Pizzas Buitoni contaminées : Nestlé et l’usine de Caudry mises en examen, deux ans après la plainte de foodwatch
Deux ans après la plainte déposée par foodwatch en mai 2022 dans l’affaire des pizzas Buitoni Fraîch'Up contaminées à la bactérie E.coli, un juge d’instruction du tribunal de Paris vient de mettre en examen Nestlé France et la Société des Produits Alimentaires de Caudry (SPAC), filiale de Nestlé France. Nous avons pointé du doigt sept infractions graves, dont la mise sur le marché de produits préjudiciables à la santé, la tromperie aggravée, la mise en danger de la vie d’autrui. Cette mise en examen est une avancée importante que nous saluons. Décryptage.
Bien que le géant Nestlé ait toujours été dans le déni - le directeur industriel avait affirmé n’avoir jamais eu d’alertes sur l’usine de Caudry -, c’est bien son irresponsabilité dans la gestion du risque sanitaire qui a mené à l’intoxication de nombreuses personnes. En France, suite à la consommation de ces pizzas Buitoni, deux enfants sont décédés et une cinquantaine d’autres a été touchée par le syndrome hémolytique et urémique (SHU), qui est une complication liée aux infections à E.coli. De plus, ces pizzas ont été commercialisées dans une vingtaine de pays, en Europe mais aussi en Afrique ou au Qatar, où d’autres victimes ont pu être intoxiquées.
"Un juge d'instruction du tribunal judiciaire de Paris a confirmé la gravité d’infractions que nous avions relevées dans notre plainte déposée en mai 2022. Nous saluons cette mise en examen dans l’affaire des pizzas Buitoni contaminées. Des enfants et adultes ont été exposé·es par des sociétés du groupe Nestlé à un danger pour leur santé. Il faut maintenant que les responsables de ce scandale sanitaire soient renvoyé·es rapidement devant le tribunal correctionnel."Directrice de l'information foodwatch France
L’usine Buitoni de Caudry : « une menace pour la santé publique »
Lorsqu’un problème sur la chaîne de production survient avec un risque pour la santé, l’entreprise doit en informer immédiatement les autorités. Or, ce n’est pas du tout ce qu’il s’est passé dans l’usine de Caudry.
Un lanceur d’alerte avait partagé des photos montrant des conditions d’hygiène répugnantes au média indépendant MrMondialisation dès 2021. En février 2022, les autorités sanitaires en France avaient été alertées par la recrudescence de cas d'insuffisance rénale chez des enfants (d’âge médian 5 ans et demi), liés à une contamination par Escherichia coli. En recoupant les témoignages et en investiguant sur les souches bactériologiques des malades, ces mêmes autorités ont fini par effectuer un prélèvement de pâte à pizza dans l’usine de Caudry. Les résultats du laboratoire public étaient formels : présence de E. coli « hautement pathogène ».
En avril 2022, le Préfet des Hauts-de-France a fait fermer l’usine qui constituait une « menace pour la santé publique ». On ne peut être plus clair ! La production de pizzas à Caudry avait ensuite repris, mais pas celle de la gamme Fraîch’Up, à base de pâte crue. Ensuite, l’usine de Caudry a été définitivement fermée en mars 2023, un an après le scandale. Outre les consommatrices et consommateurs des pizzas Buitoni contaminées à l’E.Coli, plus d’une centaine de salarié·es ont ainsi dû payer les conséquences de la mauvaise évaluation des risques par Nestlé.
Dans un communiqué de Nestlé France au sujet de sa mise en examen, l’entreprise « entend assumer pleinement ses responsabilités dans le cadre de cette affaire » et espère « que cette procédure judiciaire permettra de faire toute la lumière sur les circonstances de ce drame et d'apporter une certaine forme d’apaisement aux victimes et à leurs familles. La SPAC et Nestlé France continueront de coopérer pleinement avec les juges d'instruction dans le cadre de la procédure en cours ». Rappelons que cette coopération avec les autorités et les juges d’instruction n’est pas une faveur mais bien une obligation.
Dans ce scandale sanitaire, les entreprises concernées savaient ou auraient dû savoir, mais ont minimisé les faits. Pour foodwatch, Nestlé donne l’image d’une multinationale qui se croit au-dessus des lois, également dans cette autre affaire qui la concerne, celle des eaux filtrées illégalement et commercialisées comme si de rien n’était où nous avons également porté plainte.
Pour foodwatch, le manque de réactivité des industriels, les ratés, le manque d’empathie et la mauvaise gestion des victimes une fois les scandales exposés sont des facteurs aggravants et ajoutent aux sept infractions graves listées dans notre plainte. Cette affaire est d’autant plus scandaleuse qu’elle était évitable.
Avec cette mise en examen, foodwatch et son avocat vont maintenant pouvoir accéder à l’intégralité du dossier d’enquête. Comptez sur nous pour continuer de suivre cela de près, et bien sûr, vous informer et vous alerter.
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