Actualités 28.01.2025

Fraudes sur les eaux en bouteille, du nouveau : juge d’instruction, ministre épinglée et Commission d’enquête au Sénat

Un an après les premières révélations du Monde et de la Cellule investigation de Radio France, le scandale des eaux en bouteille filtrées illégalement n’en finit pas d’enfler. Un juge d’instruction vient enfin d’être désigné suite à la plainte de Foodwatch avec constitution de partie civile. Et deux articles de Mediapart révèlent de nouveaux éléments concernant la complaisance de l’Etat français dans le secret qui entoure cette fraude mondiale, ainsi que le lobbying décomplexé de Nestlé Waters pour enfreindre les réglementations sans en informer les consommateurs et consommatrices et sans être inquiétée. Ce 29 janvier, Foodwatch est auditionnée par la Commission d’enquête au Sénat dédiée à toute cette affaire. 

Rappelons que les groupes Nestlé Waters (Perrier, Vittel, Hépar et Contrex) et Sources Alma (St-Yorre, Vichy Célestins, Chateldon et Cristaline) ont eu recours pendant des années à des procédés de filtration illégaux de leurs eaux en bouteille, en catimini. Des milliards de bouteilles frauduleuses qui n’avaient plus rien d’une eau minérale naturelle ou de source ont été vendues en France, en Europe et dans le monde par ces entreprises qui se croient au-dessus des lois et ce, sans jamais informer les consommatrices et consommateurs, ni être inquiétées par les autorités. Une stratégie que l’on voit trop souvent de pas vu, pas pris contre laquelle Foodwatch s’érige pour casser ce climat d’impunité. Voici les nouvelles révélations et nouveaux rebondissements dans cette affaire.  

Plainte de Foodwatch au pénal et suite

C’est une bonne nouvelle : un juge d’instruction a donc été désigné à Paris, suite à la seconde plainte que Foodwatch a déposée en septembre, avec constitution de partie civile, dans l’affaire Nestlé Waters et l’affaire Sources Alma.  

Seconde plainte car il nous a fallu contre-attaquer après une tentative de mettre ce scandale sous le tapis avec une transaction financière : voir notre article “Fraudes massives aux eaux minérales : foodwatch contre-attaque - Non à l’argent de Nestlé : nous ne sommes pas à vendre”

Nous attendons désormais la prochaine étape : que l’information judiciaire soit effectivement lancée, c’est-à-dire l’enquête pour vérifier les infractions et établir les responsabilités pénales dans cette affaire, tant du côté des multinationales incriminées que du rôle des autorités publiques. Et il y a du boulot. Nous vous tiendrons bien sûr informé·es de la suite. 

Nestlé Waters : stratégie du silence et du lobbying actif

Tandis que Nestlé Waters continue de se terrer dans le silence et refuse de s’expliquer sur ce scandale des eaux minérales, enquêtes et journalistes d’investigation continuent à révéler des informations accablantes. Ainsi les derniers articles de Médiapart décrivent le lobbying de la multinationale auprès du Gouvernement et d’autorités publiques, de préfets, députés, etc. Les carnets de Nestlé consultés par Mediapart sont explicites sur la pression exercée de toutes parts afin que les décideurs préservent le business – à coup de pratiques illégales - de la multinationale.   

Pour foodwatch, qui a porté plainte dans cette affaire de fraude massive pour neuf infractions, l’opacité non seulement de Nestlé Waters et Sources Alma, mais aussi des autorités françaises dans cette affaire pose de multiples et graves questions. Depuis un an et sans doute des années, des produits qui ne respectent pas la réglementation sur les eaux continuent d’être commercialisés en France et dans le monde sans que les entreprises ne soient inquiétées. Et nous, consommateurs, sommes laissés dans le flou total
Ingrid Kragl Directrice de l'information foodwatch France

Les autorités publiques mouillées par ce scandale

Comme l’avaient révélé l’enquête du Monde et de Radio France, et comme l’a pointé du doigt Foodwatch, l’équipe de Nestlé a été reçue par le Gouvernement en 2021 pour tenter de justifier les filtrages illégaux de ses sources d’eaux qui n’avaient plus de minérales que le nom. Le nouvel article de Médiapart du 24 janvier 2025 revient sur l’épisode d’un rendez-vous confidentiel du 31 août 2021 entre Nestlé et l’équipe d’Agnès Pannier-Runacher (alors ministre de l’Industrie à Bercy, et aujourd’hui ministre de l’Ecologie) et la répression des fraudes (DGCCRF) et conclut que la ministre aurait accepté « de fermer les yeux sur les immenses conséquences de cette fraude ». Selon un précédent article de Médiapart du 21 janvier, un haut fonctionnaire de l’Etat aurait confié « Depuis le début de l’affaire, on a été mis au service de Nestlé » et « On a légalisé la fraude ». 

La question de la complaisance – voire de la complicité - de l’Etat, qui aurait agi davantage au service des intérêts économiques de la multinationale que de l’intérêt général, est donc au cœur de ce scandale de fraude massive. 

En effet, l’Etat et les autorités de contrôle sont tenus de protéger les consommateurs et consommatrices, leur droit à l’information, leur santé et de faire respecter la loi. Or Foodwatch a relevé plusieurs manquements, listés dans notre plainte avec constitution de partie civile.  Et comme Nestlé, l’Etat français n’a pas jugé utile d’informer ni les les citoyen·nes, ni la Commission européenne ni les autres Etats européens de cette fraude massive, allant à l’encontre des réglementations européennes et françaises. Foodwatch reviendra sur ces manquements lors de son audition par la Commission d’enquête du Sénat sur cette affaire des eaux en bouteille ce 29 janvier. 

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