C'est quoi le problème avec le sucre dans notre alimentation ?

C’est un constat désormais bien connu : on mange trop de sucre, et pourtant, il est difficile de s’en passer. On trouve en effet du sucre ajouté partout dans notre alimentation, y compris dans des produits salés, ou caché derrière mille et un noms sur les étiquettes. L’industrie agroalimentaire use et abuse de cette matière première peu chère, qui relève le goût, permet de conserver les aliments plus longtemps et redonne envie d'en consommer… Pourtant, cette consommation excessive n’est pas sans impact sur notre santé. Alors pourquoi mange-t-on trop sucré ? Comment débusquer le sucre sur les étiquettes ? Quels sont ses impacts sur la santé ? Zoom sur le sucre ajouté dans l’alimentation, ses effets sur notre santé et la responsabilité de l’industrie agroalimentaire dans notre alimentation trop sucrée.

Le sucre dans l’alimentation : où et comment le retrouve-t-on ?

Glucose, galactose, fructose, saccharose, lactose… sont ce qu’on appelle couramment les sucres. Derrière ces mille et un noms, connaît-on vraiment tout ce sucre qu’on avale ? Zoom sur le sucre et ses définitions, qu’il soit ajouté, libre ou naturellement présent dans les aliments que nous consommons.  

Quelles différences entre sucres naturels, sucres libres et sucres ajoutés?

Aujourd’hui, le sucre tel qu’on le connaît provient principalement de deux plantes : la canne à sucre et la betterave sucrière. Extrait et transformé en usine, le saccharose est cristallisé et raffiné pour obtenir le sucre de table, que nous retrouvons dans notre quotidien. 

Mais d’autres formes de sucre existent et composent les trois grandes catégories de la famille des glucides - ces macronutriments nécessaires au fonctionnement de notre corps - selon leur formation moléculaire : les monosaccharides - ou sucres simples comme le glucose et le fructose ; les disaccharides – avec deux molécules, comme le saccharose, constitués de glucose et de fructose, eux aussi appelés sucres simples, et les polysaccharides, comme l'amidon. Les glucides complexes ou amidons se trouvent dans les pommes de terre, les pâtes, les céréales ou encore les légumes secs et sont indispensables à notre corps par l’apport énergétique.  Les glucides simples sont digérés plus rapidement par l'organisme et ont un impact sur la glycémie – le taux de glucose dans le sang - c’est la raison pour laquelle ils sont à consommer avec modération.  

Dans l’alimentation, on distingue plusieurs types de sucre :  

  • Les sucres naturellement présents dans les aliments avant leur transformation, comme le fructose dans les concentrés de fruits ou le lactose dans le lait.  
  • Les sucres ajoutés lors de la fabrication d’un aliment ou d’une boisson par les industriels, comme le saccharose ou le sirop de glucose.  
  • Les sucres libres, qui regroupent les sucres ajoutés, les sucres naturellement présents dans le miel, ainsi que dans les jus de fruits et de légumes ou les concentrés de jus.  
  • Les sucres totaux, ce sont tous les sucres présents dans l'alimentation, y compris ceux naturellement présents dans les fruits, les légumes ou encore le lait. 

Du fruit au jus de fruits, qu’est-ce qui change pour le sucre ?  

Pourquoi dit-on qu’un jus de fruits est bien plus sucré qu’un fruit ? Dans un fruit, le sucre est encapsulé dans les parois cellulaires et associé à des fibres, ce qui ralentit sa libération dans le système digestif et lui permet d’être absorbé plus lentement. Dans un jus – maison ou industriel -, le sucre est libéré lorsque le fruit est pressé par la destruction des fibres du fruit. Lorsqu’on boit un jus de fruit, le sucre est absorbé plus rapidement par l’organisme et augmente plus rapidement le taux de sucre dans le sang (glycémie). Les seuls sucres véritablement « naturels » sont ceux qui se trouvent dans un aliment brut. Une fois que les fruits ont été pressés et que toutes les fibres ont été enlevées, ils sont considérés comme « sucres libres » et ont les mêmes effets néfastes sur la santé que les sucres ajoutés, selon les autorités sanitaires

Résultat des courses : certains jus de fruits peuvent contenir autant de sucre qu’un soda (environ 10g de sucre/100ml) ! Ajoutez-y que l’industrie agroalimentaire brouille les pistes dans les supermarchés : de nombreux jus contiennent la mention « sans sucre ajouté », ce qui laisse penser que les jus de fruits sont bons pour la santé – or, on l’a vu, ils sont très sucrés. Cette allégation santé avait été interdite par la Commission européenne en 2012, avant d’être réautorisée en 2016 sous la pression des lobbies.  

