Révélations. Huile d’olive : 1 sur 2 n’est pas aussi vierge extra qu’elle le prétend en Italie. Et en France ?
Une huile d’olive de marque italienne sur deux n’est en réalité pas de qualité supérieure ‘vierge extra’ comme annoncé sur l’étiquette, selon les tests effectués par le magazine Il Salvagente. Une information choquante mais fiable puisque c’est un laboratoire public accrédité de Rome qui a relevé les défauts sensoriels (organoleptiques) suffisant à déclassifier sept huiles sur les quinze évaluées. Et pas n’importe lesquelles. De grandes marques sont épinglées par le mensuel dont Cirio, Carapelli, De Cecco, Pietro Coricelli. Si les produits incriminés ne présentent aucun risque pour la santé, ces révélations dérangent car l’huile d’olive vierge extra est vendue au moins 30% plus chère qu’une simple huile vierge, d’après Il Salvagente. Dans la foulée de sa campagne de lutte contre la fraude alimentaire, foodwatch souligne que certaines de ces huiles testées en Italie sont ou ont été commercialisées en France, en Belgique, en Allemagne. On ne peut pas déduire pour autant que la fraude est systématique ni qu’elle concerne tous les lots de ces marques. Mais en France, les contrôles de la Répression des fraudes montrent qu’une huile d’olive contrôlée sur deux est non-conforme. On ignore quelles marques sont concernées et où elles sont vendues. Cette opacité sème finalement le doute sur tout le rayon.
Parce qu’elles en ont assez d’être maintenues dans l’ignorance sur les fraudes alimentaires, près de 25 000 personnes ont signé la pétition de foodwatch pour exiger la transparence de la part de Bruno Le Maire et Julien Denormandie, ministres de l’économie et de l’agriculture qui font pour l’instant la sourde oreille. foodwatch se demande s’ils attendent le prochain scandale pour réagir.
Sept huiles d’olive sur quinze achetées dans des supermarchés italiens prétendent être de qualité ‘vierge extra’ alors que ce n’est pas le cas, révèle le magazine Il Salvagente dans son édition de mai. Parmi elles, des marques distributeurs - La Badia (Eurospin) et il Saggio Olivo (Todis) - mais aussi des marques plus connues qui inspirent a priori confiance : De Cecco Classico, Colavita Mediterraneo tradizionale, Carapelli Frantolio, Coricelli, Cirio Classico.
Ces huiles vendues comme vierge extra ont été passées au crible par deux laboratoires accrédités pour les tests physico-chimiques (acidité, indice de peroxyde, teneur en acides gras et composition en stérols), tandis que le troisième laboratoire chargé d’évaluer l’absence de défauts organoleptiques (test sensoriel) n’est autre que le laboratoire de l’Agence des douanes et monopoles à Rome (le comitato di assaggio del Laboratorio chimico dell’Agenzia delle Dogane e dei monopoli di Roma) qui travaille aussi pour la Répression des fraudes italienne.
Pour être qualifiée d’huile vierge extra, la réglementation est formelle : l’huile doit respecter strictement les critères chimiques définis dans les textes de loi mais aussi passer avec succès le test sensoriel (dit organoleptique) qui consiste en une dégustation par un panel d’experts certifiés par les autorités, à même d’attester de son fruité et de détecter le moindre défaut. Aucun défaut sensoriel n’est toléré pour l’huile ‘vierge extra’ censée être de qualité supérieure. C’est ainsi que les fonctionnaires italiens du laboratoire de Rome ont déclassé sept des quinze huiles testées qui présentaient entre autres un goût de rancissement, moisissure ou humidité.
« Les marques visées rejettent les accusations et affirment que leurs huiles sont bien vierge extra. Certaines rejettent la faute sur le transport ou le stockage », explique Enrico Cinotti, rédacteur en chef adjoint du magazine Il Salvagente. Quelles que soient les raisons de ces mauvais résultats, les consommateurs sont floués puisque l’huile d’olive vierge extra est au moins 30% plus chère que l’huile vierge, d’après Il Salvagente. En 2015, le mensuel italien avait déjà démontré que près de la moitié des huiles d’olive vierge extra testées ne l’étaient pas (9 sur 20). « Ces premières révélations avaient débouché sur une enquête pénale avec des sanctions pour les marques Carapelli, Bertolli, Sasso, Primadonna (Lidl), Coricelli, Santa Sabina et Antica Badia (Eurospin). Lidl et Coricelli avaient fait appel et gagné », précise Enrico Cinotti. Six ans plus tard, suite à ses nouveaux tests, Il Salvagente fait l’objet de menaces de représailles légales de la part de deux fabricants. La vérité dérangerait-elle ?
