Scandale Lactalis : il faut en finir avec ce système d’autocontrôles opaque
Qui, des autorités ou de Lactalis savait et n’a pas pris les mesures à la hauteur du risque lié à la salmonelle ? Les nouvelles révélations du Canard enchaîné viennent renforcer les doutes exprimés par foodwatch depuis le début de cette affaire. Une inspection vétérinaire réalisée en septembre n’a rien vu, « alors qu’on sait que l’usine était infectée depuis février au moins », rapporte le Canard. Pour foodwatch, il faut d’urgence mettre fin à un système qui semble faire une confiance aveugle aux autocontrôles opaques. A ce sujet, la Cour des comptes dénonçait déjà des anomalies graves en 2013.
On dénombre au moins 35 nourrissons touchés par la salmonellose et désormais 65 pays concernés. Pourtant, l’inspection vétérinaire (Ministère de l’Agriculture) réalisée en septembre dernier au sein de l’usine Lactalis à Craon n’a « rien vu », révéle Le Canard enchaîné. Comment est-ce possible ? L’usine, concernée par la bactérie depuis 2005, aurait dû être particulièrement surveillée. D’ailleurs, des prélèvements réalisés par Lactalis sur la chaîne de production s’étaient révélés positifs en août et novembre derniers. Lorsque le groupe d’enquête nationale des Fraudes (Ministère de l’Economie) contrôle l’usine le 2 décembre, elle est « plombée par les salmonelles », écrit le journal.
L’article du Canard sème le doute. Certains savaient-ils ? Qui aurait minimisé le risque ? D’autres auraient-ils décidé d’occulter la vérité ou de protéger certains intérêts ? L’hebdomadaire révèle par ailleurs que le préfet de la Mayenne a inexplicablement attendu trois semaines avant de rendre public l’arrêté ordonnant la fermeture partielle de l’usine.
Dès le début de l’affaire, foodwatch a interpellé le fabricant mais aussi les ministères de la santé et de l’économie car les rappels concernaient des produits Lactalis fabriqués depuis le 15 février dernier : pourquoi février ?
foodwatch rappelle que la loi fait peser une obligation d’autocontrôle sur les opérateurs de l’industrie agroalimentaire afin de s’assurer de la conformité des produits commercialisés. Si un exploitant a des raisons de penser qu’une denrée peut être préjudiciable à la santé humaine, il est contraint d’en informer immédiatement les autorités compétentes. Ces autocontrôles ont-ils été réalisés scrupuleusement ? Ont-ils révélé un risque pour les bébés ? Lactalis a-t-elle fait remonter toutes les informations auprès des autorités ? Quelles actions les autorités ont-elles prises (ou pas) ?
« La Cour des comptes pointait déjà du doigt en 2013 des anomalies graves liées aux autocontrôles. Elle dénonçait le fait que des non-conformités révélées par des autocontrôles n’étaient pas toujours portées à la connaissance de l’Etat. Elle évoquait des mesures plus contraignantes qui n’ont pas été mises en œuvre. Résultat : 65 pays sont aujourd’hui concernés par le rappel massif des produits Lactalis », souligne Ingrid Kragl, directrice de l’information chez foodwatch.
Lors de l’affaire des œufs au fipronil, en août dernier, foodwatch avait rencontré la Direction générale de l’alimentation (Ministère de l’Agriculture) et réclamé la totale transparence sur les autocontrôles. La DGAL s’était voulue rassurante : elle avait alors affirmé faire confiance aux entreprises qui feraient remonter tout souci, le cas échéant.
Aujourd’hui, le scandale Lactalis démontre que le système d’autocontrôles, tel qu’il est mis en place en France, ne fonctionne pas.