Les édulcorants, substituts du sucre, une fausse bonne solution ?

Pour la réglementation alimentaire, deux types d’ingrédients sucrants existent : le sucre et les édulcorants. Les édulcorants sont des additifs alimentaires, utilisés par l’industrie agroalimentaire comme des alternatives au sucre, pour maintenir le goût sucré des aliments tout en en réduisant les calories.  

On distingue deux familles d’édulcorants : 

  • Les édulcorants « intenses » désignés sous diverses appellations : acésulfame K, aspartame, advantame, cyclamate, néotamen saccharine, sucralose, stévia, etc, avec un pouvoir sucrant très fort (100 à 600 fois celui du sucre en poudre). Le plus connu est l’aspartame, 200 fois plus sucrant que le sucre.  
  • Les édulcorants « de charge » (Isomalt, demaltilol, sorbitol, etc), qui ont un pouvoir sucrant plus faible que les édulcorants intenses.  

On trouve essentiellement des édulcorants dans des produits « sans sucre » ou « light », mais l’industrie agroalimentaire en utilise aussi dans des sodas classiques : pour conserver dans les aliments un goût sucré, les géants de la malbouffe ont de plus en plus recours à ces édulcorants artificiels…. (Mais) A quel prix pour notre santé ?  

Le problème ? Malgré la réputation que leur ont si bien construite les industriels – réduction des apports caloriques, perte de poids - ces additifs sont au cœur de nombreuses controverses quant à leur potentiel impact sur la santé : il n’existe en réalité aucun consensus clair sur leur efficacité. Selon l’OMS, remplacer les sucres libres par des édulcorants ne contribue pas à contrôler la prise de poids à long terme. Même, les études pointant du doigt leur risques qu'ils représentent pour la santé se multiplient : des travaux scientifiques laissent penser qu’à long terme, la consommation de substituts de sucre pourrait être associée à un risque accru de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires et de mortalité chez les adultes. En 2023, des scientifiques de l’INSERM ont constaté que, comparées aux personnes qui n’en consomment pas, les personnes qui consomment le plus d’édulcorants, en particulier l’aspartame et l’acésulfame-K, avaient un risque plus élevé de développer un cancer. Des travaux internationaux récents ont conclu à un classement « peut être cancérigène pour l’homme » (CIRC, FAO, OMS). L’Anses donne le mot de la fin : des travaux menés en 2011 n’ont permis de démontrer « aucun bénéfice de la consommation d’édulcorants intenses sur le contrôle du poids, la glycémie chez les sujets diabétiques ou l’incidence du diabète de type 2. » 

Zoom sur l'aspartame

Sucre et marketing : une multitude de noms, des étiquettes illisibles

Qui dit multiples noms, dit grand bazar sur les étiquettes. Dans les supermarchés, identifier le sucre dans un produit alimentaire peut vite donner des maux de tête aux consommatrices et consommateurs qui chercheraient à s’en passer. La diversité des formes et des noms donnés au sucre est telle que sa présence peut être cachée derrière des dénominations méconnues et difficiles à comprendre. Sur les étiquettes, plus de 50 appellations différentes existeraient pour désigner le sucre : il y a des noms simples, plutôt bien identifiés, comme lactose, fructose, glucose, sirop, caramel, miel, et du jargon chimico-industriel : dextrose, maltodextrines, galacto-oligosaccharides, tréhalose, etc. 

