Actualités 29.09.2020

OGM : la politique européenne doit respecter le Pacte vert

Pour faire contre-poids face aux géants semenciers qui cherchent à contourner et affaiblir la politique européenne sur les OGM, foodwatch a joint ses forces à 79 organisations en Europe pour interpeler dans une tribune collective la Commissaire européenne à la santé et à la sécurité alimentaire.
 
Il y a urgence, car pendant ce temps, un nouvel OGM de Monsanto vient d'être autorisé sur le marché européen. L’autorisation pour les importations de ce soja génétiquement modifié (MON 87708 x MON 89788 x A5547-127) est valable dix ans pour la consommation humaine et animale. En mai 2020, le Parlement européen s’était pourtant opposé à l’autorisation de cet OGM, s’inquiétant notamment d’une utilisation accrue d’herbicides. 

Vivement que les règles changent, y compris les règles d’étiquetage OGM pour les produits d’originale animale, ce qu’appuie cette tribune.  


Renforcer la politique de l’UE sur les OGM pour atteindre les objectifs du Pacte vert pour l’Europe

Chère Commissaire Kyriakides,

Par cette lettre, nous exprimons notre inquiétude quant à la possibilité que vous envisagiez un régime réglementaire particulier et allégé pour les organismes génétiquement modifiés (OGM) issus de l’édition de génome et d’autres nouvelles techniques de modification génétique. Nous vous demandons au contraire de renforcer la politique de l’UE sur les OGM, en particulier concernant le droit à l’information des consommateurs, la liberté de choix des agriculteurs et éleveurs et le contrôle démocratique des décisions de l’UE sur les OGM. 

Promesses vides versus problèmes documentés

La Stratégie européenne « De la ferme à la fourchette » déclare que la Commission « effectue une étude sur le potentiel des nouvelles techniques génomiques à améliorer la durabilité tout au long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. » Pourtant, le Conseil n’a pas donné ce mandat sur la durabilité à la Commission, mais a en fait soulevé des questions pratiques liées à l’application des règles de l’UE en matière d’OGM telle qu'interprétée par la Cour de justice de l’Union Européenne . 

En réalité, il est hautement improbable que les nouvelles technologies de modification génétique contribuent à la réduction des impacts négatifs de l’agriculture sur l’environnement et le climat. Jusqu’ici, deux OGM ayant subi des modifications génomiques sont sur le marché et aucun des deux n’est une plante plus résistante ou n’aide à réduire l’utilisation de pesticides. Les promesses de créer des cultures résistantes à la sécheresse et de réduire l’utilisation de pesticides sont aussi anciennes que les OGM. Ces promesses ont échoué, en particulier parce que des récoltes stables dans un climat instable dépendent avant tout de pratiques agricoles avisées et de semences adaptées localement, et peuvent difficilement être atteintes via des semences produites par des multinationales pour coller avec un modèle d’agriculture industrielle globalisée qui dépend d’un niveau élevé d’intrants.

À l’instar des OGM classiques, les droits de propriété intellectuels sur les nouveaux OGM sont aux mains de quelques multinationales. Par exemple, la firme états-unienne Corteva a acquis les licences pour les applications agricoles du CRISPR-Cas auprès de tous les acteurs concernés (Broad Institute, Caribou Biosciences, etc.) et propose aujourd’hui des sous-licences à celles et ceux souhaitant utiliser cette technologie. Des pratiques de ce genre ralentissent l’innovation et augmentent les prix , augmentant les coûts de production. Elles accélèrent aussi la concentration de l’industrie des semences, et bloquent l’indispensable développement de variétés adaptées à l’échelle locale, par les agriculteurs.

De plus, il existe de nombreuses preuves d’erreurs génétiques dues à l’utilisation de nouvelles technologies OGM, ce qui entraine de sérieux risques. Ces problèmes sont largement reconnus dans les applications médicales de l’édition génomique, mais souvent ignorés lorsqu’il s’agit d’utilisations agricoles de ces mêmes outils.

Lors de l’étude pour le Conseil, il est essentiel que la Commission regarde de très près les promesses de soi-disant bénéfices pour la société et les préoccupations sérieuses et fondées concernant la concentration de l’industrie semencière, la sécurité des consommateurs et la protection de l’environnement, ainsi que les droits des agriculteurs.