Qu’en est-il en France ? « L’huile d’olive est l’un des produits les plus fraudés. En France, une huile d’olive sur deux contrôlée par la Répression des fraudes est non-conforme. Les Français n’ont pourtant pas accès à l’information sur les produits frauduleux. Certaines huiles testées par Il Salvagente sont ou ont été vendues dans nos supermarchés ou en ligne. Nous avons le droit de savoir », commente Ingrid Kragl, directrice de l’information chez foodwatch et auteur de ‘Manger du faux pour de vrai. Les scandales de la fraude alimentaire’ (éditions Robert Laffont).
En un peu plus d’un mois, la pétition lancée par foodwatch pour réclamer la transparence sur les produits frauduleux a récolté près de 25 000 signatures. Chaque jour, les ministres de l’économie et de l’agriculture, reçoivent ainsi les mails de consommateurs mécontents. Bruno Le Maire et Julien Denormandie font pour l’instant la sourde oreille. Et foodwatch de se demander s’ils attendent le prochain scandale pour réagir ?
Qu'est-ce qu'une huile d'olive vierge extra ?
Les différentes catégories d’huiles d’olive sont classées en fonction de paramètres de qualité :
- caractéristiques physico-chimiques: acidité, indice de peroxyde, teneur en acides gras et composition en stérols;
- caractéristiques organoleptiques (sensorielles): fruité et absence de défauts organoleptiques.
Il existe trois catégories différentes d’huiles d’olive vierges.
- L’huile d’olive extra-vierge est la catégorie de qualité la plus élevée. D’un point de vue organoleptique, elle est fruitée et n’a pas de défaut. Son taux d’acidité ne doit pas dépasser 0,8 %.
- L’huile d’olive vierge peut présenter quelques défauts sensoriels, mais à un niveau très faible. Son acidité ne doit pas dépasser 2 %.
- L’huile d’olive lampante est une huile d’olive vierge de moindre qualité, dont l’acidité est supérieure à 2 %. Elle n’est pas fruitée et présente d'importants défauts sensoriels. L’huile d’olive lampante n’est pas destinée à être commercialisée au détail. Elle est raffinée ou utilisée à des fins industrielles.
Pour qu'une huile soit classée vierge extra, elle doit donc respecter certains critères chimiques réglementés et passer avec succès le test de dégustation montrant l’absence de défauts. Dans le cas des tests menés pour Il Salvagente, le panel d’experts a relevé les défauts suivants qui ont suffi à juger les huiles comme n’étant pas vierge extra : ils ont pu constater un goût typique des olives entassées ou stockées dans des conditions telles qu'elles ont subi un degré avancé de fermentation (Todis et De Cecco). Le rancissement (Carapelli) est perceptible lorsque l'huile a subi un processus d’oxydation intense. Le goût de moisissure/humidité (Eurospin, Cirio, Coricelli, Colavita) est le défaut caractéristique de l'huile produite à partir de fruits dans lesquels se sont développés d'abondants champignons et levures parce que les olives ont été stockées pendant plusieurs jours dans des environnements humides.
Sources
- « Oli comunitari, 7 su 15 non sono extravergini », article Il Salvagente, 30/04/2021
- « Plan de contrôle des huiles d’olive », DGCCRF, 16/02/2021
- #DuFauxPourDeVrai : plus de transparence sur les fraudes alimentaires !, pétition foodwatch
- « Manger du faux pour de vrai. Les scandales de la fraude alimentaire » (éd. Robert Laffont). Pour recevoir le livre en service presse : caroline.babulle@robert-laffont.com
- RÈGLEMENT (CEE) No 2568/91 DE LA COMMISSION du 11 juillet 1991 relatif aux caractéristiques des huiles d'olive et des huiles de grignons d'olive ainsi qu'aux méthodes d'analyse y afférentes