Ça ne s’arrête pas là : si les sucres ajoutés au cours de la préparation des aliments et des boissons figurent dans la liste des ingrédients (sucre, dextrose, sirop de glucose, etc.) sous ces noms parfois compliqués, il est impossible d’en estimer la quantité car, dans le tableau des valeurs nutritionnelles, on ne les distingue pas des sucres naturellement présents dans les aliments avant leur transformation. Seule figure la quantité de sucres totaux à la ligne des glucides, sous la mention « dont sucres ».  

Gare aux allégations qui fleurissent dans les rayons. Un aliment « réduit en sucre » peut aussi être plus gras (ou plus salé) qu’un autre. On trouve dans les supermarchés des versions « réduit en sucre » avec davantage de matière grasse que leur recette classique. A l’inverse, un même aliment d’une même marque, allégé en gras peut être trois fois plus sucré, presque deux fois plus salé et beaucoup plus cher ! C’est le cas de certaines mayonnaises allégées.  

Petites astuces pour lire le sucre sur les étiquettes :

  • Si le terme "glucides" apparaît seul, cela signifie que le produit ne contient pas de sucres ajoutés.  
  • Si la mention "dont sucres" apparaît, cela ne se réfère qu'aux sucres simples, comme le saccharose, le glucose et le fructose, qu'ils soient d'origine naturelle ou ajoutés. Il est donc difficile de distinguer la proportion de sucres naturellement présents dans l'aliment de ceux ajoutés pendant sa fabrication.  
  • La liste des ingrédients peut vous donner un indice : si aucun terme ne suggère la présence de sucre (comme amidon, malt ou sirop), cela signifie que ces sucres sont naturellement présents dans l’aliment. 
  • Lorsque l'étiquette indique "sans sucre", cela signifie que le produit ne contient pas de saccharose (le sucre de table classique), mais il peut contenir d'autres sucres simples, comme le fructose.  
  • En revanche, "sans sucres" au pluriel signifie que le produit ne contient aucun sucre simple, comme le saccharose, le fructose, le glucose ou le lactose.  
  • L'expression "sans sucre ajouté" indique que seuls les sucres naturellement présents sont inclus. Attention, cela ne veut pas dire que le produit n’est pas sucré, mais bien qu’aucun ingrédient sucrant n’a été ajouté lors de la fabrication du produit : les fabricants de jus de fruits ont tendance à en abuser, jusqu’à l’illégalité pour certains ! 
  • La mention "allégé en sucres" signifie que le produit contient 30 % de sucres en moins par rapport à un produit comparable. 
  • Les édulcorants, n’étant pas des nutriments, ne sont pas affichés dans le tableau des valeurs nutritionnelles : c’est sur la liste des ingrédients qu’il faut les repérer ! 

Trop de sucre dans nos aliments : l’enquête de Foodwatch

Foodwatch s’attaque au sucre ajouté et dresse un constat aberrant : sur plus de 400 produits analysés dans 12 catégories alimentaires, les moins chers contiennent souvent plus de sucre que la moyenne, alors que les produits les plus chers sont souvent les moins sucrés. Conserves de petit pois, pains de mie, pizzas, mayonnaises ou biscottes : le sucre est partout et surtout dans les produits à petits prix de marques distributeur. 

DÉCOUVRIR L'ENQUÊTE COMPLÈTE

Si l’industrie en use et en abuse dans les produits alimentaires qu’elle vend, c’est que la règlementation lui en est facilitée. Il n’y a pas de cadre législatif limitant la quantité de sucre présent dans les aliments industriels. Il n’est soumis à un aucun seuil légal comme c’est le cas pour les additifs par exemple. Il peut donc s’infiltrer partout, en toute discrétion.

Trop de sucre : les effets d’une consommation excessive sur notre santé

Consommation de sucre : des recommandations des expert·es à la réalité, le grand écart

Depuis bientôt 10 ans, pour réduire le risque de surpoids, d’obésité, de diabète ou encore de maladies cardiovasculaires, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande de limiter l’apport en sucres libres à moins de 10% de l’apport calorique quotidien, soit environ 50g de sucre maximum par jour. C’est à peu près l’équivalent de 12 cuillères à café. Il serait même préférable pour la santé, disent les expert·es de l’OMS, de ramener cette limite à 5%. Ces recommandations ne portent que sur les sucres libres, c’est à dire qu’elles ne prennent pas en compte la quantité de sucre que l’on ingère en mangeant une pomme ou en buvant du lait.  

