L’accord CETA entre l’Union européenne et le Canada, sur le point d’être voté par le Parlement européen ce mercredi, est contraire à la Constitution française. Les retouches de dernière minute qui ont suivi la « rébellion » de la Wallonie ne sont que cosmétiques : le fond du texte continue de menacer le principe de précaution, mais aussi le pouvoir de légiférer des élus nationaux. En clair, le CETA met de gros bâtons dans les roues de tous ceux qui se battent pour des règles plus protectrices, notamment en matière d’alimentation.
foodwatch a demandé à des experts en droit constitutionnel et en droit international de se pencher sur l’accord CETA, qui sera présenté au Parlement européen ce mercredi 15 février. D’après leur analyse, ce texte n’est pas compatible avec la Constitution française. Ils estiment que le CETA présente de graves entorses à des principes fondamentaux comme l’égalité devant la loi, l’exercice de la souveraineté nationale, ou encore le principe de précaution.
Des annexes qui ne changent rien
L’intention du Conseil de l’Union européenne, en ajoutant in extremis des annexes au texte original, était de rassurer certains pays (notamment la Belgique) qui craignaient de voir leur capacité d’action entravée, alors même que les droits des entreprises étaient, eux, étendus. L’objectif est loin d’être atteint, puisqu’au moins trois entraves sévères à la Constitution française ont été relevées par Dominique Rousseau, Evelyne Lagrange et Laurence Dubin, les juristes à l’origine de cette analyse . foodwatch, la Fondation Nicolas Hulot et l'Institut Veblen relèvent en particulier :
- Le CETA ne respecte pas le principe d’égalité : le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (ou UE) introduit une inégalité devant la loi entre investisseurs nationaux et investisseurs étrangers.
- L’accord dépouille les juridictions nationales de leur compétence ordinaire au bénéfice du tribunal international qui ne peut être saisi que par les investisseurs étrangers. De plus, il modifie les conditions d’exercice des pouvoirs du Parlement – pouvoir normatif et pouvoir de contrôle –, mais aussi des autorités administratives.
- Aucune mesure propre à garantir le respect du principe de précaution, pourtant inscrit dans la Constitution française depuis 2005, n’est prévue dans le CETA. Cette analyse vient conforter l’étude publiée par foodwatch en juin 2016, réalisée par quatre juristes européens.
Un accord doublement inacceptable
Les députés européens devraient se faire l’écho d’inquiétudes qui sont aujourd’hui partagées par d’éminents juristes, en rejetant le CETA. Pour foodwatch, il est inacceptable de voter un texte qui restreint drastiquement les possibilités d’améliorer l’étiquetage, de légiférer plus sévèrement contre les substances dangereuses présentes dans notre alimentation, ou encore d’anticiper les risques nouveaux qui pourraient peser sur les consommateurs dans les années à venir (par exemple nouveaux OGM ou nanotechnologies).
Le CETA devra plus tard passer par la case « ratification nationale » pour être définitivement adopté. L’incompatibilité entre le texte de l’accord et la Constitution française ne peut être ignorée par les députés et sénateurs qui seront amenés à se prononcer. Car une fois le CETA mis en œuvre, il deviendra quasiment impossible de revenir en arrière.