Actualités 24.02.2025

Sucre dans les bas prix : réactions mais inaction des politiques et des distributeurs, Foodwatch maintient la pression

Le moins que l’on puisse dire, c’est que notre enquête sur le sucre dans les produits bas prix sortie début 2025 n’est pas passée inaperçue. Foodwatch y mettait en lumière une tendance aussi inquiétante qu’injuste : dans les catégories de produit analysées, les produits les moins chers sont plus sucrés que les produits plus chers. Unes des médias, politiques et distributeurs ciblés : on passe au crible leurs réactions et on vous explique pourquoi il faut maintenir la pression. 

Sucre dans les bas prix : une enquête Foodwatch qui a fait du bruit

L’enquête de Foodwatch sur le sucre dans les bas prix a suscité de vives réactions et a été couverte par des centaines de médias - Ouest-France, RTL, M6, Le Monde, France Inter, France 2, La Croix, RMC ou encore TF1 - journaux télévisés, matinales radio et presse écrite, qui en ont fait leurs unes, obligeant les distributeurs et le gouvernement à s’exprimer. 

« Imposer un sujet dans le débat public a toute son importance : quand Foodwatch mène l’enquête, c’est pour donner l’alerte et pour braquer les projecteurs sur un pan du système alimentaire qui déraille et qui nécessite un changement de pratiques ou de politique. Lorsque Foodwatch fait la une de l’actualité, les politiques et les acteurs agroalimentaires ne peuvent passer à côté : invités sur les plateaux télé ou sur les ondes radio, jusque dans les discussions à l’Assemblée nationale ou au Sénat, on leur demande de justifier les pratiques que l’on pointe du doigt. Bref, ils ne peuvent pas reculer. »
Audrey Morice Chargée de campagnes foodwatch France

Le jour de la publication de notre enquête, dans les coulisses de BFM, alors qu’elle était interviewée après Karine Jacquemart, la Directrice de Foodwatch, la ministre de la Santé Catherine Vautrin a promis de nous rencontrer pour échanger, un rendez-vous que nous attendons toujours à l’heure où nous rédigeons cet article. Depuis, nous avons rencontré la ministre déléguée à l’Economie, Véronique Louwagie, et ses équipes, avec qui nous avons longuement échangé sur le prix de l’alimentation et l’opacité des marges des différents acteurs. 

En plus de la tornade médiatique provoquée par notre enquête, plus de 26 000 personnes ont déjà interpellé les 5 enseignes de supermarchés visées par notre enquête – Carrefour, E. Leclerc, Intermarché, Auchan et Coopérative U –, pour leur demander de réduire les quantités de sucre dans leurs produits de marque distributeur afin que les produits les moins chers dans les rayons ne soient pas les plus déséquilibrés. Impossible à ignorer pour les supermarchés ! 

L’enquête de Foodwatch en bref 

Guacamole, pizza, pesto, conserve de petit pois ou encore mayonnaise, Foodwatch a analysé plus de 400 produits dans 12 catégories alimentaires et a comparé la quantité de sucre et le prix des produits de ces catégories dans lesquelles on ne devrait pas trouver de sucre ajouté. Verdict ? 99% des produits les moins chers sont de marques distributeurs, et sont systématiquement plus sucrés que les produits les plus chers d’un même rayon. 

Je veux en savoir plus sur l'enquête Foodwatch

Les stratégies d’évitement du gouvernement et des distributeurs

Depuis la publication de notre enquête, les principaux concernés - distributeurs et politiques - ont misé sur une stratégie de l'autruche et autres mascadaras masquant leur inaction. 

Stratégie n°1 : réagir, ne pas agir

Interrogée à l’Assemblée nationale, la ministre de la Santé Catherine Vautrin a rappelé l’ampleur de l’impact du sucre sur notre santé et a souligné la nécessité, non pas seulement d’améliorer la qualité des produits, mais également de les rendre accessibles, et de travailler sur les prix. Pour cela, elle s’est engagée à travailler avec différents ministères afin « d’apporter des réponses claires et concrètes à nos concitoyens », ce sur quoi nous veillerons. Les paroles c’est bien, les actions, c’est mieux.