C’est la principale raison pour laquelle l’Anses, l’agence française de santé, préfère raisonner en termes de sucres totaux. En effet, l’Anses considère qu'il est difficile de distinguer les sucres libres dans la prise en compte d’une alimentation quotidienne et que les effets des sucres dépendent surtout de leur consommation totale et du contexte alimentaire. Par exemple, manger un fruit entier est différent de boire un jus de fruits, car s'ils contiennent tous deux la même quantité de sucre, l’organisme ne les assimilera pas de la même manière, les fibres du fruit ayant été détruites à l’extraction du jus. Selon l’Anses, parler uniquement des sucres libres pourrait minimiser l'impact des autres sources de sucre, ce qui risquerait de donner une vision incomplète de ce qui est consommé. Ceci étant dit, l’Anses s’aligne sur la recommandation de l’OMS de réduire les sucres libres à 50 g par jour. 

L’Anses recommande aux adultes et aux adolescents (13-17 ans) en bonne santé de ne pas consommer plus de 100g de sucre par jour. Concrètement, cela représente 40g de céréales du petit déjeuner (10g de sucres) dans 20cl de lait demi-écrémé (10g), un verre de jus d’orange (20g pour 20cl), une pomme (18g pour 150g), une banane (22g pour 150g) et quatre biscuits secs fourrés chocolat (20 g). Ce seuil tombe à 75 grammes par jour pour les enfants de 8 à 12 ans et à 60 grammes pour les enfants de 4 à 7 ans.  

Au niveau européen, l’EFSA est très claire: la consommation de sucres libres et de sucres ajoutés devrait être la plus basse possible. Les travaux menés par l’Agence européenne n’ont pas permis de fixer une limite supérieure de sécurité pour les sucres alimentaires, c’est-à-dire que les scientifiques ne sont pas parvenus à fixer un seuil en-deçà duquel le risque pour la santé à consommer du sucre serait nul.  

La recommandation de l'EFSA est on ne peut plus claire : le sucre n’est pas bon pour la santé, même en petite quantité. Pour Foodwatch, c’est un appel du pied aux responsables politiques européens : il y a urgence à légiférer pour pouvoir en profiter quand on en a envie, en quantité choisie, et pour encadrer la folie sucrée de l’industrie agroalimentaire, qui en ajoute partout ». Audrey Morice, chargée de campagnes.
Audrey Morice Chargée de campagnes foodwatch France

Consommation de sucre : on en mange trop !

Le sucre, une addiction ?

Le problème c’est qu’au fil des ans, on y a pris goût. Aujourd’hui, le pouvoir addictif du sucre est largement documenté. Plus on va en consommer, notamment dès l’enfance et l’adolescence, plus on va avoir du mal à s’en défaire. La consommation de nourriture, particulièrement de sucre, a plusieurs effets complexes sur notre cerveau, parmi lesquels la libération d’un neurotransmetteur que l’on appelle la dopamine, surnommée « la molécule du plaisir », s’appuyant sur un réseau de neurones appelé « circuit de la récompense ».  

Contrairement à l’idée reçue, le rôle de la dopamine n’est pas d’augmenter le plaisir, mais de motiver l’être humain à répéter des comportements qui l’aident à survivre (se nourrir et s’hydrater en font partie). Plus la quantité de dopamine libérée est importante, plus nous sommes susceptibles de répéter ce comportement. Le sucre augmenterait ainsi les niveaux de dopamine de 135 à 140 %.  

