Actualités 08.04.2022

Rappels des chocolats Kinder et pizzas Buitoni : les questions qui fâchent

Avalanche de scandales alimentaires. Après le décès de deux enfants et des dizaines de personnes malades de la bactérie E.coli, les pizzas Fraîch’Up de Buitoni (Nestlé) ont été retirées des rayons et rappelées fin mars. L’usine a été arrêtée. Deux semaines plus tard, des dizaines d’enfants malades de salmonellose à travers l’Europe, dont 21 victimes en France, ont conduit au rappel massif de chocolats Kinder (Ferrero). Comment peut-on en arriver à de tels scandales pour notre santé ? Quelles stratégies de défense mettent en place les groupes ? foodwatch met les pieds dans le plat et pose les questions qui fâchent. Rejoignez le combat contre les scandales alimentaires : signez notre pétition.

Chocolats Kinder, pizzas Buitoni… scandales alimentaires à répétition

foodwatch a coutume de dire « tant que les failles du système de protection des consommateurs et consommatrices persisteront, la question ne sera pas de savoir si un nouveau scandale alimentaire va éclater mais plutôt quand il va arriver ». Et autant dire qu’en ce moment, ils arrivent à la pelle. 

18 mars, Nestlé. Suite aux décès de deux enfants et à l’infection de dizaines d’autres personnes par la bactérie E.coli, le groupe Nestlé retire de la vente et rappelle massivement les pizzas Fraîch’Up de la marque Buitoni. Âge médian des enfants malades : 7 ans.  

5 avril, Ferrero. Des dizaines de victimes de la salmonellose en Europe dont 21 déclarées en France entraînent une procédure de retrait et rappel de tonnes de chocolats Kinder de la marque Ferrero, à deux semaines de Pâques. Âge médian des malades : 4 ans. 

Avec de telles procédures de rappels ultra sensibles en si peu de temps, autant dire que la petite équipe de foodwatch ne s’ennuie pas. Malheureusement, notre association est désormais rompue aux scandales alimentaires et nous observons un schéma qui se reproduit, encore et encore. Car le système est défaillant et ne permet ni prévention ni dissuasion efficace.

Pour protéger votre santé et celle de vos proches, pensez à bien surveiller vos placards, réfrigérateurs et congélateurs : ne consommez surtout pas les produits faisant l’objet d’un rappel et contactez les marques pour vous faire rembourser. 

Stratégie d’évitement : Nestlé et Ferrero minimisent leurs responsabilités, resteront-ils impunis ?

Sur le terrain de la réaction d’abord, Nestlé comme Ferrero s’empressent d’être dans le déni et de minimiser. 

Communication de Nestlé: « c’est pas ma faute à moi »

Comment cela se gère-t-il côté Nestlé et ses pizzas Fraîch’Up de Buitoni contaminées ? Selon le Canard enchaîné, les autorités publiques ont noté, le 1 avril, « de nombreuses anomalies graves en matière de nettoyage et d’entretien des locaux et matériels » dans l’usine à pizza Fraîch’Up. Ils évoquent notamment « la présence de rongeurs au niveau de l’atelier boulangerie »

Ce compte rendu conforte le témoignage d’un lanceur d’alerte, qui avait tiré la sonnette d’alarme en mai 2021 dans le média en ligne Mr Mondialisation . Cet ancien employé de l’usine Nestlé décrit la présence de mégots dans les bacs de rattrapage de sauce, de vers sur les tapis de pizzas ou encore de champignons sur les murs. Face à ce témoignage remis sur le devant de la scène, le groupe Nestlé minimise et tente de discréditer cette parole, parlant « des images anonymes et non datées » et des « accusations non étayées ». 

Le lendemain de ces propos de la marque, l’arrêté préfectoral empêche une réouverture de l’usine Nestlé car elle présente « une menace pour la santé publique ». Dire que le géant de l’agroalimentaire claironne au même moment dans les médias : « L'hygiène, la santé et la sécurité sont nos priorités absolues ».  Vraiment ? N’y aurait-il pas les profits un chouïa avant cela ? 