Alors que l’Etat peut et est censé remettre des règles strictes pour encadrer le secteur et assurer ce droit à une alimentation saine et de qualité, le gouvernement se contente trop souvent de grands discours et de déclarations, sans agir. Pourtant, les solutions sont connues. Plusieurs demandes sont déjà soutenues par Foodwatch depuis plusieurs années.  

La to-do list des politiques pour faire avancer la santé et l’alimentation dans le bon sens :

La langue de bois trouve aussi des adeptes chez les distributeurs, en témoigne la réaction de Guillaume Darasse, le PDG d’Auchan, auditionné par la Commission des affaires économiques  de l’Assemblée nationale le 22 janvier : « Je pense que nous avons une très grande responsabilité et nous souhaitons agir dessus pour qu’il y ait une meilleure information du consommateur puisque je le rappelle, le consommateur est libre de ses choix. » Tout dire et son contraire… !

Stratégie n°2 : blâmer les consommatrices et consommateurs

C’est un stratagème classique des politiques, de l’industrie agroalimentaire et des distributeurs, employé pour se défausser de leurs responsabilités : reporter la charge d’une « bonne » alimentation sur les consommatrices et consommateurs.

Or, il est bon de rappeler que : 

  • Les 5 principales enseignes de la grande distribution (Auchan, E. Leclerc, Carrefour, Intermarché, Coopérative U) contrôlent plus de 80 % du marché. Ce quasi-monopole sur l’offre leur permet de verrouiller le marché et dicter leurs règles : les supermarchés décident des prix et de la qualité des produits mis en rayons. 
  • Si les industriels et distributeurs ne sont pas réglos, c’est bien à l’Etat de fixer des règles plus strictes et plus claires pour protéger les consommatrices et consommateurs, pour garantir de la qualité des produits vendus et de l’accessibilité des prix pratiqués en rayon.  

A la sortie de notre enquête, un porte-parole de Coopérative U s’est exprimé dans Le Parisien. « La seule raison d’exister des « premiers prix » est économique, et les consommateurs l’ont compris. Il ne faut pas se dissimuler derrière son petit doigt : effectivement, les produits les moins chers ne sont pas ceux qui ont le meilleur bilan nutritionnel. […]  C’est une question de pouvoir d’achat et de choix du consommateur. » Reconnaissant d’une part que la santé est sacrifiée sur l’autel du prix pour les personnes ayant un budget serré, le représentant de U remet la responsabilité sur les gens de faire les « bons » choix. 

Stratégie n°3 : éviter la question et noyer le poisson

Plusieurs distributeurs ont tenté de contourner la question, en arguant avoir revu la recette de leurs produits à marques propres ces dernières années, comme l’a fait sur BFM le 29 janvier, Michel-Edouard Leclerc, le patron de l’enseigne : « Dans le cas des premiers prix c’est un peu une idée préconçue que les produits moins chers sont moins bons. Dans la réalité, Leclerc met le Nutri-Score sur ses produits – nos produits sont revisités pour qu’ils aient moins de sucre, de sel, de gras ». Foodwatch ne conteste pas ces efforts d’amélioration des recettes –mais la réponse du président d’E. Leclerc est à côté de la plaque : non seulement ça n’est visiblement pas suffisant, comme le montre notre enquête, mais ça n’apporte pas de réponse sur la question des prix. Le marché à deux vitesses n’a pas disparu. 

A ce jour, aucun des distributeurs ciblés n’a répondu aux courriers de Foodwatch, et malgré l’interpellation de plus de 26 000 personnes, aucun n’a pris d’engagement à changer. 

« Les prochaines étapes pour Foodwatch ? Maintenir la pression, publiquement et en rencontrant les différents ministères, et avec les distributeurs, aller chercher des actions claires et concrètes pour que les produits les plus accessibles soient aussi plus sains. Pour ça, nous avons besoin de la mobilisation citoyenne, que le plus grand nombre signe notre pétition et interpelle les responsables du problème avec nous. »
Audrey Morice Chargée de campagnes foodwatch France

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