D’après le Crédoc, les Français·es avalent en moyenne 58,2g de sucre par jour, soit un niveau proche des 50 g recommandés par l’OMS. Seulement voilà, ce chiffre, largement repris par le lobby du sucre dans ses communications, recouvre une réalité beaucoup plus préoccupante qu’elle n’y paraît, notamment chez les enfants. Les 3-17 ans consomment en effet 67,1g de sucre par jour, soit 15,3% de leur apport énergétique quotidien. Les 13-17 ans ? C’est plus de 81g par jour ! Et encore, ces chiffres ne portent que sur les sucres libres.  

Selon l’Anses, qui prend en compte les sucres totaux, 20% à 30% des adultes et des adolescent·es ont des apports en sucre supérieurs aux recommandations (100g/j). C’est le cas aussi de 60% des 8-12 ans (>75g/j) et 75% des enfants de 4-7 ans (> 60g/j). 

Le lobby du sucre a beau jeu d’affirmer que la consommation de sucre par personne est stable depuis 50 ans, elle a en réalité changé complètement de nature. En 1960, la moitié du sucre alimentaire produit était consommé par les Français·es en morceaux ou en poudre. Aujourd’hui, les deux tiers du sucre produit atterrissent dans des aliments transformés.  

Trop des sucres consommés aujourd’hui sont « cachés » dans des aliments transformés qui ne sont généralement pas considérés comme sucrés. Tout le problème est là : il est devenu au fil du temps extrêmement difficile de prendre conscience de la quantité exacte de sucre que l’on ingère quotidiennement.

Les impacts nocifs du sucre sur la santé

Les scientifiques ont confirmé à de nombreuses reprises le lien entre la consommation excessive de sucre et des risques pour la santé. Dans les années 1980, un chercheur et un médecin canadien ont mis au point l'index glycémique pour mesurer l'effet d'un aliment sur la glycémie, c'est-à-dire le taux de sucre dans le sang. Cet indice reflète la capacité d'un aliment à influencer la glycémie dans les heures suivant sa consommation. En utilisant cet index, il est possible de calculer la charge glycémique d'un aliment, un concept développé à la fin des années 1990, c’est-à-dire l'impact qu'un aliment aura sur la glycémie en tenant compte de la quantité consommée. 

C’est ainsi que la science a pu comprendre les effets des aliments sucrés que nous mangeons sur notre santé. Les sucres consommés en excès sont stockés dans l'organisme sous forme de graisse. En s’accumulant, ils peuvent entraîner des problèmes de santé, tels que l'obésité, des caries, des maladies du foie, de l'hypertension, des maladies cardiovasculaires et du diabète de type 2. 

Ce ne serait pas si grave si le surpoids et l’obésité n’étaient pas devenus en quelques dizaines d’années un problème de santé publique majeur dont l’incidence de ne cesse d’augmenter. L’Organisation Mondiale de la Santé considère l’obésité comme la cinquième cause de mortalité dans le monde et parle d’ « épidémie mondiale ». En France, près de la moitié de la population est en surpoids et 8,5 millions d’adultes souffrent d’obésité. En un quart de siècle, l’obésité a été multipliée par plus de quatre chez les 18-24 ans et par près de trois chez les 25-34 ans. Quant aux enfants, 17% sont en surpoids dont 4% obèses.  

Des travaux de recherche sont en cours pour déterminer le lien entre la consommation de sucre et le risque de cancer : certaines études émettent l’hypothèse que ce lien passerait par la prise de poids, facteur de risque connu de cancer du pancréas, de l’œsophage, ou encore du sein. D’autres mettent en lumière l’importante production d’insuline – l’hormone qui régule la glycémie et qui permet au glucose d’entrer dans les cellules de l’organisme – liée à la consommation excessive de sucre : l’insuline favorise le développement de cellules tumorales, qui peuvent à leur tour être à l’origine de cancers.  

Le sucre, manne à profit pour l’industrie agroalimentaire

Dans l’alimentation industrielle, le sucre remplit de nombreuses fonctions : rectifier l’acidité des tomates ; rehausser le goût d’un plat avec des arômes de caramel, de pain grillé ou de noisette ; colorer des aliments pendant la cuisson ; assouplir la pâte à pain avant son façonnage pour lui donner du moelleux ; apporter du croustillant aux céréales et aux biscottes ; fixer la couleur d’un jambon ou encore prolonger la conservation des charcuteries. En bref, le sucre conditionne le goût, la texture et l’aspect des aliments, tout ça à moindre coût. 

