Estomacs sensibles, s’abstenir. Asticots, viande verdâtre, réétiquetage de viande périmée (remballe), résultats bactériologiques dissimulés, double comptabilité… Les faits reprochés à Castel Viandes, fournisseur en 2008 de marques telles qu’Auchan, Système U, Carrefour, Flunch, McDonald’s, William Saurin ou encore Lustucru sont effarants. 14 ans après l’alerte de Pierre Hinard, ancien directeur qualité de l’entreprise, le procès s’ouvre cette semaine au tribunal de correctionnel de Nantes. Quels sont les enjeux de ce scandale ? Perdure-t-il ? Résumé foodwatch.
Nous avons trouvé des petits vers blancs dans les viandes, qui bougeaient encore dans nos assiettes, après cuisson !
Procès Castel Viandes et viande avariée : résumé de l’affaire
« Asticots qui grouillent sur le toit et tombent dans les steaks hachés, morceaux de viande ‘verdâtres’ et ‘à l’odeur écœurante’, remballe, fausses valeurs de matière grasse (des steaks hachés à 25% vendus pour du 15%), feuilles de traçabilité maquillées, résultats bactériologiques dissimulés, des pièces de viande congelées, décongelées, recongelées, des dates truquées, sans oublier une ‘double comptabilité’ pour que les inspecteurs de la direction générale de l’alimentation ne repèrent pas la fraude » : dans son livre « Omerta sur la viande » (Grasset), Pierre Hinard, ex-directeur qualité de l’entreprise Castel Viandes raconte d’effroyables pratiques.
Les faits remontent au moins à 2008, lorsqu’il a tiré la sonnette d’alarme. Pierre Hinard avait alerté sa hiérarchie, les autorités et la gendarmerie. Ses accusations ont déclenché une enquête judiciaire et plusieurs perquisitions. Une instruction a ensuite conduit à la mise en examen en juin 2014 du PDG de Castel Viandes, J. Viol, et de la responsable qualité pour « tromperie sur la qualité substantielle de la marchandise », « tromperie aggravée par un risque pour la santé de l’homme ou de l’animal » et « entrave aux services de contrôle ». On découvrait alors avec effroi la pratique de la « remballe » : de la viande périmée, réétiquetée avec une nouvelle date limite de consommation puis remise sur le marché.
Ce 5 mai 2022, les soupçons de « remballe » de viande impropre à la consommation par la société Castel Viandes Viol SA vont être jugés par le tribunal correctionnel de Nantes.
Auchan, Système U, Carrefour, Flunch, Lustucru, McDonald’s… de nombreuses marques concernées
Les faits reprochés à Castel Viandes, gros transformateur et abatteur de viandes de Loire-Atlantique (330 salariés), sont graves et ont concerné de nombreuses marques. L’entreprise fournissait à l’époque des faits des centaines de tonnes de viande par an à quasi toute la grande distribution – Auchan, Système U, Carrefour –, ainsi qu’à des chaînes de restauration comme Flunch, McDonald’s puis à des marques comme William Saurin, Lustucru. Bref, on retrouve ses productions a priori partout sur le territoire français. Aujourd’hui encore, l’entreprise fournit peut-être toujours ces marques : difficile de savoir qui achète encore chez Castel Viandes, c’est assez opaque.
Déchets de viande : après la « remballe », la « repasse » ?
En 2013, Le Canard enchaîné avait révélé que lors de leurs perquisitions, les gendarmes « ont fait de drôles de découvertes dans les arrière-cuisines du transformateur. Les documents saisis montraient qu’en 2008, en plus de la fameuse remballe, le grossiste avait livré à plusieurs grandes marques de l’agroalimentaire, des tonnes de minerais de viandes agrémentés de ‘repasse’ », des détritus balayés dans l’atelier de découpe ainsi que des restes de viande récupérés lorsque l’on démonte les hachoirs pour nettoyer. En avons-nous mangé sans le savoir ?
