Actualités 17.03.2025

Thon et mercure : BLOOM et Foodwatch attaquent Carrefour en justice pour protéger notre santé et l’océan

  • Contaminants

Après des tentatives de dialogue infructueuses, BLOOM et Foodwatch assignent Carrefour en justice pour manquement à son devoir de vigilance. Carrefour, géant de la grande distribution, se présente dans sa communication comme un acteur engagé pour la transition alimentaire. Pourtant, quand on s’intéresse au thon, l’enseigne est loin de tenir ses promesses. Par cette action, nos deux associations souhaitent forcer l’entreprise à prendre ses responsabilités, à joindre les actes aux paroles en garantissant des produits contenant du thon qui ne comporte pas de risques pour la santé et qui soit respectueux de l’environnement et des droits humains.

Le thon : un produit contaminé et risqué pour la santé

En novembre 2024, BLOOM et Foodwatch lançaient une campagne pour alerter sur la contamination généralisée du thon par le mercure. Les tests menés par BLOOM montrent que la norme spécifique dont bénéficie actuellement le thon ne permet pas de protéger correctement les consommatrices et consommateurs.

En effet, le thon est à la fois le poisson le plus consommé d’Europe et celui qui bénéficie de la plus haute quantité de mercure autorisée (1mg/kg de poissons frais). Pourtant, le mercure n’est pas moins dangereux dans le thon que dans les autres poissons : c’est un puissant neurotoxique, classé parmi les 10 substances les plus inquiétantes par l’OMS. Il représente un risque majeur pour la santé des consommateur·rices même à faible dose, notamment pour les femmes enceintes et les enfants

Lire les révélations sur le mercure dans le thon

En dépit des alertes répétées des ONG, Carrefour continue de vendre du thon contaminé sans imposer de mesures concrètes pour réduire les niveaux de mercure dans ses produits, malgré l’insuffisance de la réglementation européenne existante. Notre demande : que les distributeurs appliquent un seuil de mercure de 0,3 mg/kg de poisson frais, comme c’est déjà le cas pour d’autres poissons dans la réglementation, mais Carrefour comme les autres distributeurs ignore ces demandes.

Des pratiques de pêche destructrices pour l’environnement et les droits humains

Notre assignation en justice ne s’arrête pas uniquement aux questions de contamination du thon par le mercure. Elle traite aussi d’enjeux environnementaux et sociaux liés à la pêche de ce poisson. En effet, le thon vendu en grande distribution provient majoritairement de pêches intensives, qui ont des conséquences dramatiques sur l’environnement et les droits humains.

Par exemple, la pêche thonière utilise des dispositifs de concentration de poissons (DCP), des radeaux technologiques qui capturent non seulement des thons, mais aussi des raies, des requins, des tortues et d’autres espèces marines. Environ 10% des prises sont constituées d’animaux marins non ciblés. Cette pratique a conduit à une surexploitation des populations de thon, dont la population mondiale d’albacore a diminué de 54% depuis les années 1950.

Les abus en matière de droits humains sont également omniprésents dans cette industrie : travail forcé, torture et malnutrition à bord des navires thoniers sont des réalités bien documentées. BLOOM, notre partenaire dans cette campagne, est reconnue et spécialisée sur ces questions : pour en apprendre plus, n’hésitez pas à consulter leur site internet les nombreux articles et rapports qu’ils ont écrit.

Pour échapper à ses responsabilités et maintenir son image d'acteur engagé, Carrefour met en œuvre 7 stratégies différentes identifié et détaillées par BLOOM dans leur nouveau rapport "Carrefour : le cynisme".

Contre-vérités, imprécisions et mauvaise foi : BLOOM décrypte la stratégie Carrefour

Carrefour : un bilan accablant face à ses responsabilités

Malgré les enquêtes révélant ces pratiques, Carrefour continue de s’approvisionner auprès de fournisseurs incriminés. Si Carrefour est la cible de cette action en justice, c’est parce qu’avec ses 92 milliards d’euros de chiffres d’affaires, 305 000 employés et 40 pays d’implantation, le géant de la distribution est un acteur majeur de la vente de thon et est soumis à la loi française sur le devoir de vigilance. Cela implique une obligation de prévenir les atteintes à la santé des personnes, aux droits humains et à l’environnement liées à ses activités et celles de ses fournisseurs.

Qu'est-ce que le devoir de vigilance ?

Le devoir de vigilance est une obligation légale instaurée par la loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, entrée en vigueur en 2017 en France grâce à un gros travail de plaidoyer et de mobilisation d’associations. Cette loi impose aux grandes entreprises (au moins 5 000 salariés en France ou plus de 10 000 salariés dans l’Hexagone si leur siège social est ailleurs dans le monde) de prendre des mesures pour prévenir les atteintes aux droits humains, à la santé, à la sécurité et à l'environnement, non seulement dans leurs propres activités, mais aussi dans celles de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs.

Concrètement, les entreprises doivent élaborer un plan de vigilance qui identifie et évalue les risques liés à leurs activités et celles de leurs partenaires, et mettre en place des actions concrètes pour prévenir ou limiter ces risques. Elles doivent également rendre des comptes sur les actions entreprises pour respecter cette obligation.

Le non-respect de ce devoir peut entraîner des conséquences juridiques et financières pour l’entreprise, comme des amendes ou des sanctions en cas de manquement à cette obligation de prévention.

Suite à nos alertes et à deux mises en demeure envoyées en 2023 et 2024, les réponses de Carrefour ne sont toujours pas à la hauteur. C’est pourquoi BLOOM et Foodwatch ont décidé de porter l'affaire devant le tribunal. L'assignation en justice vise à contraindre Carrefour à respecter son devoir de vigilance, à garantir des produits sans mercure et sans abus des droits humains, et à mettre fin aux pratiques de pêche destructrices pour l’environnement et la biodiversité. Pour nos deux ONG, il est impératif que Carrefour réponde de ses actes et prenne enfin des mesures concrètes pour transformer la filière thonière.

J’interpelle Carrefour et les autres distributeurs

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