Ce mardi 2 février 2016, les députés français peuvent et doivent s’opposer fermement à un mécanisme d’arbitrage injuste : le règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE). La présentation à l’Assemblée d’un rapport sur l’arbitrage doit être l’occasion de dénoncer le pouvoir démesuré que donne ainsi le traité transatlantique aux multinationales, en leur offrant une justice parallèle hors de tout contrôle démocratique. Même dans sa version récemment « édulcorée » par la Commission, le RDIE reste tout aussi toxique que la version précédente. foodwatch et 32 autres organisations dénoncent ce déni de démocratie.
Le RDIE constitue une voie de recours privilégiée pour les investisseurs étrangers qui peuvent ainsi attaquer un État dès lors qu’ils s'estiment lésés, par exemple par l'adoption de nouvelles réglementations. Des entreprises peuvent poursuivre – ou brandir la menace d'une plainte – pour faire condamner des États au motif que des politiques publiques sanitaires, sociales, fiscales ou environnementales affecteraient leurs bénéfices, réels et/ou attendus. Les grandes entreprises ne se privent pas pour faire appel à ce mécanisme déjà présent dans plusieurs traités, souvent avec succès. L'entreprise suédoise Vattenfall a ainsi obtenu en 2011 un affaiblissement des normes environnementales en Allemagne, dans le cadre de la construction d’une centrale à charbon près de Hambourg.
Dans toute l’Europe, des centaines d’organisations de la société civile se mobilisent contre le traité transatlantique TAFTA, accord commercial négocié par l’Union européenne et les Etats-Unis. 97% des 150 000 réponses à la consultation organisée par la Commission elle-même sur le mécanisme d’arbitrage étaient défavorables au RDIE. Sous la pression de plus de trois millions de citoyens qui ont signé la pétition contre le TAFTA soutenue par de nombreuses ONG dont foodwatch, la Commission a bien été obligée de revoir sa copie. Mais manifestement, le message n’a pas été entendu.
Même dans sa version remaniée par la Commission européenne, et malgré quelques améliorations, le RDIE demeure inacceptable :
- Il reste un mécanisme parallèle aux systèmes de justice de l'Union européenne et des États membres, et constitue un privilège réservé aux investisseurs étrangers. Les PME en sont exclues de fait, car les montants nécessaires pour déposer une plainte sont exorbitants.
- Ce privilège accordé aux seuls investisseurs étrangers n'est toujours assorti d'aucun devoir. Les propositions de la Commission concernant le chapitre « Développement durable », qui traite des questions sociales et environnementales, ne sont nullement contraignantes et les voies de recours effectives pour les victimes tierces face aux entreprises multinationales demeurent trop souvent inexistantes.
- La menace de chantage tacite des investisseurs de réclamer des compensations perdure, menaçant le droit de réguler des États.
- La question des conflits d'intérêts n’est toujours pas résolue. L'instauration d'une liste d'arbitres ne modifie pas le fait que ces derniers ne travaillent qu'au contrat et ne répondent toujours à aucune magistrature publique indépendante capable d'assurer l'impartialité des décisions rendues.
Comme leurs collègues européens, les parlementaires français ont à plusieurs reprises exprimé par des résolutions leur rejet d’un mécanisme d’arbitrage aussi inutile que dangereux. Plus de 35 organisations les appellent aujourd’hui à rejeter ce « plan B » qui ne répond en rien à leurs inquiétudes. Elle ne peut être validée en l'état, et doit être définitivement exclue des négociations sur le TAFTA.