Application totale de la loi européenne sur les OGM

Lors de la conférence de presse du 27 Mai, vous avez aussi dit que l’étude fournirait « une excellente opportunité » de ré-évaluer ces techniques « en particulier au regard de l’arrêt de la Cour de Justice Européenne de Juillet 2018 ». Vous mentionniez un « potentiel changement de politique » qui pourrait être envisagé après la finalisation de l’étude.

Il est nécessaire de rappeler la logique derrière la décision importante de la Cour. La Cour a stipulé qu’une exclusion des nouvelles techniques de modification génétique du champ de la Directive de l’UE sur les OGM « compromettrait l’objectif de protection poursuivi par la Directive et ne respecterait pas le principe de précaution qu’elle s’efforce à mettre en place ». Au vu de ce jugement, la moindre hypothèse que la Commission puisse assouplir les exigences réglementaires pour les nouveaux OGM remettrait en question les fondamentaux de la politique de sécurité alimentaire de l’UE, qui se veut exigeante. 

La Commission doit mettre en œuvre complètement l’arrêt de la CJUE, et non pas le contourner en amendant la Directive européenne sur les OGM.

Renforcer les droits des consommateurs

Dans la Stratégie « De la ferme à la fourchette », la Commission promet de donner aux consommateurs les moyens de faire « des choix alimentaires avertis, sains et durables ».  Un nouveau système d’étiquetage durable est annoncé pour couvrir « les aspects nutritionnels, climatiques, environnementaux et sociaux des produits alimentaires ». 

Nous saluons ces intentions et suggérons que vous saisissiez cette opportunité pour mettre fin à une brèche flagrante dans les règles d’étiquetage des OGM de l’UE : il n’y a aucune obligation d’informer les consommateurs de la présence de produits issus d’animaux nourris aux OGM (lait, œufs, viande) dans les produits alimentaires. La plupart des consommateurs n’ont pas conscience de ce manque d’informations, alors qu’ils feraient peut-être des choix de produits différents si c’était clair sur les étiquettes. 

La Commission doit renforcer les règles de l’UE sur l’étiquetage des OGM, afin de rendre obligatoire l’information concernant les produits d’origine animale.

Responsabilité totale envers les citoyens de l’UE

L’expérience passée montre que dans le cas des OGM la Commission a toujours décidé de leur autorisation de manière unilatérale, sans le support d’une majorité qualifiée des États membres de l’UE. Les votes ont été tenus secrets, et aucune information n’a été donnée sur la position de chaque pays. Sans compter que de nombreuses objections du Parlement Européen ont été ignorées. 

Cette situation est inacceptable puisqu’elle compromet la légitimité démocratique de l’UE et sape la protection de la santé publique et de l’environnement. En 2015 et 2017, la Commission Juncker a présenté deux timides propositions pour remédier à certains de ces problèmes, mais elles sont insuffisantes pour restaurer la confiance des citoyens dans les processus de décisions démocratiques.

La Commission devrait revenir sur ses dernières propositions et instaurer la règle du vote à majorité qualifiée des États membre de l’UE pour toute décision visant à autoriser des substances dans les produits alimentaires, particulièrement les substances potentiellement dangereuses. 

En attendant, plusieurs décisions d’autorisation sont en attente, y compris concernant la culture de trois variétés de maïs génétiquement modifiées , et l’importation de semences de soja OGM rendues tolérantes à trois différents herbicides.

La Commission doit retirer ces projets d’autorisation, et proposer au contraire de ne PAS les autoriser. 

Commissaire Kyriakides, l’expérience montre que l’ingénierie génétique a augmenté l’utilisation de produits agrochimiques et a contribué à une monoculture qui détruit la nature et les pollinisateurs. Cela a conduit à la concentration du secteur semencier et a contribué à l’augmentation des coûts de production pour les agriculteurs.

Heureusement, l’UE est largement restée en dehors de cette expérience qui a si misérablement échoué outre-Atlantique. Pendant ce temps, la technologie de modification génétique continue d’évoluer, mais le contexte socio-économique reste le même. La technologie OGM est toujours un instrument de contrôle de quelques multinationales sur la production alimentaire. Il est essentiel que l’’UE s’en tienne à l’écart et se concentre sur les actions nécessaires pour atteindre les objectifs du Pacte vert pour l’Europe en matière de climat, de protection de la biodiversité et de liberté de choix des consommateurs.

Nous serions heureux de discuter de ces sujets de vive voix avec vous.

Bien à vous,

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