Actualités 11.03.2025

Nutri-Score : La ministre de l’Agriculture bloque en faveur des lobbies

Sans aucun complexe, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a avoué tout haut ce qu’on soupçonnait tout bas depuis un an : si le nouveau Nutri-Score n’est toujours pas en place, c’est qu’elle freine volontairement sa signature. Pour justifier le blocage de cette mesure de santé publique, la ministre reprend les arguments des lobbies du lait et de la charcuterie, alors que le logo nutritionnel indépendant fait consensus parmi scientifiques, associations, institutions et consommateur·rices. Hors de question pour Foodwatch de rester sans rien faire : la ministre de l’Agriculture doit signer l’arrêté de révision du Nutri-Score dès maintenant, et nous avons besoin de votre mobilisation pour faire monter la pression !  

Ministère de l’Agriculture ou ministère des Lobbies ?

Au Sénat, ce jeudi 6 mars 2025, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a reconnu ce que l’on suspectait depuis un an : le nouveau Nutri-Score, censé être en place depuis janvier 2024, est bloqué à la signature sur son bureau. Son bureau, ou le bureau des lobbies ? 

Dans sa déclaration au Palais du Luxembourg, la ministre de l’Agriculture ignore complètement la science et la santé et déroule le tapis rouge aux arguments des lobbies laitiers et de la charcuterie, justifiant ainsi de bloquer le Nutri-Score, dont l’algorithme a été renforcé en 2022 et 2023 par un comité indépendant d’expert·es. En clair, la ministre, qui répondait à la question d’un sénateur sur le mauvais classement du roquefort (noté E), acte qu’ elle ne veut pas signer en l’état l’arrêté de mise à jour du Nutri-Score.  

Par cette déclaration, la ministre de l’Agriculture se fait la porte-voix des lobbies et bloque une mesure de santé publique attendue et prête depuis un an. C’est irresponsable. Le Nutri-Score n'est pas un outil de promotion des produits de lobbies du lait ou de la charcuterie. Le gouvernement français doit se ressaisir et suivre les recommandations scientifiques au lieu d’écouter les intérêts privés de l’industrie agroalimentaire.
Audrey Morice Chargée de campagnes foodwatch France

Dans sa prise de parole, la ministre reprend les arguments des lobbies, décrédibilise et critique le nouveau Nutri-Score en enchaînant imprécisions, confusions et même fake news

Faux pas n°1 : reprendre les arguments des lobbies

Elle s’appuie sur un argument fréquemment mis en avant par les lobbies depuis des années : un lien systématique (mais inexistant) entre la « qualité gastronomique ou patrimoniale » et « la qualité nutritionnelle » de certains aliments. Or, les sigles AOP ou IGP, gages de qualité et de régionalité d’un produit, n’ont rien à voir avec leur composition nutritionnelle. Si un produit, qu’il soit régional ou non, obtient un score orange ou rouge, cela signifie que sa teneur en mauvais gras, en sucre ou en sel est importante : le Nutri-Score ne vise pas à proscrire tel ou tel aliment mais simplement à indiquer qu’il est à consommer avec modération.  

Faux pas n°2 : décrédibiliser le Nutri-Score, la science et la santé publique

Pire, la ministre affiche sa déception à propos du Nouveau Nutri-Score. On le rappelle, celui-ci a été renforcé par des chercheur·ses européen·nes indépendant·es et validé par la gouvernance européenne des 7 pays qui ont adopté le Nutri-Score, dont la France représentée par le ministère de la Santé. Bref, elle fustige un outil de santé publique basé sur la science. Pourquoi ? Pour défendre les lobbies : « On voit bien que le Nutri-Score pose un certain nombre de problèmes à des filières qui sont d’une très grande qualité » clame-t-elle. Foodwatch avait déjà déconstruit ces discours en montrant que derrière ces filières de qualité se cachent en réalité des géants du lait comme Lactalis ou Danone prêts à tout pour protéger leurs produits laitiers ultra-transformés. 

Faux pas n° 3 : critiquer le calcul du Nutri-Score

Comme s’il était nécessaire de jeter davantage d’huile sur le feu, la Ministre affirme que « les choses se sont aggravées » avec la révision du Nutri-Score, critiquant la classification du lait comme une boisson et non plus comme un aliment. Cela nous rappelle un peu trop les arguments avancés par Danone à l’automne, qui, mécontent des changements apportés à l’algorithme du Nutri-Score, l’a abandonné sur certaines de ses marques.  

