Après des mois de silence des industriels du thon suite aux révélations de BLOOM et Foodwatch sur la contamination au mercure du thon vendu en Europe, la riposte est arrivée sous la forme d’une publicité largement diffusée dans la presse quotidienne nationale et régionale pour tenter de minimiser le problème et de semer le doute. Pourquoi ont-ils mis tant de temps à réagir ? Quels sont les arguments avancés par l’industrie thonière, et surtout, tiennent-ils vraiment la route ? Dans cet article, nous vous expliquons pourquoi cette contre-attaque maladroite et indigeste confirme que BLOOM et Foodwatch ont visé juste.
Une contre-attaque de mauvais goût qui passe à côté du problème
Les résultats des tests menés par BLOOM sont sans appel : la contamination au mercure du thon vendu en Europe est généralisée. Sur les 148 boîtes testées, toutes étaient contaminées :
- Une boîte sur deux dépassait la norme européenne la plus stricte définie pour les produits de la mer.
- Une boîte sur dix dépassait même la limite réglementaire appliquée au thon frais.
Ces résultats ont provoqué un véritable électrochoc chez les consommateur·rices. Un sondage IPSOS mené en décembre 2024 a montré que 45 % des Français·es avaient cessé ou réduit leur consommation de thon en réaction à ces révélations.
Face à ces résultats accablants, la réaction des industriels a été tardive et surtout à côté de la plaque. Le 3 février 2025, le Syndicat Français Des Conserveries de Poisson (Petit Navire, Saupiquet, Connétable, La Belle Iloise…) a publié une pleine page de publicité dans plusieurs grands journaux, affirmant que le thon en conserve est “sain à la consommation”. Payer pour se faire entendre, voilà leur stratégie, qui ressemble clairement à une tentative désespérée de communiquer tout en évitant d’avoir à répondre aux questions des journalistes et des citoyen·nes.
Face à cette stratégie de diversion, BLOOM et Foodwatch continuent de réclamer une réglementation stricte sur le mercure dans le thon.
Cette prise de parole cherche à rassurer le public… sans répondre à l’enjeu de santé publique que nous avons soulevé ! Aucun engagement, aucune réponse concrète, surtout de l’enfumage que BLOOM a décrypté pour vous.
Les arguments de mauvaise foi
C’est la première stratégie des industriels, utiliser de arguments bateau, de mauvaise foi, qui peuvent sembler du bon sens mais qui ne tiennent pas 10 secondes face aux faits.
« Nous respectons la réglementation »
Oui, mais cette réglementation est bien trop laxiste. C’est bien là tout l’objet de notre campagne ! Actuellement, la réglementation européenne a été pensée avant tout pour protéger… les intérêts commerciaux de l’industrie plutôt que la santé des consommateur·rices. Pour rappel, la norme européenne autorise une concentration en mercure allant jusqu'à 1 mg/kg pour le thon frais. Pourtant, dès 0,3 mg/kg, le mercure représente un risque sanitaire, ce qui est la limite appliquée à de nombreux autres poissons. BLOOM et Foodwatch demandent donc une révision urgente de ce seuil.
« Le mercure est naturellement présent dans l’océan »
Oui, mais non, car ce sont bien les activités humaines qui ont multiplié par 4,5 la concentration de mercure dans l’environnement. La contamination du thon n’est donc pas un phénomène naturel, mais bien la conséquence de la pollution industrielle à grande échelle qui touche les océans.
Attaquer sur la forme et éviter de répondre sur le fond
L’industrie du thon s’en prend directement à la méthode des tests effectués par BLOOM, insinuant qu’il y aurait des erreurs méthodologiques. Elle s’attaque à la crédibilité du laboratoire d’analyses, qui est pourtant spécialisé dans les questions de mercure et qui a déjà collaboré directement avec les autorités européennes.
