Il aura fallu quasiment sept ans aux autorités européennes et aux Etats membres pour prendre la bonne décision : désormais les aliments contaminés par des dérivés d’hydrocarbures dangereux (MOAH) devront être rappelés et retirés du marché, dès lors que cette contamination dépasse des seuils précis (appelés limites de quantification). Jusqu’à présent, les fabricants n’étaient pas contraints d’agir. Eh bien, c’est fini de vendre en catimini des produits très contaminés aux dérivés de pétrole et c’est grâce à vous, à nous.
Huiles minérales : depuis 2015, on n’a rien lâché et on a eu raison
Nous avons réalisé des tests en laboratoires en 2015, en 2019 puis encore en 2021 pour montrer la gravité de cette contamination - potentiellement cancérigène et génotoxique - et, chaque fois, vous étiez à nos côtés pour crier au scandale et signer nos pétitions. Nos tests ont révélé l’omniprésence d'huiles minérales nocives dans les aliments et épinglé de nombreux aliments courants dont des lentilles corail Auchan (2015), des laits en poudre pour bébés Nestlé et Danone (en 2019) ou encore des cubes bouillon Knorr/Unilever, Auchan ou Jardin Bio Etic/Léa Nature (2021). A chaque fois, ces géants de l’agroalimentaire ont refusé de reconnaître le problème et de retirer leurs produits contaminés du marché. Nous avons dû nous appuyer sur les autorités pour faire pression et faire respecter la loi relative aux produits potentiellement dangereux pour la santé et interpeller la Commission européenne encore et encore. En France, les cubes de bouillon contaminés aux MOAH et épinglés lors des derniers tests de foodwatch ont tous finalement été rappelés et retirés du marché par la Répression des fraudes (DGCCRF).
Cette fois, nous avons gagné : l’UE confirme enfin qu’il est interdit de commercialiser des produits contaminés par ces MOAH au-delà de seuils stricts. Les aliments contaminés par des dérivés d’hydrocarbures dangereux (MOAH), potentiellement cancérigènes et génotoxiques, devront en effet être retirés du marché.
La Commission européenne hausse le ton sans même attendre l’avis de l’EFSA
La Commission européenne et les pays de l’UE se sont enfin décidés à agir : ils ont fixé des seuils maximum pour la présence d’huiles minérales aromatiques (MOAH) dans tous les produits alimentaires lors de la dernière réunion du Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale (ou Scopaff pour Standing Committee on Plants, Animals, Food and Feed) du 21 avril, (dont le compte-rendu a été rendu public le 17 mai).
Fait rare : cette décision est entrée en vigueur immédiatement sans même attendre l’avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) prévu pour fin 2022. Autant dire qu’elle a provoqué une onde de choc au sein de l’industrie agroalimentaire qui, jusqu’à présent, pouvait commercialiser des produits contaminés aux MOAH sans être inquiétés. Cette époque est révolue.
Ces seuils correspondent aux limites de quantification (LQ) suivantes :
- 0,5 mg de MOAH par kilo de produit autorisé pour les aliments secs à faible teneur en graisse/huile (≤ 4 % de graisse/huile) – c’est le cas, par exemple d’aliments comme les pâtes, le riz, la farine ;
- 1 mg de MOAH par kilo dans les aliments à forte teneur en matières grasses/huile (> 4 % de matières grasses/huile) – par exemple dans les cubes bouillons, le chocolat, les pâtes à tartiner, le pesto ;
- 2 mg de MOAH par kilo pour les graisses et huiles, dont beurre et margarine.
Cette décision politique devra être transposée dans la règlementation européenne. Néanmoins, compte tenu des risques de ces contaminants pour la santé, ces mesures entrent en vigueur immédiatement et devraient mener à davantage de contrôles et de rappels dans tous les Etats membres.
Invisibles à l’œil nu, les huiles minérales sont un danger pour la santé
Ces huiles minérales contiennent des milliers de composants chimiques de structures et de tailles différentes. On les retrouve dans des colles, des encres d’impression, des lubrifiants de machines, des produits de nettoyage ou encore dans certains pesticides. Elles migrent facilement et contaminent nos aliments alors qu’elles n’ont strictement rien à y faire. Les huiles minérales aromatiques (MOAH) peuvent provoquer des cancers, altérer votre patrimoine génétique (caractère mutagène) mais aussi perturber votre système hormonal (perturbateurs endocriniens). Ces derniers participent par exemple à la baisse de la fertilité, au développement de puberté précoce, à des malformations du fœtus ou encore au développement de maladies métaboliques telles que le diabète.
- Fin 2021, foodwatch avait mené des tests dans plusieurs pays européens et trouvé qu’un produit sur huit présentait une contamination aux dérivés d’hydrocarbures les plus dangereux.
- En 2019, deux des huit laits en poudre analysés en France s’avéraient contaminés par des MOAH : le Nidal Lait en poudre 1er âge de Nestlé destiné aux nourrissons de 0 à 6 mois et le Gallia Galliagest Croissance sans lactose de Danone conseillé pour des bébés de 12 mois à 3 ans.
- En 2017, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) , qui avait auditionné foodwatch pour remettre un avis, avait également tiré la sonnette d’alarme, parlant même de priorité.
- En 2015, sur les 42 aliments achetés en France, 60% des produits testés étaient contaminés par les substances les plus dangereuses, les MOAH : chocolat en poudre, riz, couscous, lentilles, etc. Suite à la campagne menée par foodwatch, six grands distributeurs en France s’étaient engagés à cesser cette contamination.
La dangerosité des MOAH est telle que l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, estime (2012) que toute exposition à travers l’alimentation présente un risque. L’agence le souligne : aucun taux d’exposition ne peut être considéré comme « sûr ».
C'est quoi le danger des huiles minérales dans notre alimentation ?
Huiles minérales, MOSH, MOAH… de quoi s’agit-il ? En quoi ces dérivés du pétrole sont dangereux pour notre santé ? Que font les entreprises et les pouvoirs publics contre ce fléau ? Un topo de foodwatch pour mieux comprendre cette contamination.
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