En France, nous ne sommes pas les plus mal lotis face au risque global de fraudes.
Pour autant, nous ne sommes franchement pas à l’abri ! Car si nos responsables s’attèlent à gérer au mieux les crises lorsqu’elles surviennent, les moyens alloués à la prévention et aux contrôles sont largement insuffisants. Une bonne raison pour les fraudeurs de poursuivre leurs activités : ça rapporte gros… et le risque de se faire prendre est minime !
Des moyens pas à la hauteur du problème
En France, la traque des fraudes alimentaires - et les contrôles sur les produits alimentaires en général - se répartit entre le ministère de l’Economie et des Finances avec la Répression des fraudes (DGCCRF) et le ministère de l’Agriculture et de l’alimentation avec la Direction générale de l’alimentation (DGAL) et la Brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP).
Pour s’attaquer fermement au problème des fraudes, il faut des moyens dignes de ce nom. Car le phénomène nécessite une surveillance accrue, une expertise et des ressources suffisantes pour contrôler, contenir, sévir et surtout prévenir. Sauf qu’on en est bien loin aujourd’hui !
Un simple exemple illustre parfaitement ce contexte : en 2013, le bureau départemental de la répression des fraudes de l’Aude (DDCSPP) – au cœur du scandale de la viande de cheval lié à l’usine Spanghero -, disposait d’un seul et unique contrôleur sur le secteur alimentaire.
Mais ce n’est pas du tout. En dix ans, la Répression des fraudes a perdu 416 postes, une coupe de quasiment 13% d’équivalents temps plein. Du côté de la Direction générale de l’alimentation en charge de l’inspection vétérinaire (abattoirs, etc.) et aussi phytosanitaire (pesticides), le nombre des inspections sur la sécurité sanitaire des aliments a diminué de 33% entre 2012 et 2019.
Les témoignages recueillis dans notre enquête « Manger du faux pour de vrai » vont dans ce sens : un manque flagrant de moyens et des unités en sous-effectifs, qui ne peuvent assurer la qualité de service attendu pour ce travail essentiel.
Plus de témoignages ?
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Etayée d’exemples hallucinants et de nombreux témoignages, cette enquête rédigée par Ingrid Kragl décrypte, preuves à l’appui, un phénomène savamment occulté. Elle remonte les filières, dresse le portrait des fraudeurs, explique pourquoi et comment des entreprises sortent des clous.
Qui peut décemment affirmer que la sécurité alimentaire est garantie dans ces conditions et que les fraudes sont arrêtées à temps ? Les mailles du filet sont trop grandes et les fraudeurs le savent.
De multiples alertes
En 2018, l’analyse de la Commission européenne sur le fonctionnement des contrôles menés par les autorités nationales faisait clairement ressortir que « les ressources en personnel affectées aux contrôles sont de plus en plus limitées et que toute nouvelle réduction des effectifs risque d’influer négativement sur les niveaux et la qualité des contrôles ainsi que sur la capacité à réagir aux situations d’urgence ».
En 2019, ce sont les sénateurs français, dans leur rapport d’information intitulé « La France, un champion agricole mondial : pour combien de temps encore ? », qui s’alarment que de nombreux aliments importés ne respectent pas les normes sanitaires minimales requises en France mais pénètrent pourtant nos placards. « La France importe sans doute 20 % de son alimentation. Or, sans doute un quart de ces importations ne respectent pas les normes sanitaires minimales requises en France. »
La Cour des comptes alerte également depuis des années. En 2014, puis à nouveau en 2019 : « Des insuffisances subsistent à toutes les étapes de la chaîne de contrôle de la sécurité sanitaire de l’alimentation, depuis les autocontrôles réalisés par les entreprises jusqu’à la publication des résultats des inspections ».
Un choix politique
En somme, les femmes et hommes de terrain font un travail remarquable mais ils sont largement en sous-effectifs au vu de l’ampleur du problème. La France est loin d’être le plus mauvais élève en Europe sur le sujet des contrôles et de la sécurité sanitaire des aliments. Pour autant, tous les voyants sont au rouge et alertent les responsables politiques sur la nécessité d’augmenter les moyens et d’investir dans les contrôles pour éviter les fraudes.
Car si c’est bien l’Europe qui définit les exigences en termes de législation alimentaire et de sécurité sanitaire des aliments, les Etats membres sont responsables des contrôles et décident chacun des moyens alloués.
Fraude alimentaire : que se cache-t-il derrière ce scandaleux tabou ?
Comment définir la fraude alimentaire ? Quelles sont ces escroqueries ? Qui sont les fraudeurs ? Comment lutter contre ? Gardez l’estomac bien accroché, foodwatch a mené l’enquête.
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