Castel Viandes dément formellement avoir commis une infraction
Pour avoir lancé l’alerte, Pierre Hinard a été licencié le 20 décembre 2008 officiellement pour « insuffisance professionnelle ». Il continue aujourd’hui de se battre pour faire reconnaître son statut de lanceur d’alerte (rendu du jugement en appel le 8 juillet 2022). Contactée par foodwatch en 2020, l’entreprise Castel Viandes a formellement contesté ce qui lui est reproché, démenti l’intégralité des faits rapportés par son ex-employé et considère ces « propos accusateurs comme calomnieux et portant atteinte à l’honneur de l’ensemble de ses salariés et de ses dirigeants ».
Le scandale dans la durée ? Longtemps après l’alerte, de la viande impropre à la consommation est encore sortie de l’abattoir, dénonce foodwatch
La grande distribution, les marques de plats préparés ont-ils continué de se fournir chez Castel Viandes, malgré le scandale révélé par Pierre Hinard ? « Les trouvailles en perquisitions et les écoutes téléphoniques ont montré que les pratiques dénoncées par l’ancien directeur qualité, Pierre Hinard, sont avérées et ont même perduré après son licenciement », selon Le Canard enchaîné.
Longtemps après les faits dénoncés par Pierre Hinard, foodwatch affirme que de la viande impropre à la consommation est encore sortie de l’abattoir. Par exemple, le 28 juin 2017, Auchan a dû procéder au rappel massif de steaks hachés et de viande hachée issus de l’entreprise, indiquant pudiquement sur son communiqué le nom d’une « SOCIÉTÉ VF SAS » – il s’agit de Viol Frères, soit la même société que Castel Viandes – pour une suspicion de contamination par la bactérie E. Coli 0157 : H7. La date limite de consommation des produits étant au 27 juin, ceux-ci avaient sans doute été déjà mangés.
Auchan se fournit-elle toujours chez Castel Viandes ? Contacté par foodwatch, le distributeur n’a pour l’instant pas répondu.
Un palmarès de problèmes
Pour foodwatch, ce scandale sanitaire est révélateur de problèmes récurrents :
- On ne peut pas faire confiance aux autocontrôles réalisés par les entreprises elles-mêmes. Selon Le Canard enchaîné, Castel Viandes avait détecté 256 résultats positifs à la salmonelle ou l’E.coli lors de ses autocontrôles entre 2010 et 2013, il n’en avait déclaré que... six aux autorités.
- De l’opacité : les consommateurs ignorent qui se fournit/se fournissait chez Castel Viandes. Et pourtant de grands noms de la distribution et de la restauration figurent ou figuraient parmi les clients de l’entreprise. Même lors de rappel, l’information est savamment dissimulée derrière des initiales.
- Du manque de moyens dédiés à ces contrôles : « Les contrôleurs dans le secteur de la viande sont toujours en sous-effectifs et le personnel dans les abattoirs en flux tendu, explique Philippe Béranger du Syndicat national unitaire interministériel des territoires, de l’agriculture et de la mer (Snuitam-FSU). Quand il y a un congé maternité ou un arrêt maladie, des agents non titulaires – des contractuels – sont mis sur la chaîne sans formation. Entre 2007 et 2012, mille emplois ont été supprimés chez les inspecteurs vétérinaires. » Et il n’y aurait pas eu de création d’emplois depuis 2016. La Cour des comptes alerte également sur cette situation tendue depuis des années. En 2014, puis de nouveau en 2019 : « Des insuffisances subsistent à toutes les étapes de la chaîne de contrôle de la sécurité sanitaire de l’alimentation, depuis les autocontrôles réalisés par les entreprises jusqu’à la publication des résultats des inspections ».
- De l’impunité : des marques, des distributeurs ont commercialisé de la viande impropre à la consommation et continué à se fournir chez Castel Viandes malgré de nombreuses alertes de clients malades, d’après Pierre Hinard.
- De l’urgence de reconnaître le statut de lanceur d’alerte à ces anciens employés qui ont le courage de révéler des informations pour l’intérêt général.
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