Actualités 24.05.2023

UE-Mercosur : des négociations en secret pour finaliser l’accord coûte que coûte

Chaque jour, la menace se fait plus pressante : la Commission européenne et plusieurs Etats européens veulent ressusciter ce qui serait l'un des plus vastes accords de commerce au monde, l'accord entre l'UE et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). Au prétexte de la guerre en Ukraine et de la nouvelle situation géopolitique, ils souhaitent finaliser en 2023 cet accord qui présente pourtant de lourdes menaces sur nos assiettes, les droits humains et l’environnement, avec le risque d’importations encore plus massives de produits agricoles qui ne respectent pas les mêmes normes sanitaires qu’en Europe. Décryptage et action.

Accord UE-Mercosur : retour sur des négociations totalement opaques

Le contenu de l’accord EU-Mercosur a été présenté comme « finalisé » en juin 2019, après 20 ans de négociations menées dans la plus grande opacité. Mais depuis, ce projet d’accord n’a finalement pas été ratifié : il a été mis en suspens, en raison de la situation politique au Brésil et de la forte mobilisation de la société civile dénonçant ses conséquences sur les droits humains, l’alimentation, la santé et l’environnement.

Depuis des années, foodwatch analyse, démontre et dénonce les dangers des accords de commerce négociés à tour de bras par la Commission européenne au nom des Etats européens. Fin 2019, Karine Jacquemart, directrice générale de foodwatch France, exposait déjà les dangers de l’accord de commerce UE-Mercosur au Parlement européen, entre déni de démocratie et incompatibilité avec la stratégie soi-disant plus « verte » de l’Europe :

Emmanuel Macron s’était pourtant engagé  en 2020 devant les citoyen·nes de la Convention citoyenne pour le Climat à « stopper net » les négociations de l’accord UE-Mercosur. Pourtant, à l’échelle européenne, l’objectif est en réalité bel et bien de conclure cet accord le plus vite possible. La preuve : la Suède et l'Espagne, qui ont successivement la charge de la présidence de l'Union européenne en 2023, en ont aussi fait une priorité. 

Afin de rappeler les alternatives à ces accords de commerce délétères, foodwatch a cosigné l’Appel "Pour une alternative à l’accord de libéralisation du commerce UE-Mercosur"  aux côtés de 170 organisations de la société civile des deux côtés de l'Atlantique.

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Un protocole additionnel… qui ne change rien aux conséquences de l’accord

Face à la farouche opposition citoyenne que rencontrent ces accords de commerce, la Commission européenne a récemment tenté une pirouette afin de faire bonne figure, sans modifier le texte de l’accord de 2019 et sans rouvrir les négociations. Autrement dit, d’appliquer un pansement sur une jambe de bois.

Et quel pansement : elle propose de joindre au contenu actuel de l'accord une « déclaration conjointe annexée » ou un « protocole additionnel », qui couvrirait notamment des enjeux tels que la lutte contre la déforestation et contre le réchauffement climatique. Problème : là encore, ces discussions se font dans la plus totale opacité – il a fallu une fuite de ce document pour que la société civile le découvre – et surtout, il ne change quasiment rien aux dangers des conséquences de cet accord UE-Mercosur, encore moins sur les volets agriculture et alimentation. 

D’après une première analyse  de ce document par le collectif Stop CETA-MERCOSUR  dont foodwatch est membre :  

« Cet instrument conjoint comporte un point aveugle : alors que l’accord UE-Mercosur soulève de nombreuses objections sur son volet agricole, tant sur le plan des augmentations prévues de quotas d’importation vers l’Europe que sur celui de l’exportation vers le Mercosur de produits phytosanitaires interdits en Europe, ou, plus généralement, sur les modèles agricoles eux-mêmes, cet instrument conjoint ne comporte aucune disposition nouvelle sur les enjeux agricoles » 

Il est encore possible de bloquer l’accord UE-Mercosur !