Elle clame également que les résultats exagèrent la contamination au mercure par rapport aux leurs. Le problème ? Les industriels utilisent la moyenne globale de leurs tests, ce qui lisse les résultats et permet de cacher les pics de contaminations de certaines boites… Là où BLOOM a regardé boite par boite pour bien montrer que dans bien trop de cas (10%), la norme réglementaire sur le thon, déjà trop laxiste pour protéger notre santé, n’était même pas respectée ! Malgré tous ces éléments, les lobbies du thon ne chôment pour tenter de décrédibiliser les résultats des tests de BLOOM auprès pouvoirs publics, afin d’enterrer tout débat sur le fond du problème.
Dans ce débat sur les tests, la frontière se situe surtout dans le niveau de transparence des uns et des autres. BLOOM a fait preuve d’une transparence totale sur la méthodologie de ses tests, du choix des boites testées ainsi que le certificat du laboratoire.
Voir le détail des tests de BLOOM sur les boites de thon
Du côté des industriels, le contraste est frappant : non seulement les résultats complets des tests ne sont pas accessibles, mais en plus, aucune précision n’est donnée sur la nature des produits testés (thon frais ou conserve). Quand on n’a rien à cacher, on joue cartes sur table. Aujourd’hui, Foodwatch et BLOOM continuent de réclamer à l’ensemble des distributeurs le détail de leurs tests.
Une communication sous forme d’aveux ?
Face à la tempête médiatique et à la pression citoyenne, l’industrie thonière s’est retrouvée face à un dilemme car pour répondre à notre interpellation, il leur fallait publier des résultats. Mais comment faire sans dévoiler par la même occasion que leur politique de tests est défaillante et largement insuffisante ? Pas surprenant qu’elle ait hésité à communiquer, ce qui explique sans doute le temps que cela leur a pris pour tenter de contre-attaquer.
Deux éléments majeurs de leur publicité montrent clairement les contradictions dans leur discours :
- Un nombre de tests dérisoire
Les industriels aiment mettre en avant le fait qu’ils réalisent des tests réguliers sur le thon. En additionnant tous les tests des industriels membres du lobby du thon, ils arrivent péniblement à 2927 tests sur 7 ans, c’est-à-dire en moyenne 366 boîtes de thon testées par an pour 400 millions vendues. Cela représente seulement 0,000001 % : dis comme ça, pas de quoi frimer n’est-ce pas ? Ne vous inquiétez pas, pour rassurer les consommateur·rices, ils annoncent qu’ils vont doubler le nombre de tests ! Il y aurait donc maintenant près de 750 boites contrôlées par an : autrement dit, une goutte d’eau dans l’océan.
- 90 % des résultats sous 0,3 mg/kg ?
Les industriels précisent que la majorité de leurs résultats sont inférieurs à 0,3 mg/kg. Un résultat très étonnant au vu de l’effort de lobbying mené par les industriels du thon depuis 30 ans pour maintenir la norme à 1mg/kg. C’est d’autant plus intrigant que la Commission européenne nous a clairement dit qu’il n’y avait « pas de marge pour réduire davantage la teneur maximale […] sans perturber considérablement l’approvisionnement alimentaire ».
Une incohérence qui fait fortement douter de la fiabilité des résultats publiés, qu’il est impossible de vérifier par manque de transparence des industriels sur les résultats de leurs tests. Si la méthode de leurs tests est si solide et que 90% de leurs résultats se situent bien sous 0,3mg/kg, les industriels du thon n’auraient donc aucun problème à un abaissement de la norme en vigueur de 1 mg/kg à 0,3mg/kg. N’est-ce pas ?
La bataille pour la santé publique face aux intérêts économiques ne fait que commencer. BLOOM et Foodwatch ne relâcheront pas la pression. L’objectif est clair : obtenir une réglementation plus stricte sur le mercure dans le thon, et forcer l’industrie à adopter une transparence totale dans ses pratiques de contrôle. Agissez dès maintenant :
Notre santé ne doit pas passer après les intérêts commerciaux : je signe !
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