Le Canard enchaîné rapporte également que la stratégie d’influence du groupe est déjà dans les starting-blocks face aux procès qui s’annoncent. Selon le journal, il compte déplacer le problème, par exemple sur ces consommateurs de pizzas qui consomment mal puisqu’ils seraient tombés malades… faute d’avoir assez cuit leurs pizzas (sic). Objectif : se dédouaner au maximum pour éviter d’entacher l’empire Nestlé. 

Cynique. Mais loin d’être nouveau pour la multinationale. Il y a un an, foodwatch racontait l’âpreté du combat d’une ancienne employée du groupe, Yasmine Motarjemi, devenue lanceuse d’alerte sur la gestion de la sécurité sanitaire des aliments au niveau mondial du groupe. 
 

Communication de Ferrero : « ce n’est que du préventif »

Du côté de Ferrero, la stratégie de minimisation est aussi assez glaçante. 

L’un des exemples nous vient d’un internaute qui nous a alerté sur notre compte facebook. Capture d’écran à l’appui, il nous indique avoir reçu un message de Ferrero dans lequel on peut lire : « Aucun de nos produits Kinder mis sur le marché français n’a été testé positif à la salmonelle. Néanmoins, nous avons préféré appliquer ce principe de prévention, en lien avec les autorités… »
 

Aucun Kinder testé positif à la salmonelle en France ? Ce n’est pas faux. Cela dit, les informations des autorités sont loin d’être aussi élogieuses pour Ferrero.

« Les investigations menées par Santé Publique France ont mis en évidence la consommation de certains produits de marque Kinder faisant l’objet de ce retrait-rappel dans les jours précédant l’apparition des symptômes chez les 15 malades qui ont pu être interrogés à cette heure. » 
Communiqué des autorités françaises, le 5 avril 2022.

Les autorités affirment bien que sur les 21 victimes françaises, les 15 qui ont pu être interrogées ont toutes mangé des Kinders venant de l’usine belge suspectée d’être à l’origine de l’épidémie européenne. Le risque est donc plus élevé que ne le laisse entendre Ferrero. 

Deux groupes, une même ambiance pour éviter d’assumer ses responsabilités.

Cette stratégie de déresponsabilisation fonctionnera-t-elle, encore une fois ? Les opérateurs s’en sortiront-ils avec des sanctions ? Seront-elles dissuasives ? C’est un des plus gros nœuds du problème : les scandales vont rarement jusqu’aux tribunaux et les sanctions, quand elles sont prononcées, se révèlent bien peu dissuasives. C’est pourquoi foodwatch se bat et exige dans sa pétition, la fin de l‘opacité et de l’impunité sur les scandales alimentaires. 

Comment ont été gérés les autocontrôles de Buitoni et Kinder ? Et pourquoi ces informations ne sont-elles pas publiques ?

Ces nouveaux scandales démontrent, encore une fois, l’inefficacité du système d’autocontrôles. Vous ne connaissez pas ? La loi fait peser une obligation sur les entreprises de l’industrie agroalimentaire. Elles sont censées s’assurer de la conformité des produits qu’elles commercialisent, et particulièrement de leur sécurité sanitaire : pack hygiène, plan de maîtrise des risques, autocontrôles. Si un exploitant a des raisons de penser qu’une denrée peut être préjudiciable à la santé humaine, il est contraint d’en informer immédiatement les autorités compétentes. 

Ces autocontrôles ont-ils été réalisés scrupuleusement chez Buitoni ? Ont-ils révélé un risque ? Buitoni a-t-elle fait remonter toutes les informations auprès des autorités ? Quelles actions les autorités ont-elles prises (ou pas) ?

On n’en sait rien ! C’est l’opacité la plus totale…. C’est pourquoi foodwatch demande à Nestlé et Ferrero de rendre des comptes. Quelles mesures ont été prises (ou non) avant que l’on découvre, trop tard, que leurs produits étaient contaminés ? Avec notre pétition, plus de 37 000 personnes demandent plus de transparence dans ces scandales alimentaires.       

