En pleine crise du Covid-19, les lobbies des pesticides mettent les bouchées doubles pour protéger leur business. C’est ce que révèlent des documents que notre équipe a pu se procurer.
La stratégie du choc
Ces courriers, datés de mi-mars et début avril, ont été envoyés par Bayer-Monsanto et le COPA-COGECA (lobby agricole) aux décideurs politiques européens. Leur objet ? Avoir le champ libre. En substance, leurs missives disent : c’est déjà assez compliqué comme ça de continuer à nourrir la population avec la crise, vous n’allez pas en plus nous mettre des bâtons dans les roues avec des mesures pour mieux protéger la santé des personnes et l’environnement ?
Concrètement, les lobbies demandent purement et simplement de geler toute idée de règlementation plus stricte, notamment sur les pesticides. Comme souvent, ils jouent la montre, en prétextant par exemple que plus d’études seraient nécessaires « avant de prendre toute décision politique ou réglementaire », particulièrement « lorsqu'il s'agit de fixer des objectifs tels que ceux visant à réduire l'utilisation de pesticides, d'engrais ou d'antibiotiques ».
Bayer-Monsanto va même jusqu’à prendre les pays d’Afrique et d’Amérique Latine comme boucliers et insiste sur le soit-disant risque que de nouvelles règles européennes sur les pesticides soient des « obstacles au commerce » qui « priveront ces pays d'opportunités de développement économique et de durabilité environnementale ».
Cette vision des choses conduit Bayer et d’autres à exporter dans ces pays des pesticides interdits en Europe, ce que nous avons dénoncé il y a quelques jours. Plus de 50 000 personnes ont déjà signé notre pétition pour leur demander de mettre fin à ces pratiques.
Le message des lobbies est clair, en plein chaos lié au Covid-19 : ce n’est pas le moment de faire obstacle à leur juteux business… qu’importe l’impact sanitaire, social et environnemental des pesticides et autres substances dangereuses que l’on retrouve dans nos assiettes !
Ce type de pratique est loin d’être nouveau. La journaliste d’investigation franco-canadienne Naomi Klein lui a donné le nom de stratégie du choc - ou comment profiter de périodes de chaos et de crises pour faire passer des intérêts privés lucratifs au détriment de l’intérêt général.
Ne rien lâcher !
Le choc de l’épidémie de Covid-19 nous incite pourtant à faire tout l’inverse : réinterroger nos sociétés, nos modes de production et de consommation. Cette volonté de changement est déjà tangible dans les messages que vous nous envoyez, et l'émergence de ce questionnement est prometteur. Il est l’occasion de remettre sur la table des sujets vitaux comme la sécurité alimentaire, l’impact de notre alimentation sur notre santé ou encore la santé environnementale.
L’urgence, ça n’est donc pas du tout le statu quo souhaité par les lobbies des pesticides. C’est tout le contraire ! Mais pour faire changer les choses, nous allons devoir plus que jamais devoir jouer à David contre Goliath.
Il est indispensable de montrer aux lobbies, qui défendent sans scrupules les intérêts privés, que des contre-pouvoirs indépendants comme le nôtre les observent et que l’on ne va pas les laisser faire impunément !
Vous pouvez compter sur nous pour ne rien lâcher. Nous savons que nous pouvons aussi compter sur vous, votre engagement, vos idées, votre soutien. Merci ! Ensemble, changeons les choses.
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