Actualités 17.09.2024

L’Europe interdit des arômes de fumée : un pas dans la bonne direction

Au printemps dernier, les États membres ont approuvé à la majorité les propositions de la Commission européenne visant à retirer du marché huit arômes de fumée fréquemment utilisés dans les aliments et les boissons. Entrée en vigueur le 1er juillet 2024, cette décision entérine l’interdiction définitive sur le marché de l'UE de ces huit arômes, après des périodes de transition de deux à cinq ans.  

Des arômes de fumée loin d’être inoffensifs

De fabrication synthétique, ou condensés de fumée réelle, ces arômes permettent d’ajouter aux aliments une saveur fumée sans recourir au processus de fumage. Ces substances présentent, pour la santé des consommateurs, des risques potentiels qui suscitent une inquiétude croissante des scientifiques et des agences de santé publique. foodwatch se félicite de l’interdiction de ces arômes.  

Les huit substances sont :

  • Scansmoke PB 1110 (SF-001) 
  • Zesti Smoke Code 10 (SF-002) 
  • Smoke Concentrate 809045 (SF-003) 
  • Scansmoke SEF 7525 (SF-004) 
  • SmokEz C-10 (SF005) 
  • SmokEz Enviro-23 (SF-006) 
  • proFagus-Smoke R709 (SF-008) 
  • Fumokomp Conc.(SF009) 

Dans la liste des ingrédients en France, elles doivent être indiquées comme “arôme de fumée” mais on peut trouver aussi le nom “fumée liquide”. 

Selon l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), six de ces huit arômes, actuellement utilisés pour fabriquer le poisson, la viande, les chips, le fromage et autres produits fumés, contiennent des substances susceptibles d'endommager l'ADN humain et de provoquer un cancer. Quant aux deux autres, l'EFSA ne peut exclure la possibilité qu'ils contiennent des composants mutagènes. 

Ces dernières années, l'EFSA a mené plusieurs études sur l’action des arômes de fumée, dont les conclusions suggèrent des effets nocifs, à commencer par des risques accrus de cancer et autres maladies chroniques. La présence d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) dans certains arômes, notamment, est inquiétante. Les HAP sont des cancérigènes connus, issus de la combustion incomplète de matières organiques. Ces HAP peuvent aussi apparaître à la surface, voire à l’intérieur, des aliments fumés par méthode traditionnelle. Aussi cette pratique est-elle également un motif de préoccupation pour foodwatch.  

L'EFSA et la Commission européenne ont pour une fois adopté une approche de précaution pour évaluer les arômes de fumée. En effet, si l'EFSA a identifié des problèmes de génotoxicité pour six substances, elle n'a pas pu exclure les risques présentés par les deux autres, que la Commission européenne a donc proposé d'interdire. Pour rappel, le principe de précaution est un principe directeur des traités de l'Union européenne et des règlements sur les produits alimentaires. Il prévoit qu'en cas d'incertitude scientifique sur les potentiels effets néfastes d'une substance, par exemple, les autorités peuvent prendre des mesures pour prévenir les risques. 

foodwatch souhaite que cette approche de précaution soit centrale dans les procédures actuelles d'autorisation des arômes et des additifs présents dans nos aliments.

Les consommateurs méritent la transparence 

Les fabricants bénéficieront d'une période de transition pour éliminer progressivement ces arômes de leurs produits. Celle-ci est fixée à cinq ans pour la viande, le poisson, le fromage et autres produits alimentaires pouvant être fumés par méthode traditionnelle (d'ici juillet 2029). Pour les autres aliments, tels que les chips, les fruits secs, les soupes ou les sauces, la période de transition sera de deux ans (d'ici juillet 2026). 

En attendant, il est impossible pour le consommateur de savoir quel arôme de fumée est utilisé dans un produit alimentaire, et ce même en scrutant attentivement la liste des ingrédients : seule la mention « arôme de fumée » apparaît sur l'étiquette. Pour foodwatch, cette situation inacceptable doit changer afin de garantir le droit de savoir du consommateur et lui permettre de choisir en toute connaissance de cause. 

