Cristaline, Perrier, Vittel, Contrex… : foodwatch porte plainte contre la fraude massive sur l’eau minérale
L’eau minérale mise en bouteille en France n’est pas aussi pure qu’on le croyait. Le 30 janvier 2024, la Cellule d’investigation de Radio France et le journal Le Monde ont mis le feu aux poudres en révélant une fraude massive : un tiers des eaux minérales pompées en France aurait subi des traitements interdits sans que nous en ayons été informé·es. Les marques des groupes Nestlé Waters et Sources Alma seraient concernées : Cristaline, la plus vendue en France, mais aussi Perrier, Vittel, Hépar et Contrex. foodwatch porte plainte auprès du Tribunal judicaire de Paris pour 9 infractions. Personne n’est au-dessus des lois : ni les entreprises qui ont triché, ni l’Etat qui savait mais n’a rien dit aux consommateurs, consommatrices ou aux autorités européennes.
Des traitements illégaux des eaux minérales par Nestlé Waters et Sources Alma
Recourir à des systèmes de traitement de l’eau tels que des filtres à charbon ou des filtres UV, remplir les bouteilles avec de l’eau du robinet, dissimuler ces procédés aux yeux des personnes en charge des contrôles, commercialiser des produits non conformes : autant de pratiques interdites au regard de la loi. Si les entreprises ne semblent pas avoir exposé les consommateurs et consommatrices à un risque pour la santé, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’une fraude massive, similaire à celle de la viande de cheval il y a plus de dix ans.
La fraude est caractérisée puisqu’il y a clairement une infraction à la réglementation, tromperie des consommateurs, gain économique et intention de tromper : les entreprises ont dissimulé les procédés de filtration aux contrôleurs et se sont bien gardées de donner les informations aux consommateurs ou aux distributeurs. Personne, pas même une multinationale comme Nestlé, n’est au-dessus des lois. C’est la raison pour laquelle nous portons plainte aujourd’hui.Directrice de l'information foodwatch France
Fraude massive aux eaux filtrées : neuf infractions pénales
foodwatch vient de porter plainte au Tribunal judiciaire de Paris à l’encontre de Nestlé Waters et Sources Alma. Entre pratiques commerciales déloyales, non-conformité, défaut d’étiquetage et manquement au devoir d’information, foodwatch a relevé neuf infractions à la directive européenne sur les eaux minérales, au Code de la consommation et au Code de la santé publique.
1. Utilisation de produits et procédés de traitement qui modifient la composition de l'eau dans ses constituants essentiels : recourir à des systèmes de traitement de l’eau tels que des filtres à charbon ou des filtres UV notamment, remplir les bouteilles avec de l’eau du robinet, c’est tout simplement interdit ;
2. Information fausse et de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles du produit : les entreprises se sont bien gardées d’informer les consommateur·rices, les distributeurs, les autorités européennes... tout en continuant à commercialiser leurs produits ;
3. Tromperie quant aux qualités substantielles d’une marchandise : en dissimulant leurs pratiques illégales, les entreprises se sont adonnées à de la fraude, caractérisée notamment par l’intentionnalité et le fait que cette pratique illégale leur rapportait de l’argent ;
4. Non-conformité portant sur une qualité substantielle du produit : l’eau minérale naturelle devait présenter des problèmes microbiologiques – mais lesquels ? - pour que les entreprises décident de tricher et de recourir à une filtration pourtant interdite. Ce faisant, elles ont modifié la qualité substantielle – naturelle – des eaux minérales ;
5. Falsification de boissons destinées à être vendues : c’est une fraude massive ;
6. Absence de mention des traitements sur l’étiquetage de l’eau minérale ;
7. Modification de la composition analytique de l’eau minérale : « Lorsqu’il est constaté, en cours d’exploitation, que l’eau minérale naturelle est polluée et ne satisfait plus aux caractéristiques microbiologiques prévues à l’article 5, l’exploitant est tenu de suspendre sans délai toute exploitation, en particulier l’opération d’embouteillage, jusqu’à ce que la cause de la pollution soit supprimée ». Dès la première constatation de pollution de leurs sources, Nestlé Waters et le groupe Sources Alma auraient donc dû en interrompre sans délai l’exploitation et la commercialisation.
8. Absence d’information du ministre chargé de la Santé : Nestlé Waters aurait prévenu Bercy lors d’une réunion confidentielle qu’elle filtrait son eau. Ni Nestlé Waters ni Sources Alma n'auraient informé le ministre de la Santé – qui doit ensuite alerter la Commission européenne - des traitements de désinfection et de microfiltration auxquels elles se livraient. Le ministre de la Santé n’a été informé de ces agissements qu’à la suite de la dénonciation d’un salarié auprès de la DGCCRF ; les entreprises s'étant, notamment, attachées à dissimuler leurs pratiques illégales.
9. Absence d’information de la Commission européenne et des Etats membres par le gouvernement : la France n’a informé ni la Commission européenne ni les Etats membres de la non-conformité des produits commercialisés par Nestlé Waters et Sources Alma. Ainsi, aucune information à ce sujet n’est disponible sur le réseau d’alerte européen, Rapid Alert System for Food and Feed (RASFF), ni sur celui relatif aux fraudes, l’EU Agri-Food Fraud Network (FFN).
Directive sur les eaux minérales : foodwatch interpelle la Commission européenne
Le cadre règlementaire européen sur les eaux minérales est très strict. Les entreprises ne pouvaient ignorer cette directive et pourtant, elles ont fait le choix de tricher. Ce qui fait surgir une autre question : se sont-elles adonnées aux mêmes pratiques frauduleuses ailleurs en Europe ? foodwatch a donc interpellé par courrier la Commission européenne, car ces entreprises vendent aussi leurs eaux sur le marché intérieur européen.
Nous interrogeons également la Commissaire européenne à la santé et à la sécurité alimentaire, Stella Kyriakides, sur la responsabilité de l’Etat français dans cette affaire. En effet, d’après nos informations, le gouvernement était au courant de la fraude au moins depuis 2021, mais n’a pas jugé utile d’informer les citoyen·nes ou les autres États membres. Pourquoi cette opacité ? foodwatch demande à la Commission européenne de prendre des mesures pour garantir que de telles fraudes ne se reproduisent pas.
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Le scandale des eaux minérales filtrées illégalement nous rappelle celui de la viande de cheval dans les lasagnes, il y a une dizaine d’années. En tant que contre-pouvoir citoyen, il est de notre devoir d’agir pour que ces pratiques soient sanctionnées, c’est pourquoi nous portons plainte. Pas question de les laisser sans rien faire : c’est une fraude massive pour laquelle Nestlé Waters et le groupe Sources Alma, ainsi que l’État français, devront rendre des comptes.
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