Actualités 28.07.2024

Eaux en bouteille traitées illégalement : le système de contrôle français mis en cause par la Commission européenne

Confrontée au silence du gouvernement français, pourtant informé de pratiques frauduleuses sur de grandes marques d’eaux en bouteille, foodwatch s’est tournée vers la Commission européenne dès mi-février afin qu’elle vérifie comment les autorités ont traité cette affaire. Des eaux Perrier, Vittel, Contrex, Cristaline, etc. ont en effet subi des traitements illégaux sans que les consommatrices et consommateurs n’en soient jamais informé·es. Opacité, impunité, insuffisance ou inefficacité des contrôles officiels : les conclusions du rapport européen publié ce 24 juillet sont encore pires que ce que l’on soupçonnait.

Dès mars, les auditeurs européens spécialisés ont enquêté au sein des autorités compétentes pour les eaux minérales et eaux de source et ont visité des entreprises en France. Leur rapport publié ce 24 juillet par la Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne (DG SANTE) critique sévèrement les autorités françaises en épinglant de « sérieuses lacunes ». foodwatch demande un électrochoc pour protéger les consommateur·rices contre la fraude alimentaire. 

« Le système de contrôle officiel en place en France n'est ni conçu pour détecter ni pour atténuer la fraude dans le secteur des eaux minérales naturelles et des eaux de source. Il n'est pas non plus correctement appliqué, ce qui rend possible la présence sur le marché de produits non conformes et potentiellement frauduleux ». 
Rapport d’audit de la Commission européenne 24 juillet 2024

Bouteilles d’eau : la fraude dure depuis des décennies

Ce sont les révélations du journal Le Monde et de France Info qui ont mis le feu aux poudres fin janvier. En février, foodwatch a porté plainte contre le groupe Sources Alma (Cristaline, Chateldon, etc.), Nestlé Waters (Perrier, Vittel, Contrex, etc.) et aussi pour faire toute la lumière sur la responsabilité de nos autorités. Récemment, Mediapart nous révélait que ce manège qui consiste à traiter de l’eau avant de la mettre en bouteille pour la débarrasser de contaminants gênants voire dangereux, eh bien, durait depuis des décennies.  

Dans son rapport, la Commission européenne confirme que la fraude dure depuis des décennies sans que les consommateur·rices en soient informé·es :  

« Des enquêtes ont été menées auprès des opérateurs qui avaient utilisé des traitements frauduleux, et certains d'entre eux font l'objet de poursuites judiciaires. Toutefois, les autorités compétentes n'ont pas pris d'autres mesures d'exécution (information des consommateurs, retrait du produit incorrectement étiqueté, etc.) à l'encontre de l'opérateur qui a commercialisé illégalement et pendant des décennies des eaux en tant qu'eaux naturelles, alors qu'elles ne remplissaient plus les conditions légales requises pour être commercialisées en tant que telles ».   

Eaux filtrées illégalement : entreprises et autorités françaises ont choisi de ne rien dire, à personne

D’après la directive européenne sur l’eau 2009/54/CE – comprenez  : LE texte de référence qui liste clairement ce qu’il est permis et interdire de faire avec nos eaux en bouteille – il ne fait aucun doute que dès qu’un souci de contamination de l’eau survient, il faut immédiatement interrompre la production, la mise en bouteilles et bien sûr ne surtout pas mettre ces produits sur le marché. Il fallait les rappeler, informer les autorités sans tarder mais aussi les consommateur·rices.  

Le rapport d’audit européen confirme ce que nous pointons du doigt depuis le début : les entreprises – Nestlé Waters et Sources Alma – mais aussi les autorités compétentes françaises ont fait le choix de ne surtout rien dire aux consommateur·rices. Ce qui a permis aux industriels d’écouler des milliards de bouteilles d’eau non conformes en France, en Europe, dans le monde... sans jamais être inquiétés.  

Pire, nos autorités de contrôle, qui savaient, n’ont pas non plus notifié l’Europe et les autres Etats membres de l’Union européenne, comme l’exige la coopération entre pays. Après les révélations dans la presse en début d’année, un pays où sont commercialisées les bouteilles frauduleuses a sollicité les autorités françaises pour obtenir des explications. Mais les autorités françaises n’ont même pas pris la peine de répondre dans le délai imparti.

Santé : un doute sur le risque sanitaire subsiste même après le traitement des eaux

« Le système de contrôle officiel n'est pas adapté à l'identification et à la correction des risques potentiels pour la santé », indique toujours le rapport européen.  

On sait, depuis les informations du Monde et de France Info publiées en avril dernier, que des contaminations ont été détectées – fécales ou bactérie Escherichia coli « dans des concentrations parfois élevées », pesticides, PFAS, micropolluants – sur des eaux qui ont été filtrées illégalement. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) en aurait même informé le gouvernement en soulignant un « niveau de confiance insuffisant » pour « garantir la qualité sanitaire des produits finis ».  

A la lecture du rapport européen, l’on n’est pas vraiment rassuré·es car on comprend que la plupart des analyses de l’eau par les autorités publiques sont réalisées après la mise en bouteille et donc après les traitements interdits : « Les inspections de sites ne sont pas basées sur les risques et ne sont pas effectuées régulièrement. Lorsqu'elles ont lieu, elles se limitent généralement à des discussions périodiques avec les opérateurs plutôt qu'à des vérifications ciblées de l'état réel du site et des opérations, ce qui limite la portée et l'efficacité des contrôles officiels ». Comment ça, des discussions ?  

Et maintenant, que faire face à cette fraude massive ?

D’après nos informations, au-delà des manquements des autorités françaises, on peut penser que la fraude a cours dans d’autres pays européens également. 

L’Union européenne a mis en place des règles visant à assurer un niveau élevé de protection de la santé et des intérêts des consommateur·rices, à nous protéger contre toute tromperie. Mais dans la pratique, il est compliqué d’avoir confiance quand les autorités nationales de contrôle ne semblent pas respecter la réglementation européenne ni être en mesure de la faire respecter par des multinationales qui trichent. 

foodwatch a porté plainte au pénal dans cette affaire : nous avons listé pas moins de neuf infractions graves. Soutenez-nous en donnant de la visibilité à nos informations, repartagez-les et interpellez Nestlé Waters et Sources Alma qui se croient au-dessus des lois.  

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