Nutri-Score papers : face aux blocages de Bruxelles, la médiatrice européenne donne raison à foodwatch
Lundi 7 octobre 2024, l’enquête menée par foodwatch pour comprendre pourquoi le projet de rendre le Nutri-Score obligatoire en Europe n’a pas abouti a donné tort à la Commission européenne. En janvier 2024, foodwatch a fait appel à la médiatrice européenne, face au refus obstiné de Bruxelles de donner accès aux documents qui pourraient faire la lumière sur l’échec de la révision du règlement européen sur l’information des consommateurs, qui intégrait la mise en place d’un logo nutritionnel obligatoire. Si la médiatrice donne raison à foodwatch, l’accès à ces documents nous est toujours refusé : qu’est-ce que la Commission a à cacher ? Suite de la saga des « Nutri-Score papers ».
Dissimuler les documents officiels : une “mauvaise administration” de la part de la Commission européenne
Dans l’affaire des Nutri-score papers, le couperet est tombé pour la Commission européenne : selon la médiatrice européenne - ou ombudsman - Emily O’Reilly, l’institution bruxelloise aurait dû accorder à foodwatch l’accès aux documents réclamés. Dans une décision rendue le 7 octobre 2024, l’ombudsman tranche et reproche à la Commission de ne pas avoir rendu public les documents légitimement demandés par foodwatch. En février, la médiatrice européenne avait déjà demandé à la Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, de « divulguer le document sans délai ». Ce que la Commission se refuse à faire.
Pour la médiatrice européenne, refuser l’accès aux documents à foodwatch est un cas de « mauvaise administration » : que cache la Commission européenne ? Pour quelles raisons le Nutri-Score, pourtant indépendant et reconnu efficace dans la prévention contre les maladies évitables qui explosent en Europe, n’est-il toujours pas obligatoire dans tous les Etats membres ?
L’ombudsman est une instance indépendante chargée d’enquêter sur les plaintes concernant des cas de mauvaise administration de la part d’institutions européennes, notamment sur l’absence de réponse, le refus ou le retard injustifié de l’accès à des informations publiques comme c’est le cas dans l’affaire des Nutri-score papers.
A Bruxelles, foodwatch avait saisi la médiatrice européenne en janvier 2024, après que la Commission lui avait refusé entre autres documents l’accès à l’avis du Comité d’examen de la réglementation sur la révision du règlement sur l’information des consommateurs (INCO). En anglais, c’est le Regulatory Scrutiny Board, un organe indépendant qui conseille les commissaires européens dans la préparation des textes de loi et donne son feu vert pour qu’une proposition passe toutes les étapes et puisse être publiée.
L’objectif de cette saisine ? Comprendre pourquoi la révision du règlement INCO, prévue fin 2022, pour y intégrer un étiquetage nutritionnel obligatoire en Europe, a été mise sous le tapis. Alors que toute possibilité de rendre le Nutri-Score obligatoire était repoussée aux calendes grecques, foodwatch n’était en effet ni dupe, ni convaincue du silence de la Commission européenne dans ce dossier.
Rappelons que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) elle-même préconise la généralisation du Nutri-score en Europe pour lutter contre les maladies non-transmissibles.
Nutri-score en Europe, pourquoi est-ce important qu'il devienne obligatoire?
Pour aider les consommateurs et consommatrices à faire des choix d’alimentation plus sains, foodwatch se bat pour rendre le Nutri-Score obligatoire en Europe. Pourquoi? Quels sont les enjeux ?
Lobbying anti-Nutri-Score : que contiennent les documents refusés à foodwatch par la Commission européenne ?
Au début de la procédure de demande d’accès aux documents formulée en mai 2023 auprès de la Commission européenne, foodwatch obtient des notes et compte-rendu de réunion qui révèlent l’ampleur du lobbying orchestré à Bruxelles par l’industrie agroalimentaire pour mettre des bâtons dans les roues d’un Nutri-Score obligatoire.
Dans une lettre de refus adressée à foodwatch au cours de la procédure de demande d'information, la Commission européenne fait valoir que la communication de ces documents « saperait le processus décisionnel des institutions » et qu'il n'y avait « pas d'intérêt public prépondérant à le faire ». L’ombudsman que nous avons sollicitée se penche alors sur l’affaire. Ce qui nous fait penser que notre association met sûrement le doigt là où ça fait mal : que contiennent ces documents que la Commission ne souhaite pas divulguer ? foodwatch suspecte qu’il puisse y avoir là l’explication au blocage politique autour du Nutri-Score obligatoire.
La Commission doit la transparence aux citoyens et citoyennes et une explication claire sur les raisons pour lesquelles elle n'agit toujours pas. Elle prétend être sérieuse dans sa lutte contre le cancer et les maladies cardiaques mais refuse d'avancer sur un outil simple dont l'efficacité pour aider les consommateurs à faire des choix plus sains est prouvée. Il est temps que la nouvelle Commission agisse
Derrière les demandes d’accès aux documents et la saisine de la médiatrice européenne, il y a pour foodwatch en effet la suite d’un travail de longue haleine, mené depuis 10 ans, pour dénoncer le lobbying intensif mené par l’industrie agroalimentaire contre le Nutri-Score. Pour l’heure, face à l’inaction de la Commission européenne, des industriels comme Danone ou Bjorg en profitent pour rétropédaler sur l’affichage du Nutri-score en décidant de ne plus l’afficher sur tout ou partie de leurs marques.
foodwatch ne compte pas reculer devant les pressions des lobbies : le Nutri-Score est un outil de santé publique, reconnu comme une mesure-clé et efficace dans la lutte contre les maladies évitables. Il doit revenir de toute urgence sur la table des négociations européennes et être rendu obligatoire dans tous les Etats membres.
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