Bœuf aux hormones du Brésil : en avons-nous mangé sans le savoir ?
L'œstradiol 17β, utilisée dans les élevages bovins brésiliens, est une hormone totalement interdite dans les élevages et les importations en Europe car elle est cancérigène. Pourtant, le hic, c’est que sur les 41 000 tonnes de viande de bœuf brésilien importée en Europe, on ne sait absolument pas aujourd’hui quelle part a subi ce traitement et est donc entrée frauduleusement sur nos marchés. Un audit de la Commission européenne révèle que les autorités brésiliennes sont en effet dans l’incapacité de garantir la traçabilité de l’utilisation de cette hormone dans les élevages. Depuis combien de temps cette viande est-elle consommée sur le continent européen ? Où : restaurants, plats préparés, cantines ? Un nouveau scandale qui survient alors que l’Union européenne tente un passage en force pour finaliser l’accord de libre-échange avec le Mercosur, une alliance de pays d’Amérique latine. Pour foodwatch, c’est décidément non.
En Europe, les règles sanitaires et de production de nos aliments sont parmi les plus strictes du monde. L’une d’elles concerne l’interdiction d’utiliser l’hormone stimulatrice de croissance sur le bétail femelle, l'œstradiol 17β. L’UE l’a interdite, tant sur son sol que dans ses importations, pour protéger notre santé car cette hormone est cancérigène : elle provoque l'apparition de tumeurs et en favorise le développement. Mais elle est utilisée au Brésil qui exporte ses produits vers le continent européen - et est censé en exclure toute viande traitée avec l'œstradiol 17β.
La Commission européenne rappelle le Brésil à l’ordre
La Commission européenne vient de publier un rapport à la suite de son audit au Brésil en mai et juin 2024. Le Brésil a exporté 41 000 tonnes de bœuf vers l’Europe l’année dernière et avait déjà fait l’objet d’avertissements de la part des autorités européennes lors d’un précédent audit en 2018.
Cette fois-ci, le constat est sans appel puisque le rapport d’audit écrit noir sur blanc : « L'autorité compétente ne peut pas garantir la fiabilité des déclarations sous serment des opérateurs concernant la non-utilisation d'œstradiol 17β chez les bovins et le ministère [brésilien] de l'agriculture, de l'élevage et de l'approvisionnement (MAPA) n'est pas en mesure d'attester de manière fiable que l'opérateur respecte la section correspondante du modèle de certificat sanitaire de l'UE pour les exportations de viande bovine vers l'UE, mettant en doute la fiabilité des déclarations sous serment des opérateurs ». Selon le rapport européen : « Vingt-trois médicaments vétérinaires contenant de l'œstradiol 17β sont autorisés au Brésil à des fins zootechniques. Aucune de leurs étiquettes n'indique que le produit ne doit pas être utilisé pour les bovins dont la viande est destinée au marché de l'UE ».
Autrement dit, les autorités brésiliennes ne sont pas en capacité de garantir qu’elles n’exportent pas vers l’Europe du bœuf aux hormones totalement illégal chez nous. Pour la Commission européenne, c’est grave. L’exportation de viande bovine femelle par le Brésil vers l’Union européenne a donc été suspendue depuis octobre. Le pays se donne 12 mois pour régler ce problème.
Un nouveau scandale et toujours, un manque de transparence
On a donc potentiellement consommé de la viande brésilienne de bœuf aux hormones entrée frauduleusement en Europe depuis des années. Mais où et depuis combien de temps cette viande illégale a-t-elle été commercialisée en Europe ?
L’équipe de foodwatch a demandé aux autorités françaises des détails en écrivant à la DGAL, la direction générale de l’alimentation rattachée au ministère de l’agriculture : quels contrôles ont été effectués ces dernières années pour vérifier que nous n’importions pas de viande bovine ayant reçu l’hormone de croissance œstradiol 17β, reconnue dangereuse pour la santé ? Où la viande bovine importée ces dernières années a-t-elle été commercialisée, dans quels produits ou restaurants a-t-elle été utilisée ?
Pourquoi il faut dire NON à l’accord de commerce avec le Mercosur : le scandale de trop
Ce nouveau scandale de fraudes alimentaires survient au moment où la Commission européenne tente de faire passer en force l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay) malgré toutes les controverses.
Parmi les nombreux risques de cet accord, sociaux et environnementaux, l’accroissement des quotas d’importation de produits agricoles, à tarif douanier réduit, posait déjà problème. Pour la viande bovine, c’est un volume important de 99 000 tonnes qui serait autorisé à entrer dans l’UE depuis les pays du Mercosur.
Or, au-delà même des questions sanitaires, les agriculteurs et agricultrices en France et dans l’UE dénoncent à juste titre une mise en concurrence déloyale, car les normes de production ne sont pas les mêmes entre l’UE et ces pays. En effet si les importations de viande traitée aux hormones de croissance sont totalement illégales - comme vu plus haut, et il n’a jamais été question que l’accord UE-Mercosur change cette règle-, il est en revanche autorisé d’importer de ces pays de la viande issue d’élevages où ont encore lieu des pratiques interdites dans l’UE, comme des traitements avec des antibiotiques activateurs de croissance ou l’utilisation de certaines farines animales.
Autant de raisons de ne surtout pas adopter l’accord de commerce UE-Mercosur.
Aux côtés de nombreuses autres associations, foodwatch est mobilisée et a cosigné cette lettre ouverte adressée au président Emmanuel Macron et au premier ministre Michel Bernier pour leur demander de faire pression au niveau européen pour l’abandon de l’accord UE-Mercosur.
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