Pizzas Buitoni et Kinder contaminés : un an après les scandales, ce qui a changé (ou pas)
Un an après les scandales sanitaires des pizzas Fraîch’Up Buitoni contaminées à la bactérie E.Coli et des Kinder à la salmonelle qui ont fait des centaines de malades – énormément d’enfants -, il y a du nouveau mais pas là où on l’attendait. Avec avril, les promotions sur les œufs Kinder pour Pâques se multiplient et l’usine Buitoni de Caudry vient de fermer définitivement. Aussi choquantes soient-elles, ces affaires n’ont pas nui aux chiffres d’affaires des deux géants de l’agroalimentaire, Nestlé et Ferrero, qui affichent même des augmentations insolentes. Et pour les victimes ? foodwatch a porté plainte aux côtés de plusieurs d’entre elles et ne lâchera rien jusqu’au procès. Il faudra que ces multinationales rendent des comptes.
Un an après les scandales Buitoni et Kinder, foodwatch se doit de répéter une fois de plus l’évidence : on ne peut pas faire confiance à ces deux multinationales, Nestlé et Ferrero, qui ont attendu que les autorités les informent d’un grave problème sanitaire sur leurs chaînes de production pour enfin rappeler leurs produits contaminés. Pire : les deux marques ont ensuite minimisé les faits et manqué à leurs obligations. Si ces multinationales suivaient la loi, l’alerte aurait dû partir des fabricants. Cela aurait permis d’éviter des malades, avec souvent l’hospitalisation d’enfants dont certains garderont des séquelles. Ces drames n’auraient jamais dû survenir.
C’est la raison pour laquelle foodwatch a porté plainte au pénal aux côtés de familles de victimes, en pointant du doigt sept infractions graves, dont la mise sur le marché de produits préjudiciables à la santé, la tromperie aggravée, la mise en danger de la vie d’autrui.
Ferrero : un chiffre d’affaires insolent malgré le scandale
Le scandale des Kinder contaminés à la salmonelle n’a, semble-t-il, pas mis Ferrero en danger financièrement. L’usine belge d’Arlon avait été fermée le 8 avril 2022 par les autorités « après investigations ». Plus de 300 victimes étaient alors recensées en Europe. La production avait repris en juin. Aujourd’hui, la multinationale se porte très bien : les rayons des supermarchés sont à nouveau envahis d’œufs de Pâques Ferrero de toutes tailles et de toutes les couleurs.
Ferrero International S.A., société mère du Groupe Ferrero, est fière d’annoncer pour l'exercice clos le 31 août 2022 « un chiffre d'affaires consolidé de 14 milliards d'euros, soit une augmentation de +10,4% par rapport au chiffre d'affaires de 12,7 milliards d'euros de l'année précédente ». Pourtant, Ferrero considère que « l'exercice 2021/2022 a été marqué par un environnement économique et géopolitique difficile ». Ce qui n’a pas empêché la croissance des ventes de ses marques iconiques telles que Nutella®, Ferrero Rocher®, Kinder Bueno®. Les Kinder à la salmonelle ont été commercialisés dans plus de 120 pays dans le monde.
Les promotions Kinder en rayons sont-elles là pour faire oublier le scandale ? Chez foodwatch, on n’oublie pas !
L’usine Buitoni à Caudry, c’est fini
Le 30 mars 2023, quasiment un an après le scandale, Nestlé a annoncé la fermeture définitive de l’usine de Caudry en France qui produisait les pizzas Fraîch’Up Buitoni et d’où sont sortis les produits contaminés à la bactérie Escherichia coli O26.
On peut regretter que, outre les consommateurs et consommatrices des pizzas Buitoni contaminées à l’E.Coli, plus d’une centaine de salarié·es doive aussi payer les conséquences de la mauvaise évaluation des risques par Nestlé. Car prévenir les autorités dès le moindre risque pour la sécurité sanitaire - et donc la santé des personnes qui les consomment - est une obligation. Ce n’est pas ce qu’il s’est passé dans l’usine Buitoni de Caudry.
Dans son rapport ‘Creating Shared Value and Sustainability Report’ qui revient sur l’année 2022, Nestlé évoque la tragique épidémie de syndrome hémolytique et urémique (SHU) en France (une complication liée aux infections à E.coli) en continuant de parler d’un « éventuel » lien avec les pizzas Fraîch’Up. Eventuel ? La direction de Buitoni a toujours nié avoir eu la moindre alerte sanitaire dans l’usine de Caudry. Un an après, alors qu’elle met la clé sous la porte, elle semble s’accrocher au déni, quoiqu’il en coûte. Chez foodwatch, le discours de Nestlé ne nous convainc pas, car les faits racontent une toute autre histoire.
Dès février 2022, les autorités sanitaires en France avaient été alertées par la recrudescence de cas d'insuffisance rénale chez des enfants (d’âge médian 5 ans et demi), liés à une contamination par Escherichia coli. Ce sont les autorités qui ont dû investiguer en se basant sur les souches bactériologiques des malades. Elles ont alors effectué un prélèvement de pâte à pizza dans l’usine de Caudry. Les résultats du laboratoire public étaient formels : présence de E. coli « hautement pathogène ». Les pizzas Fraîch’Up ne seront rappelées qu’à partir du 18 mars 2022. Entretemps, deux enfants sont décédés et une cinquantaine d’autres sont touchés. Le Préfet des Hauts-de-France fait fermer l’usine en soulignant la « menace pour la santé publique » dans son arrêté du 1er avril 2022. Depuis lors, la production de pizzas à Caudry avait repris, mais pas celle de la gamme Fraîch’Up, à base de pâte crue.
D’après le journal Le Monde , « pour justifier la suspension d’activité, début mars 2023, Nestlé reportait la charge sur la grande distribution, affirmant qu’elle n’avait pas commandé autant de pizzas que prévu ». Faut-il vraiment blâmer les supermarchés ?
Scandales sanitaires : il faut un électrochoc politique
Au niveau politique, les leçons de ces deux récents scandales ne semblent pas avoir été tirées. Depuis plusieurs années, foodwatch dénonce le système défaillant qui favorise ces scandales alimentaires pourtant évitables : de la réaction au lieu de la prévention et des rappels quand il est déjà trop tard, le problème posé par des autocontrôles inefficients, des sanctions trop rares ou peu dissuasives et le manque cruel de moyens publics à la hauteur de l’enjeu.
Au-delà de l’irresponsabilité des dirigeants de Ferrero et Nestlé, a-t-on appris de ces scandales ? C'est une obligation de l'État de protéger les consommateurs et consommatrices et là, le compte n'y est pas. Tant que l’on fera confiance aux autocontrôles réalisés par les entreprises et que l’on ne fera pas de la sécurité sanitaire une priorité avec des moyens à la hauteur de l’enjeu, ce type de drame risquera de se reproduire.
A chaque nouveau scandale, nous découvrons en effet les informations au compte-goutte. Nous réalisons alors que non seulement nous avons souvent déjà consommé ces produits, mais aussi que les autorités et les entreprises concernées savaient ou auraient dû savoir. Signez la pétition : Stop aux scandales alimentaires : plus de contrôles, de transparence et de sanctions !
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