolas Giannakopoulos, président et fondateur de l’Observatoire du Crime Organisé, l’a confirmé à L’Express : « Derrière certains réseaux, on retrouve les grandes organisations criminelles. Elles facilitent les choses, avec la capacité de mobiliser logistique et capitaux. Les mêmes qui font dans la drogue et les filles peuvent ponctuellement intervenir sur une filière de tomates ou d'agrumes ».
Les revendications de foodwatch
La fraude alimentaire existe dans le monde entier et concerne toutes sortes de produits. Parfois, elle met en péril la santé des consommateurs. De toute évidence, les leçons du scandale de la viande de cheval n'ont toujours pas été tirées en Europe.
Les résultats de l'enquête d'Europol démontrent de manière flagrante l'ampleur de l'échec politique : au lieu de prendre les mesures préventives nécessaires, on mobilise des dizaines d'enquêteurs qui traquent les fraudeurs alors que le mal est déjà fait. Le secteur commercial doit être mis face à ses responsabilités.
Les fabricants et les distributeurs devraient être légalement contraints d’effectuer contrôles et inspections, de prouver ainsi qu’ils respectent les réglementations à la lettre. C'est l’absence d’obligation de contrôles qui a permis que le scandale de la viande de cheval reste ignoré de tous aussi longtemps. Engager la responsabilité des entreprises et leur imposer une obligation de contrôle et de vérification est le seul moyen d'inciter celles-ci à se détourner de la fraude, et à s'en tenir à la loi.