Une fois encore, l’absence totale de transparence dans les négociations qui entourent l’accord UE-Mercosur ont pour objectif de l’entériner au plus vite. Deux dates importantes approchent et nécessitent notre mobilisation pour montrer aux instances politiques européennes que nous les avons à l’œil :

  • Le 25 mai, les ministres des Etats européens participent au Conseil des Affaires étrangères de la Commission européenne. Au programme : des échanges sur le commerce et les négociations commerciales que la Commission européenne mène actuellement au nom des 27 membres de l'UE, c’est-à-dire l’accord UE-Mercosur, mais aussi les accords avec le Mexique et le Chili, ou encore avec la Nouvelle-Zélande, l'Australie, l'Inde, l'Indonésie ou la Thaïlande. 
  • Les 17 et 18 juillet aura lieu le Sommet UE-CELAC (Communauté d'États latino-américains et caraïbes), au cours duquel la Commission européenne souhaiterait pouvoir annoncer des progrès, si ce n'est la finalisation des négociations.

 

Ensemble, exigeons une politique commerciale qui respecte les droits des citoyen·nes, leur alimentation, leur santé et la planète. Rejoignez le mouvement pour stopper ces accords : signez et partagez la pétition autour de vous !

Les règles de protection sociale et environnementale dans le collimateur

Les accords de commerce comme l’UE-MERCOSUR ou le CETA ne se contentent pas de réduire les droits de douane pour stimuler les échanges commerciaux. Ils veulent aller beaucoup plus loin et s’attaquer à tout ce qu’ils considèrent comme des « obstacles au commerce » , ce qui inclut les normes sociales et environnementales, qui se retrouvent donc dans le collimateur.

Ils donnent plus de pouvoir aux multinationales et visent à limiter au maximum les règles vues comme contraignantes, comme les réglementations concernant les pesticides et les OGM. Quand on réalise que le Canada comme le Brésil utilisent encore certaines farines animales et des antibiotiques comme activateurs de croissance dans leurs élevages, alors que c’est interdit en Europe, et que ces deux pays ont aussi recours à des dizaines de molécules de pesticides proscrites en Europe, on comprend mieux que les intérêts que défendent les Etats dans le cadre de ces accords sont ceux des industries et de leurs lobbies… Mais pour foodwatch, pas question de sacrifier notre santé, nos droits et la planète pour augmenter les profits de quelques-uns !

Accord UE-Mercosur : priorité aux profits des multinationales

L’accord UE-Mercosur vise principalement à importer plus de viande et de produits agricoles des pays du Mercosur pour y exporter plus de voitures, de machines-outils et de produits chimiques, dont des pesticides. Et cela n’est pas sans conséquence… Avec les quotas de viande de bœuf, de volaille, de sucre et de soja acceptés par l'Union européenne dans cet accord, on voit bien qu’il s’agit d’augmenter les importations européennes de produits agroalimentaires en provenance des pays du Mercosur.

Et une fois de plus, c’est l’agriculture et l'environnement qui paient le prix fort : l’expansion des élevages intensifs aggraverait notamment la déforestation, l’impact sur le climat et la contamination des nappes phréatiques. Les droits humains sont aussi menacés par ces accords : les violations des normes internationales du travail, qui sont répandues dans les plantations de canne à sucre et de soja et largement documentées, pourraient s’accentuer avec cet accord.

Un accord qui déroule le tapis rouge aux pesticides

Dans la même veine, ces accords de commerce déroulent le tapis rouge aux pesticides boomerang, ces pesticides interdits en Europe mais toujours produits sur notre continent, qui sont ensuite vendus à l’étranger. Si l’on parle de « boomerang », c’est parce que les résidus de ces pesticides, non contents de polluer en dehors de l’Europe, reviennent ensuite dans nos assiettes, via les importations de fruits et légumes par exemple. 

Dernier exemple en date : une étude de Greenpeace  sur les citrons verts importés du Brésil publiée en avril 2023, menée dans 8 pays en Europe dont la France, vient une nouvelle fois de montrer que des substances toxiques, dont certaines ne sont pas autorisées dans l’UE, sont exportées vers le Brésil et renvoyées en Europe sous forme de résidus dans les denrées alimentaires.

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