Défendre le sucre, au mépris de la santé

On comprend mieux pourquoi les professionnels du secteur luttent contre toute forme de mesure contraignante susceptible de mettre la pédale douce sur le sucre. Davantage soucieuse de défendre ses intérêts économiques que la santé des consommatrices et consommateurs, l’industrie agroalimentaire entend bien continuer à profiter de ce juteux marché. 

Pendant des décennies, le lobby américain du sucre a utilisé des tactiques dignes de celles de l’industrie du tabac. Au cours des années 1960 et 1970, il a trompé l’opinion publique en payant des scientifiques chargés de pointer du doigt les acides gras saturés et leurs effets délétères sur les maladies chroniques. Objectif non avoué : faire diversion et éviter que le sucre soit désigné comme le véritable ennemi numéro un de notre santé. Le scandale a été révélé en 2015 par les « Sugar papers ». Manipuler la science pour désinformer ? Une stratégie maintes fois utilisée par l’industrie agroalimentaire pour défendre ses intérêts. Entre 2016 et 2019, Foodwatch avait dénoncé la stratégie de désinformation de Coca-Cola en France afin que les impacts sur la santé des boissons sucrées ou édulcorées (« light ») sur la santé soient minimisées. Près de 7 millions d’euros injectés par le géant du soda étaient savamment employés à brouiller le débat sur l’obésité et le diabète.   

Pour brouiller le débat, occulter les effets nocifs d’un excès de sucre dans notre alimentation et échapper à leurs responsabilités en matière de santé publique, les industriels de l’agroalimentaire et leurs lobbies dépensent des sommes faramineuses en campagnes d’influence et en investissements publicitaires. Les industriels ont aussi réussi jusque-là à contrecarrer les dispositions législatives les obligeant à afficher sur leurs emballages la quantité de sucres ajoutés.
Audrey Morice Chargée de campagnes Foodwatch France

Aujourd’hui, les multinationales de l’agroalimentaire livrent une bataille d’influence inégalée à Bruxelles, approchant au plus près les parlementaires et les commissaires, pour faire barrage à toute forme de législation anti-sucre – fixation de seuils obligatoires, taxes comportementales, étiquetage sur les sucres ajoutés – qui aiderait les consommatrices et consommateurs à faire les choix les plus sains. A la manœuvre notamment l’association FoodDrinkEurope, un lobby derrière lequel se cachent des marques bien connues telles que Kinder, Nutella, Ferrero Rocher (groupe Ferrero) ; Côte d’Or, LU, Milka, Oreo, Toblerone, TUC (groupe Mondelez) ; ou encore Minute Maid, Fanta, Sprite et Coca-Cola, et dont Foodwatch a régulièrement dénoncé les agissements dans le dossier du Nutri-Score.  

Selon l’ONG Corporate Europe Observatory (CEO), en 2016, les industriels de l’agroalimentaire ont déboursé plus de 20 millions d’euros pour influencer les parlementaires dans chacun des Etats de l’Union européenne. Qu’en est-il aujourd’hui ?  L’Union européenne oblige les organisations cherchant à mener des activités d’influence et de lobbying auprès des institutions européennes à contribuer à un registre pour la transparence. On y trouve les montants dépensés en lobbying en 2023 par des géants de l’agroalimentaire en Europe – colossaux : 

En France, selon la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HAPTV), Tereos, propriétaire de la marque Begin Say et deuxième groupe sucrier mondial, a dépensé, lui, l’an dernier, pas loin d’1 million d’euros pour défendre ses intérêts auprès des parlementaires. 

Cultures Sucre, le lobby du sucre en France

Cultures Sucre, anciennement Centre d’étude et de documentation du sucre et bras droit du Syndicat national des fabricants de sucre, regroupe les planteurs de betterave sucrière et les fabricants de sucre.  