Exemples de produits alimentaires qui contiennent un arôme de fumée :

  • Sauce barbecue Heinz  
  • Pizza Ristorante Speciale Dr. Oetker  
  • Mélanges d’épices fajitas Old El Paso  
  • LE burger MAxi Cheese de Charal  
  • Les cordons bleus de Poulet de Monoprix  
  • La box poulet-Bacon de Sodebo  

Nota : ces quelques exemples ne constituent pas une liste exhaustive. Nous avons identifié ces produits sur open food facts, les producteurs peuvent avoir déjà effectué le travail de modification de recette. Seuls les industriels peuvent savoir exactement quel arôme de fumée est utilisé dans ce produit.  

foodwatch se félicite de l'interdiction de ces arômes de fumée, dont l’utilisation généralisée met inutilement en danger la santé des consommateurs. L'approche de précaution des autorités européennes pour l'évaluation de ces additifs alimentaires est un pas vers une meilleure sécurité alimentaire. Et pourtant, il faut faire davantage pour protéger les consommateurs d’une exposition aux substances nocives présentes dans nos aliments. Cela implique une évaluation plus rapide et plus stricte des additifs alimentaires en général, et l’interdiction pure et simple des substances portant un risque cancérigène ou mutagène, quelle que soit leur provenance.
Camille Dorioz Directeur des campagnes foodwatch France

Pour tous les additifs alimentaires : un système plus strict et plus efficace s’impose

En Europe, 338 additifs sont actuellement autorisés – chacun doté d'un numéro E ; ils peuvent donc être ajoutés en toute légalité à tous les produits alimentaires. Une cinquantaine d'additifs sont admis dans les produits biologiques, dont les nitrites et nitrates dans la charcuterie, bien qu’ils restent controversés. Selon Foodwatch, 338 additifs, c'est trop. Cela est dû en partie au système actuel de (ré)autorisation, qui présente de nombreuses lacunes.  

Tout d'abord, les études réglementaires fournissant les données pour chaque additif. Ces études, qui proviennent souvent de l'industrie alimentaire elle-même, peuvent ignorer d’importants paramètres sanitaires et/ou laisser planer une incertitude quant au risque d'exposition pour le consommateur. Du fait du manque de ressources des autorités réglementaires (EFSA), le processus est souvent très long. En conséquence, les autorisations actuelles ne sont pas toujours fondées sur les données scientifiques les plus récentes et il peut s’écouler des années avant que de nouvelles découvertes mettant en évidence des conclusions inquiétantes ne déclenchent une nouvelle évaluation.  

Ensuite, les additifs étant actuellement évalués un par un, les études ne tiennent pas compte des risques liés à des combinaisons de substances dans les produits alimentaires (puisque nous ne sommes jamais exposés à un seul additif à la fois). En général, un produit alimentaire contient plusieurs additifs qui peuvent interférer entre eux. Or cet « effet cocktail » n'est pas pris en compte dans l'évaluation réglementaire. Ainsi, même si un additif est jugé sûr par l'EFSA, la toxicité qui apparaît lorsqu’il est combiné aux multiples types d'additifs que nous sommes amenés à consommer au long de la journée n’est pas évaluée. Prenons par exemple les plats préparés, les sauces, les biscuits et petits gâteaux, les sucreries, les boissons non alcoolisées... 

Enfin, il y a un problème d'étiquetage. En tant que consommateurs, nous sommes en droit de penser que chaque additif est désigné par son numéro « E ». C'est faux. La législation européenne permet aux entreprises d'indiquer soit le numéro E, soit le nom de l'additif. Ainsi l'additif E392 est-il généralement désigné sous le nom d'extrait de romarin, un nom trompeur qui évoque une origine naturelle, tout comme l'additif E150d, ou colorant caramel, souvent désigné sous le nom de sulfite d'ammonium caramel. En tant que consommateurs, nous avons le droit de savoir ce que nous mangeons sans être induits en erreur. Ce n'est pas le cas pour les additifs. 

Enfin, plusieurs additifs controversés font continuellement l’objet de nouvelles recherches scientifiques. Or en cas de conclusion inquiétante, l’interdiction n’est pas immédiate et le processus peut prendre des années. Par exemple : 

Notre dossier complet sur les additifs

Interdire, déclasser, mentionner

Il est grand temps d'assainir notre alimentation ! C'est pourquoi foodwatch demande l'interdiction de tous les additifs alimentaires inutiles, potentiellement dangereux ou trompeurs pour le consommateur. Les recherches sur les possibles effets cocktail ou cumulatifs des additifs étant insuffisantes, foodwatch préconise de réduire au minimum l’utilisation et l’autorisation de ces substances.  

Trois étapes sont nécessaires – mais pas forcément suffisantes – pour parvenir à une meilleure approche des additifs dans l'UE :  

  1. Interdire immédiatement les additifs les plus douteux en vertu du principe de précaution. 
  2. Réduire la quantité d'additifs autorisés afin de minimiser l'éventuel effet cocktail. 
  3. Veiller à ce que les additifs soient étiquetés de manière que les consommateurs puissent les identifier. Le numéro E, ainsi que le nom de la substance, doivent toujours figurer dans la liste des ingrédients. 

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