La Cour des comptes pointait déjà du doigt en 2013  des anomalies graves liées aux autocontrôles. Elle dénonçait le fait que des non-conformités révélées par des autocontrôles n’étaient pas toujours portées à la connaissance de l’Etat. Elle évoquait des mesures plus contraignantes : celles-ci n’ont pas été mises en œuvre. Pourquoi ? Quand seront-elles enfin mises en place par un gouvernement ?

Comment en arrive-t-on à des rappels aussi tardifs ?

Autre question que met en lumière ces scandales, c’est celle des délais : une fois encore, le rappel arrive après les drames, après les malades. 

Dans le cas de pizzas Fraîch’Up de Buitoni, rappelons que Nestlé a demandé seulement en mars 2022 de rapporter des pizzas vendues depuis… juin 2021. 10 mois de pizzas vendues et, pour la très grande majorité, déjà ingérées. Pourquoi depuis cette date ? Combien de pizzas vendues sont-elles  potentiellement contaminées ? Combien de personnes rendues malades n’ont jamais associé leurs diarrhées, douleurs abdominales ou vomissements à leur consommation de pizza du groupe Nestlé ?

Pour les Kinder de Ferrero, le géant de l’agroalimentaire a détecté de la salmonelle dans l’usine d’Arlon en Belgique dès le 15 décembre. foodwatch vient également de révéler que les États européens ont été informés d’un problème depuis le 25 mars dernier. Comment est-ce possible qu’il ait fallu attendre une épidémie de salmonellose pour que Ferrero lance une procédure de retrait-rappel ? Pourquoi les autorités, réactives pour le cas des pizzas du groupe Nestlé, ont-elles autant attendu pour Ferrero ?

Révélations foodwatch : depuis combien de temps Ferrero sait ?

Mise à jour du 13 avril 2022. Deux nouvelles révélations foodwatch.  Alors que l’EFSA vient d’indiquer que le premier cas d’infection à la salmonelle par des chocolats Kinder est apparu le 21 décembre, foodwatch révèle que les autorités sanitaires britanniques ont prévenu et échangé avec Ferrero dès le 23 mars sur la possible contamination de leurs produits. Pourtant, ce n'est que 12 jours après que la marque a retiré et rappelé ses produits en France, de façon graduelle. Notre association vient également de dévoiler que certains chocolats spécial Noël de Kinder sont concernés par les rappels de produits potentiellement contaminés par la salmonelle. Pourtant, la communication du groupe s’est concentrée en France sur le packaging de Pâques… En Allemagne, les éléments communiqués sont bien plus clairs pour les client.es. Pourquoi une telle opacité dans l’hexagone ? Détail des infos dans notre article.

Au lieu de les réduire, quand va-t-on renforcer les moyens de contrôle des autorités ?

Quitte à interroger les raisons de ces scandales, foodwatch vous invite aussi à regarder du côté des moyens alloués, sur le terrain. Ces ressources dédiées aux contrôles en France se réduisent comme peau de chagrin, d’année en année. Moins de contrôles, c’est aussi plus d’opportunités pour les opérateurs peu scrupuleux de passer à travers les mailles du filet. Laisser-faire, c’est malheureusement aussi prendre le risque de laisser faire n’importe quoi. 

En 2022, les rangs de la Répression des fraudes (DGCCRF) comptaient ainsi 442 agents de moins que dix ans auparavant. Du côté de la Direction générale de l’alimentation en charge de l’inspection vétérinaire (abattoirs, etc.) et aussi phytosanitaire (pesticides), le nombre des inspections sur la sécurité sanitaire des aliments a diminué de 33% entre 2012 et 2019. 

Allouer des moyens aux autorités publiques et à leurs contrôles de terrain, c’est protéger la santé publique. Pour foodwatch, hors de question de « privatiser » le contrôle de la sécurité alimentaire des aliments. 

Ensemble, empêchons de nouveaux scandales

Vous ne voulez plus de tels scandales ? Nous non plus. Ensemble, mettons les pieds dans le plat. Exigeons des autorités qu’ils renforcent la traçabilité, les contrôles, les sanctions et, surtout, la transparence des informations pour tout ce qui concerne notre alimentation. Signez la pétition !

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