Depuis que les méfaits du sucre sur la santé sont connus, le lobby avance masqué et recourt à des artifices. Cultures Sucre s’emploie à véhiculer une image positive sur le sucre à destination du grand public et excelle dans l’art d’utiliser les réseaux sociaux (Instagram, Twitter, Facebook, etc) comme caisse de résonnance à sa rhétorique. Oubliés les spots tv grossiers des années 80 où des milliers de morceaux de sucre tombaient en cascades tels des dominos vantant les mérites du « plus petit des grands plaisirs ». Sur son site internet, Cultures Sucre multiplie les ressources pédagogiques pour défendre pêle-mêle que la quantité de sucre dans un aliment n’est pas seule responsable des carries, expliquer que la consommation plus importante de sucre chez les enfants peut « s'expliquer par une préférence accrue pour le sucré et des habitudes de consommation qui évoluent à l'âge adulte » ou encore donner des conseils en matière de santé et d’alimentation ! 

Le lobby sucrier a même réussi un temps à s’infiltrer dans l’Éducation Nationale en fournissant aux enseignants du matériel pédagogique sur la consommation de sucre… jusqu’à ce que des parlementaires s’en émeuvent et exigent la fin du partenariat. Il continue par contre à financer le Championnat de France du dessert en collaboration avec l’Education Nationale. Quant à la Semaine du Goût (anciennement Journée du Goût) créée de toutes pièces par l’industrie du sucre en 1990, l’événement continue de faire la part belle aux marques agroalimentaires dans les écoles.   

Dans la ligne de mire des lobbies : éviter de taxer davantage les produits sucrés, au mépris des recommandations des expert·es de santé, qui reconnaissent l’efficacité de mesures comme les taxes soda, l’interdiction des édulcorants ou encore l’interdiction de la publicité pour la malbouffe.  

Les exemples de pression des lobbies contre des mesures de santé publique se sont multipliés aux niveaux français et européen ces dernières années :  

  • Dans un rapport paru en juin 2024, l’OMS démontre comme l’industrie agroalimentaire a bataillé dur pour prévenir, reporter, affaiblir des taxes existantes ou annuler de nouvelles taxes sur les sodas.  
  • En 2020, Foodwatch avait dénoncé les tractations des lobbies pour faire barrage à la révision de la réforme sur l’audiovisuel, laquelle prévoyait dans sa version révisée de limiter les publicités pour les aliments trop gras, sucrés, salés. Notre association avait révélé la lettre honteuse de l’ANIA, le lobby de l’industrie agroalimentaire, pour empêcher cette proposition initialement faite par la Convention citoyenne pour le climat de voir le jour.  
  • Régulièrement en France, des parlementaires tentent de faire voter, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, diverses mesures pour encadrer directement ou indirectement la consommation des produits trop sucrés. Trop souvent, le gouvernement préfère compter sur les engagements volontaires de l’industrie, pourtant démontrés inefficaces par Santé Publique France. En 2024, la ministre de l’Agriculture semble s’être directement rangée du côté des lobbies, rejetant les propositions de taxer les sodas et le sucre. Ces mêmes lobbies – L'Association nationale des industries alimentaires (ANIA), la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD) et la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire qui soutient un modèle productiviste – ont fait front commun contre cette taxe pour défendre l’économie avant la santé.  

Quelles politiques publiques pour réduire la consommation de sucre ?

Des mesures urgentes de santé publique doivent être remises au cœur des débats pour agir concrètement et rapidement sur les 400 000 décès évitables et imputables, selon l’OMS, à l’industrie agroalimentaire :   

  • Le Nutri-Score obligatoire dans tous les Etats membres européens 
  • L’interdiction de la publicité et du marketing pour la malbouffe ciblant les enfants   
  • La mise en place d’une réglementation plus stricte des additifs largement utilisés dans les aliments ultra-transformés :  interdire rapidement les plus nocifs et réduire drastiquement leur nombre dans notre alimentation  
  • La mise en place de taxes sur les boissons sucrées et édulcorées   

Les solutions sont largement connues : les gouvernements doivent s’en saisir et prioriser la santé et l’information des consommateurs et consommatrices sur les profits de l’industrie.  

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