Que le nouveau Nutri-Score ne plaise visiblement pas à Lactalis, Savencia, Sodiaal et Danone n’a aucune importance : ce qui importe, c’est qu'il soit plus efficace pour aider les consommatrices et consommateurs à faire des choix plus sains dans les rayons alimentation. Mais ça visiblement, ça n’est pas prioritaire pour la ministre de l’Agriculture.
Audrey Morice Chargée de campagnes foodwatch France

Le texte qui entérine le nouvel algorithme du Nutri-Score est  prêt à être signé depuis plus d’un an. La Commission européenne a donné son feu vert à la France en avril 2024. Les autres pays européens ont déjà mis la version actualisée du logo en place. Bref, le retard ne semble pouvoir s’expliquer que par les pressions des lobbies, notamment des produits laitiers, mécontents des nouvelles notes attribuées à leurs produits.  

Pour Foodwatch, c’est inadmissible et avec votre aide, on compte bien faire bouger le gouvernement !  

Nouveau Nutri-Score : de quoi parle-t-on ?

Des chercheur·ses indépendant·es des sept pays ayant adopté le logo nutritionnel (France, Allemagne, Pays-Bas, Espagne, Belgique, Suisse, Luxembourg), regroupé·es dans un comité scientifique chargé d’évaluer l’efficacité et la cohérence du Nutri-Score, ont mis au point des changements pour mieux noter les produits dans les rayons.  

Ces changements auraient dû être effectifs en Europe dès le début de l’année 2024, date à partir de laquelle les industriels auraient eu deux ans pour adapter le Nutri-Score de leurs produits selon ce nouvel calcul. Seulement voilà, si les 6 autres pays ont joué le jeu, la France n’a toujours pas signé l’arrêté de révision permettant la mise en œuvre du Nutri-Score actualisé. 

Après la révision de l’algorithme du Nutri-Score pour les aliments en juillet 2022, ce comité scientifique a mis à jour l’algorithme des boissons en mars 2023. Ces changements étaient prévus dès la conception du Nutri-Score en 2017, afin de prendre en compte les progrès des connaissances scientifiques en matière d’alimentation, les évolutions des produits dans les supermarchés et l’utilisation réelle, par les consommateurs et consommatrices, du logo dans les rayons. Pour faire court, la présence de sucre, de sel et de gras est encore plus sanctionnée, ainsi que celle d’édulcorants. 

En savoir + sur le nouveau Nutri-score

Le retard du gouvernement, mauvais signal politique au niveau européen

Alors que le Nutri-Score a été conçu par une équipe de recherche française, et que le gouvernement l’a soutenu et porté à l’échelle européenne, son désengagement vis-à-vis du nouveau logo envoie un signal catastrophique au niveau européen, à l’heure où le Nutri-Score a plus que jamais besoin de soutien.  

Fin février, le Nutri-Score était aux abonnés absents du discours de politique générale du nouveau commissaire européen à l’Agriculture et à l’Alimentation. Quelques jours plus tard, la cellule investigation de Radio France révélait des documents obtenus par Foodwatch, prouvant la mise au placard du Nutri-Score par la Commission européenne, qui avait pourtant annoncé vouloir le rendre obligatoire dans les Etats membres en 2020. 

En savoir + sur les Nutri-Score papers

Pour Foodwatch, il est inacceptable qu'une mesure de santé publique, efficace et indépendante, soutenue par de nombreux scientifiques et institutions soit enterrée sous la pression des lobbies et d’une fronde politique orchestrée par l’Italie, sans que la Commission européenne n’ait de comptes à rendre.  

Alors que l'étiquetage nutritionnel obligatoire sur le devant des emballages est reconnu comme une mesure clé dans la lutte contre les maladies liées à l’alimentation, il est plus que temps que le gouvernement français cesse de traîner des pieds et prenne ses responsabilités.  

La France, pays où est né le Nutri-Score, ne peut pas continuer à entraver la bonne utilisation de ce logo et l’information nutritionnelle donnée aux consommatrices et consommateurs sur les emballages des aliments.  

La France doit au contraire jouer un rôle central pour maintenir la pression pour le rendre obligatoire dans toute l’Union européenne. Cela n’est pas parce que l’équipe actuelle de la Commission européenne cherche à mettre le Nutri-score sous le tapis que nous abandonnerons le combat pour autant !   

J’interpelle le gouvernement : le nouveau Nutri-Score doit entrer en vigueur

Nutri-score en Europe, pourquoi est-ce important qu'il devienne obligatoire?

Pour aider les consommateurs et consommatrices à faire des choix d’alimentation plus sains, foodwatch se bat pour rendre le Nutri-Score obligatoire en Europe. Pourquoi? Quels sont les enjeux ?

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