Nutri-score papers : révélations de foodwatch sur les agissements des lobbies à la Commission européenne
Avec les « Nutri-Score papers », foodwatch a révélé l'intense lobbying de l'agro-industrie dans les coulisses des débats politiques européens pour empêcher l'introduction d'un étiquetage nutritionnel obligatoire sur le devant des emballages. Pourtant, la Commission européenne avait annoncé en 2023 la révision du règlement européen sur l’information des consommateurs, censé rendre le Nutri-Score obligatoire en Europe, qu’elle a depuis enterré progressivement. Explications.
Le Nutri-Score englué, foodwatch se mobilise à Bruxelles
En mai 2020, dans le cadre de sa nouvelle stratégie sur l’agriculture et l’alimentation, « De la ferme à la fourchette », la Commission européenne propose de réviser un texte d’importance : le règlement européen sur l’information des consommateurs, pour y intégrer un étiquetage nutritionnel obligatoire dans les Etats membres. C’est le début d’une longue saga politique.
La révision du règlement est progressivement mise sous le tapis : les mois passent et malgré la mobilisation de la société civile pour soutenir la révision du texte, la Commission européenne le retire de son agenda. Alors qu’une proposition devait être mise sur la table avant la fin 2022, l’institution bruxelloise recule, s’abritant derrière une étude sur le Nutri-score que n’aurait pas rendue sa Direction générale de la Santé, quand bien même partout en Europe, de nombreuses études prouvent son efficacité et qu’il est soutenu depuis de longues années par la communauté scientifique. En réalité, il semblerait que la Commission européenne craigne la fronde organisée par plusieurs Etats, en tête desquels l’Italie, et les lobbies de l’agro-industrie.
Pourquoi faut-il rendre le Nutri-Score obligatoire en Europe ?
foodwatch multiplie alors les prises de contact auprès de la Commission européenne pour tenter de comprendre pourquoi la révision du règlement est tant retardée puis finalement abandonnée. A Bruxelles, malgré nos relances, les questions de foodwatch sont éludées. Nos demandes pour obtenir un rendez-vous avec la Direction générale de la Santé et de l’Alimentation à Bruxelles n’aboutiront pas.
Les Nutri-Score papers : les documents qui révèlent le lobbying agressif contre le logo nutritionnel
Face au silence des responsables européen⸱nes, foodwatch joue de son pouvoir citoyen. En mai 2023, notre association formule une demande d’accès aux documents auprès de la Commission européenne, une procédure administrative par laquelle, sur le portail « Ask the EU » (en français, « Demandez à l’Union européenne »), les citoyen⸱nes de l’Union peuvent demander l’accès aux documents de travail des institutions européennes.
foodwatch scrute alors les comptes-rendus (publics) de réunions entre l’industrie agro-alimentaire et des responsables politiques des plus hautes sphères de la Commission européenne. Alors que notre association n’avait pu obtenir les rendez-vous demandés une année auparavant, la Direction générale de la Santé de l’institution bruxelloise avait dans le même temps pourtant rencontré 17 groupes de pression et de lobbies représentant du secteur de l’alimentation et des boissons.
Ce que montrent ces documents surtout, c’est l’ampleur du lobby agressif mené par l’Italie pour mettre des bâtons dans les roues du Nutri-Score à l’échelle européenne. L’ambassadeur italien a rencontré le cabinet du Commissaire européen à l’Agriculture, Janus Wojciechowski. En octobre 2022, une demande de réunion de la Représentation permanente italienne et de Federalimentare (la Fédération italienne des industries alimentaires) abouti trois semaines plus tard à une réunion avec le chef de cabinet de la Direction générale de l’Agriculture. Le compte-rendu de cette réunion témoigne de la désinformation mise en place par les interlocuteurs italiens, affirmant qu'il n'y a « aucune preuve scientifique à l'appui du Nutri-Score » et qu'il « n'est pas utile pour les consommateurs », alors même que de nombreuses études scientifiques prouvent le contraire. Cette réunion a été suivie d’une autre, le lendemain, lors de laquelle des arguments anti-Nutri-Score similaires ont été avancés.
En savoir + sur les stratégies de désinformation des lobbies
La Commission européenne est doublement fautive. Fautive dans son rôle de législateur, en ayant rétropédalé face aux lobbies dans la révision du règlement européen sur l’information des consommateurs. Fautive dans son rôle vis-à-vis des politiques publiques, en empêchant les Etats membres de mettre en place un étiquetage nutritionnel obligatoire et harmonisé sur le marché unique européen.
Face aux refus de la Commission, foodwatch fait appel au Médiateur européen
En septembre 2023, alors que la révision du règlement sur l’information des consommateurs ne voyait toujours pas le jour et que lumière n’était pas faite sur les raisons de ce retard, foodwatch ne lâche rien et soumet une deuxième demande d’accès aux documents à la Commission européenne.
L’objectif ? Obtenir les analyses d’impact qui servent d’arguments à la Direction générale de la Santé pour repousser aux calendes grecques la révision du texte. Nous formulons par la même occasion une demande pour consulter le compte-rendu du Comité d’examen de la réglementation, un organe indépendant qui conseille les commissaires européens dans la préparation des textes de loi.
À ce jour, l'accès à tous ces documents a été refusé à foodwatch. Les longues lettres de la Commission européenne sur les deux cas, détaillent pourquoi foodwatch ne peut pas les consulter. Bruxelles fait valoir que la publication de ces documents à ce stade « sapera le processus décisionnel de l'institution » et qu'il n'y a « aucun intérêt public supérieur à le faire ».
Pour foodwatch, les citoyennes et citoyens ont le droit de savoir pourquoi des processus politiques en faveur de leur santé et d’une meilleure alimentation ont été retardés, puis bloqués. C’est pourquoi nous avons fait appel au Médiateur européen, une instance indépendante qui se penche sur la mauvaise administration au sein des institutions européennes. Le Médiateur européen va demander à la Commission à voir les documents que nous demandons et donnera son avis sur la question de savoir si oui ou non la Commission européenne a raison de les garder secrets.
Affaire à suivre ! foodwatch ne compte pas reculer devant les pressions des lobbies : le Nutri-Score est un outil de santé publique, reconnu comme une mesure-clé et efficace dans la lutte contre les maladies évitables. Il doit revenir de toute urgence sur la table des négociations européennes et être rendu obligatoire dans tous les Etats membres.
Nutri-score en Europe, pourquoi est-ce important qu'il devienne obligatoire?
Pour aider les consommateurs et consommatrices à faire des choix d’alimentation plus sains, foodwatch se bat pour rendre le Nutri-Score obligatoire en Europe. Pourquoi? Quels sont les enjeux ?
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