Publicité ciblant les enfants : le gouvernement choisit le camp des industriels de la malbouffe
Notre appel pour une interdiction de la publicité pour la malbouffe qui cible les enfants est de plus en plus populaire. L’idée se glisse régulièrement dans le débat parlementaire et obtient de plus en plus de soutien de toutes parts. Mais malgré cette pression grandissante et l’avis de tous les experts, le gouvernement continue de préférer l’inaction et s’abrite derrière la bonne volonté des industriels de la malbouffe de réguler eux-mêmes leur business… Pire : la majorité utilise tous les moyens à sa disposition pour éviter toute règlementation et donc toute contrainte pour les fabricants et distributeurs d’aliments trop sucrés, trop gras, trop salés. La loi Climat et résilience et la réforme de l’audiovisuel en sont deux exemples criants.
Loi Climat et résilience : l’occasion manquée
Comment peut-on espérer traverser les crises climatiques et sanitaires à venir sans garantir la bonne santé des populations ? L’obésité, le diabète favorisés par la malbouffe ont été par exemple des facteurs aggravants pour les personnes atteintes de la Covid-19. A ce titre, il était de la responsabilité de l'Etat de reprendre la proposition de la Convention citoyenne pour le climat et d'interdire enfin la publicité pour la malbouffe, au moins quand elle cible les enfants. Mais le gouvernement a préféré exclure cette mesure du projet de loi Climat et résilience et se retrancher derrière les engagements volontaires flous et inefficaces des entreprises, reprenant ainsi ce que demandait justement le lobby de l’industrie agroalimentaire à quatre ministres, dans une lettre que foodwatch a dénoncé publiquement en décembre dernier.
De nombreux parlementaires ne voulaient pas en rester là : plus de 120 députés de tous les partis ont déposé plus de 30 amendements différents demandant cette interdiction. Une vraie possibilité de victoire se dégageait. C’était sans compter la malice de la majorité, obstinément opposée à cette mesure. Utilisant le couperet de la Constitution, l’ensemble de ces propositions a été déclaré « cavalier législatif ». Comprenez : la majorité considère que le sujet n’est pas en lien avec cette loi, et ne veut pas en discuter. Circulez, il n’y a rien à voir.
Sans possibilité de discuter, impossible de règlementer ce type de publicité… au détriment de la santé des enfants et au plus grand bonheur des industriels de la malbouffe !
Une réforme de l’audiovisuel… sans encadrement de la publicité
A peine le temps de souffler après cette bataille dans la loi Climat et résilience que la réforme de l’audiovisuel pointe de nouveau le bout de son nez. Souvenez-vous, il y a maintenant plus d’un an, elle avait permis des débats houleux avec la rapporteure Aurore Bergé qui avait refusé d’interdire la publicité pour la malbouffe qui cible les enfants, préférant elle aussi faire confiance aux industriels pour s’autoréguler, sans obligation ni contrainte… Le retour de cette loi à l’agenda de nos parlementaires semble donc une opportunité inespérée pour remettre ce débat sur la table, surtout que depuis les rapports d’experts comme Santé Publique France ont continué à insister sur le besoin de protéger les enfants du matraquage de la publicité et du marketing pour la malbouffe !
Mais, surprise : le nouveau texte proposé, qui est discuté aujourd’hui au Sénat, a été totalement modifié afin de ne laisser aucune possibilité d’y raccrocher ce sujet de santé publique. Pas un mot sur la publicité, donc pas de possibilité d’en débattre ! La rapporteure et le gouvernement ont préféré favoriser une loi encadrant (entre autres) les retransmissions illégales de compétitions sportives, plutôt que la protection de la santé des enfants…
Encore une fois, il s’agit d’une manœuvre politicienne pour empêcher un vrai débat et laisser la santé des enfants dans les mains des industriels de la malbouffe.
Une stratégie assumée ?
En deux ans, l’interdiction de la publicité pour la malbouffe qui cible les enfants a été portée par des parlementaires de tous bords dans pas moins de 4 projets de loi. A quatre reprises, la majorité et le gouvernement ont fait barrage, préférant faire prétendument confiance aux industriels pour réguler eux-mêmes ce business qui leur rapporte tant.
Alors que la pression pour mieux protéger la santé des enfants devient difficilement tenable publiquement – les avis des experts (OMS, Santé Publique France, la Cour des Comptes, l’UNICEF) martèlent que ces engagements volontaires ne fonctionnent pas, les promesses des industriels ne convainquent plus, leur lobbying débridé choque – cette mesure de santé publique pourrait plus que jamais être adoptée.
Alors, le gouvernement se désiste une nouvelle fois en sortant sa dernière arme : bâillonner le débat démocratique. En s’assurant que le sujet est mis au placard et n’est pas discuté lorsque ces lois sont débattues, il s’assure surtout qu’aucune interdiction de ces pubs nocives ne sera proposée contre son avis.
Dans ce déni de démocratie, il faut voir une volonté de favoriser les industriels et leurs intérêts économiques plutôt que de protéger la santé des enfants ; une stratégie de culpabiliser les parents plutôt que de faire preuve de courage politique.
Mais nous ne lâchons rien. Nous continuerons à réclamer cette interdiction, à dénoncer le lobbying des géants de la malbouffe et à défendre parents et enfants face à leurs manipulations.
Vous avez aimé cet article ? On a encore plein de sujets sur le feu : aidez-nous à continuer !
foodwatch est une association 100% indépendante qui refuse tout financement public ou dons d’entreprises qui pourraient présenter le moindre conflit d’intérêt. Ce sont donc vos dons qui garantissent notre liberté de parole et d’action pour enquêter, lancer l’alerte et faire bouger les choses. Ensemble, notre voix compte. Merci !